Trois jours s’étaient écoulés depuis que Flaviana s’était installée dans son nouvel appartement, et depuis, elle ne dormait plus seule. Alessandro passait presque toutes ses nuits avec elle. Ils sortaient en ville, prenaient des dîners tardifs dans des lieux discrets, flânaient dans des boutiques huppées, puis rentraient s’étendre sur le canapé ou s’aimer dans la pénombre de la chambre. Flavia vivait dans une bulle, un mélange de luxe, d’attention et de chaleur.
Ce n’était plus uniquement une relation de plaisir charnel. Flaviana sentait qu’elle s’attachait. Alessandro était prévenant, tendre, toujours à l’écoute. Il lui offrait tout : des bijoux, des robes de créateurs, des parfums, des moments rien qu’à eux. Et il lui offrait aussi ce que Flaviana n’avait plus connu depuis longtemps : de l’importance.
Ce jour-là, il avait quitté son bureau plus tôt que prévu. Il était passé la prendre avec son chauffeur, lui tendant une rose blanche à son arrivée.
— Je voulais te voir, avait-il dit. J’ai besoin de ce genre de compagnie. Tu sais écouter, Flavia. Pas comme ma femme.
Elle n’avait pas répondu tout de suite. Elle savait ce que cela voulait dire, ce que cela impliquait. Mais elle n’avait pas résisté à son sourire, à sa voix grave, à cette manière qu’il avait de la regarder comme si elle comptait vraiment.
Ils avaient longé la grande avenue commerçante, passant devant les vitrines de luxe. Alessandro avait insisté pour qu’elle choisisse ce qu’elle voulait. Elle avait refusé par réflexe, mais il avait ignoré ses protestations. Flaviana s’était laissée faire, les bras bientôt chargés de sacs.
Puis ils étaient allés manger, installés dans un coin discret d’un restaurant chic au bord d’une rue calme. Ils évitaient les regards, parlaient à voix basse, riaient doucement, complices. Mais malgré toutes leurs précautions, quelqu’un les avait reconnus. Un homme, seul à une table près de la vitre, n’avait cessé de les observer. Alessandro avait fait mine de ne rien voir, mais son regard s'était légèrement durci. Flaviana, elle, avait senti une alerte silencieuse.
Après le repas, Flaviana exprima son envie de se faire coiffer. Alessandro regarda sa montre puis acquiesça.
— Je vais t’attendre dans un bar un peu plus loin, dit-il. Le temps que tu deviennes encore plus belle.
— Tu pourrais rester, murmura-t-elle.
— Si je reste, je ne te laisserai pas te faire coiffer, répondit-il avec un sourire entendu.
Ils rirent doucement. Le chauffeur déposa Flaviana devant un salon élégant, tandis qu’Alessandro s’éloignait dans la voiture.
À l’intérieur, l’ambiance était paisible, feutrée. On lui proposa un café, elle accepta. Une coiffeuse commença à démêler ses cheveux, un masque dans les mains. Flaviana se détendait, profitait de ce moment de calme, loin du bruit du monde.
Mais soudain, tout bascula.
Un premier coup de feu claqua dehors. Sec, brutal. Puis un deuxième. Les cris fusèrent, les clientes se levèrent, certaines tombèrent à genoux. La coiffeuse recula, tremblante.
— Qu’est-ce que c’était ?!
— Couchez-vous ! hurla une autre.
À l’extérieur, les gens couraient dans tous les sens. Des vitres furent brisées. Une voiture manqua de heurter le trottoir. Le salon n’était plus qu’un abri fragile dans une scène de chaos. Flaviana, pétrifiée, le cœur battant à tout rompre, se pencha près d’une coiffeuse en pleurs.
Les coups de feu avaient cessé, mais l’angoisse restait là, suspendue dans l’air, comme une menace invisible.
Et dans l’esprit de Flaviana, un seul nom résonnait.
Alessandro.
Flaviana sortit du salon précipitamment, ignorant les supplications paniquées de la coiffeuse. Dans la rue encore agitée, elle aperçut au loin la voiture noire d’Alessandro, encadrée de rubans de sécurité et de policiers. Son cœur s’emballa. Elle courut, trébuchant presque sur un trottoir fissuré.
Mais avant qu’elle n’atteigne la scène, une main surgit de nulle part, l’agrippa brutalement par le bras et l’entraîna dans une ruelle étroite. Elle se débattit, cria, tenta de se libérer.
— Lâche-moi ! Espèce de malade !
La voix qui lui répondit la glaça.
— Tais-toi, Flavia. T'as assez attiré les projecteurs pour aujourd’hui.
C’était Ruggerio. Ses yeux lançaient des éclairs.
— Qu’est-ce que tu fais là ?! hurla-t-elle.
Flaviana tenta de se débattre, mais la poigne de l’homme qui venait de la tirer à l’écart était ferme, brutale. Elle leva les yeux, haletante. Son cœur manqua un battement.
— Ruggerio… lâcha-t-elle, sidérée.
Il jeta un regard furtif autour de lui, puis serra davantage son étreinte.
— Si tu veux pas finir à la une des journaux comme la p**e de ce c*****d d’Alessandro, tu ferais mieux de fermer ta gueule et de me suivre.
— Qu’est-ce que t’as fait ? bredouilla-t-elle, les yeux rivés vers l’avenue d’où s’élevaient encore des cris et des sirènes.
— Monte, maintenant.
Elle n’eut pas le choix. Il l'entraîna jusqu'à sa voiture noire, garée à quelques rues du salon. Elle monta sans un mot, la mâchoire serrée. Durant tout le trajet, elle sentait ses mains trembler malgré elle. Ils arrivèrent devant l’immeuble. Flaviana cligna des yeux, interdite.
— Comment tu connais mon adresse ?
Ruggerio coupa le moteur, puis tourna lentement la tête vers elle, un rictus froid sur les lèvres.
— L'un de mes hommes t'a vu faire la p**e avec cet idiot et il m'a appelé.
Ils montèrent sans un mot, les talons de Flaviana claquant contre le sol carrelé. À peine la porte de son appartement franchie, Ruggerio la plaqua violemment contre le mur.
— T'es vraiment une sale p**e, cracha-t-il entre ses dents. Je t'avais dit de pas t’approcher de ce type. Je t’avais prévenue.
Flaviana le regarda, le souffle court, le dos écrasé contre le mur. Son regard se remplit d’un mélange de colère, de peur… et de ce foutu désir qu’elle détestait ressentir à son contact.
— Qu’est-ce que tu lui as fait, Ruggerio ? demanda Flaviana, la voix tremblante, les poings serrés.
Ruggerio ne répondit pas tout de suite. Il glissa lentement sa main dans sa veste et en sortit son arme, qu’il laissa tomber paresseusement sur la table basse. Son regard sombre plongea dans celui de Flaviana, sans une once de remords.
— À ton avis ? dit-il d’un ton calme, presque indifférent.
Le sang de Flaviana ne fit qu’un tour. Elle recula d’un pas, les jambes soudainement fléchissantes.
— Tu l’as tué… souffla-t-elle, choquée.
— Il commençait à te plaire, murmura Ruggerio. Et ça, je peux pas le supporter. Je te l’ai dit, Flavia… Tu ne m’échapperas pas. Je t’ai peut-être repoussée. Mais je ne te laisserai jamais aimer un autre.
— Tu veux pas de moi, mais tu supportes pas que quelqu’un d’autre m’approche ? hurla-t-elle, le regard incendiaire.
Ruggerio eut un sourire lent, carnassier.
— Voilà… t’as enfin compris, princesse.
Il s’affala dans le canapé, jambes écartées, détendu comme s’il n’avait pas avoué un meurtre quelques secondes plus tôt. Flaviana le fixait, glaciale, le souffle saccadé, mais une flamme contradictoire dans les yeux.
— Arrête de faire cette tête, dit-il, en la fixant. J’ai fait ça pour toi. Pour nous.
Il se leva, s’approcha lentement d’elle, posa les mains sur ses hanches et déposa un b****r brûlant dans le creux de son cou. Elle ferma les yeux. Elle aurait dû le repousser, hurler, l’insulter… mais elle n’y parvenait pas. Son corps réagissait avant sa raison.
Elle murmura, presque inaudible :
— Tu m’as brisée…
— Et je suis le seul à pouvoir te réparer, répondit-il contre sa peau.
Leurs bouches se cherchèrent, se trouvèrent. Les gestes devinrent fiévreux, dévorants. Ils s’embrassèrent comme deux ennemis trop longtemps séparés. Des ennemis qui se désiraient autant qu’ils se détestaient.
Ils se perdirent dans la chambre.
Les vêtements tombèrent au sol dans un silence brutal, précipité. Les corps s’embrassèrent avec la même urgence que deux flammes cherchant à se consumer l’une l’autre. Il la plaqua contre le mur de la chambre, sa main glissant sous sa cuisse.
— Dis-moi que tu le voulais pas, grogna Ruggerio entre deux baisers, haletant contre sa peau. Dis-moi que c’était juste pour l’argent.
Flaviana referma les doigts dans ses cheveux, le tira plus fort contre elle.
— Je voulais oublier que c’est toi que je veux… cracha-t-elle, la voix déformée par le désir. Je voulais t’effacer.
— Tu peux pas, souffla-t-il contre sa gorge. T’es à moi, Flavia. Depuis le premier jour. Même quand tu me détestes.
— Et toi ? Tu m’as rejetée, puis tu reviens, comme si j’étais un objet…
Il la souleva et la jeta presque sur le lit, son regard brûlant de rage et d’attirance.
— T’es pas un objet, murmura-t-il, en entrant en elle d’un coup de hanches. T’es mon obsession.
Un gémissement lui échappa malgré elle.
A suivre