Chapitre 8

1472 Words
Elle le griffa dans le dos, les mots lui échappant entre deux halètements. — Tu me rends folle, Ruggerio… Tu me détruis. — Et tu m’aimes pour ça, hein ? souffla-t-il, haletant, accélérant ses mouvements. — Je te hais, murmura-t-elle à son oreille, les jambes enroulées autour de lui. Je te hais tellement que j’en crève. Il l’embrassa comme pour l’étouffer, pour lui voler jusqu’à son souffle. — Parfait… Alors crève dans mes bras. Leurs corps se percutèrent jusqu’à l’épuisement, entre rage, fièvre, et amour refoulé. Un chaos d’âmes lié par quelque chose de trop v*****t pour être simplement nommé. Après leur étreinte sauvage, leurs corps encore brûlants d’une intimité trop familière, Ruggerio se leva sans un mot. Il ramassa son pantalon au pied du lit, l’enfila d’un geste rapide. Flaviana, nue et allongée dans les draps froissés, le fixait. — Tu t’en vas, juste comme ça ? demanda-t-elle, la voix rauque. C’est ça que tu veux, hein ? Juste du sexe ? Il haussa les épaules, sans la regarder. Il renifla, amusé, et attrapa sa chemise. — Tu crois quoi, Flavia ? lança-t-il d’une voix lasse en ajustant sa chemise. Que c’est de l’amour, ce qu’on fait ? Faut arrêter de jouer à la vierge blessée, là. Tu sais très bien ce que c’est entre nous. — Dis-le alors, qu’on sache, cracha-t-elle, amère. Ruggerio tourna lentement la tête vers elle, un sourire ironique accroché à ses lèvres. — Tu penses être amoureuse ? Non, ce que t’aimes, c’est comment je te prends. Comment je te fais oublier le monde. Tu crois m’aimer, mais c’est ton corps qui parle. Tu m’aimes pas, Flaviana. Tu m’utilises comme tu l’as fait avec Alessandro. Elle le regarda, le cœur serré, incapable de répondre. Peut-être avait-il raison. Peut-être se mentait-elle à elle-même. Et pourtant… au fond, elle voulait croire que c’était plus que ça. Flaviana avala difficilement sa salive. Elle le fixait, incapable de dire s’il voulait la blesser ou se protéger. — Peut-être… murmura-t-elle. Peut-être que je sais même plus ce que je ressens. Mais y’a une chose que je sais, Ruggerio… Quand t’es là, j’existe. Il soupira. S’assit au bord du lit pour enfiler ses chaussures. Elle tendit la main vers lui, la posa doucement sur son dos nu. — Reste cette nuit, murmura-t-elle. Juste cette nuit. Il la regarda par-dessus son épaule. Un léger sourire amer passa sur ses lèvres. — Je préfère éviter que Soraya fasse une crise en se réveillant seule. Flaviana sentit un pincement. Ce nom, elle le connaissait. Une brune au sourire arrogant, souvent taguée sur les stories de Ruggerio au club. Une fille publique. Officielle. Elle ravala sa jalousie et lança d’un ton acide : — Très bien. J’irai voir ailleurs moi aussi. D’autres hommes attendent sûrement leur tour. Ruggerio rit doucement, sans colère. — Fais-toi plaisir, Flavia. T’as jamais eu besoin de moi. T’as réussi à te faire entretenir par Alessandro en écartant les cuisses. Continue. C’est ton talent le plus rentable. Ses mots la frappèrent comme des balles. Elle détourna les yeux, blessée, mais garda la tête haute. — Dégage, Ruggerio. Il ouvrit la porte, se retourna une dernière fois. Son regard était vide, sans attache. — Tu m’as toujours amusé, Flavia. Mais t’es pas faite pour aimer. T’es faite pour b****r. Puis il sortit, et la porte claqua. Flaviana resta là, nue dans son lit devenu trop grand. Elle ne bougea pas. Elle ne pleura même pas. La douleur était trop profonde, trop ancienne, pour que les larmes viennent encore. Mais dans le silence de l’appartement, une pensée revenait en boucle : “Et si c’était vrai ? Et si je ne savais pas aimer ?” Et cette pensée la tua un peu plus. Flaviana avait la haine. Une rage sourde, épaisse, collée à la peau comme une fièvre qui ne voulait pas retomber. Elle avait encore faibli. Encore une fois, elle s'était donnée à Ruggerio, croyant à une illusion, à un mensonge qu'elle avait elle-même nourri. Il ne l'aimait pas. Il ne l’a jamais aimée. Et pourtant, il revenait, la touchait comme s’il possédait chaque parcelle de son corps et de son âme. Puis il repartait, laissant derrière lui ce vide immense. Elle s’effondra en larmes sur son lit, les mains crispées contre ses tempes. Elle se sentait souillée, trahie, conne. Le lendemain, elle ouvrit les yeux à quatorze heures passées. Le soleil filtrait à peine à travers les rideaux. Elle traîna ses pieds nus jusqu’à la cuisine, prépara un café noir, dur, sans sucre, comme son humeur. Elle s’installa devant la télé, le regard vide, ses cheveux en bataille, vêtue d’un vieux t-shirt froissé. Elle ne ressemblait à rien. Soudain, l’écran capta son attention. Le flash info parlait de la mort mystérieuse d’un homme d’affaires influent. Elle reconnut la photo d’Alessandro. Un cri muet resta coincé dans sa gorge, puis une violente douleur lui broya la poitrine. Elle lâcha sa tasse, qui éclata contre le carrelage. Les larmes, encore, inondèrent son visage. Il était mort. Il était réellement mort. Et elle savait que Ruggerio en était responsable. • Trois jours passèrent. Trois jours à fuir le monde, les appels, les notifications. Elle avait éteint son téléphone, refusant de manger, de dormir, de penser. Elle ne voulait plus rien ressentir. Parce qu’elle avait tout perdu : un homme qui, peut-être, l’aurait aimée... et un autre qui refusait même de prétendre. Mais ce soir-là, affamée et trop faible pour bouger, elle ralluma son téléphone, simplement pour commander à manger. L’écran explosa sous les notifications. Appels manqués. Messages. Tous de Léandra. Elle ouvrit le plus récent. Tu m’as oubliée ! Je te déteste ! Puis un autre. Tu m’as promis, Flavia. Tu m’as promis que tu viendrais. Tu m’as laissé seule. Tu t’en fiches de moi aussi ? Son cœur se serra si fort qu’elle crut suffoquer. L’anniversaire. Elle avait tout oublié. Léandra. Ses yeux brillants à travers l’écran. Sa joie innocente quand elle avait promis d’être là. Et elle… Elle s’était noyée dans sa douleur, aveuglée par un homme qui ne voulait pas d’elle, obsédée par un autre qu’on lui avait arraché. Elle lâcha le téléphone, ferma les yeux, et murmura : — J’ai tout gâché. Même elle… je l’ai perdue. Mais pas pour toujours. Pas si elle faisait quelque chose. Angnella s’arrêta net sur le seuil, son regard planté dans celui de sa fille aînée. Le torchon qu’elle tenait retomba lentement contre sa hanche, comme si le temps s’était suspendu. — Qu’est-ce que tu fais ici ? demanda-t-elle d’une voix sèche. Flaviana esquissa un sourire amer, mais son cœur battait trop fort pour faire semblant. — Ah, je suis devenue une étrangère maintenant ? lança-t-elle avec sarcasme. Je peux plus venir ici, c’est ça ? C’est plus ma maison ? — Si t’avais pas gâché ta vie, les choses ne se seraient jamais passées comme ça, répondit Angnella, les mâchoires serrées. — J’ai rien gâché, maman, répondit Flaviana, les yeux brillants. J’ai juste choisi d’être libre. De faire ce que je veux. De vivre comme je l’entends. — Faire la p**e, c’est ça, être libre ? Le mot éclata comme une gifle. Le silence fut brutal. Léandra baissa la tête, choquée. Flaviana sentit sa gorge se nouer, mais elle resta droite, fière. Comme toujours. Angnella sembla réaliser soudain ce qu’elle venait de dire. Elle se raidit, et tourna la tête vers Léandra. — Rentre à l’intérieur, Léandra. — Maman… — J’ai dit rentre ! cria-t-elle, le ton dur. Léandra hésita, le regard perdu entre sa sœur et sa mère. Puis, lentement, elle fit demi-tour. Avant qu’elle n’entre, Flaviana s’approcha, tendit les sacs. — Prends au moins tes cadeaux… — Elle les prendra pas, rétorqua Angnella en se plaçant entre elles. Je veux pas qu’elle touche à ces choses. Je sais même pas d’où vient cet argent. — Ce n’est pas sale, murmura Flaviana. — C’est pas propre non plus. Léandra franchit le seuil de la maison, le cœur en miettes. Juste avant que la porte ne se referme, Flaviana cria, d’une voix tremblante : — Je t’aime, Léa… Je t’aime fort. Mais déjà la porte s’était refermée sur elle. Et avec elle, tout un monde qu’elle ne savait plus comment atteindre. — Si tu l’aimais vraiment, ta sœur, tu n’aurais jamais choisi cette vie, lança Angnella, la voix cassante. Flaviana haussa un sourcil, un rictus aux lèvres. — Quelle vie, maman ? Dis-moi. Celle où j’ai envie de coucher avec qui je veux sans me justifier ? C’est ça qui t’étouffe ? Tu me juges pour mon corps… mais l’Église que tu vénères tant, elle ne condamne pas le jugement des autres ? — Ce n’est pas un jugement, répondit Angnella, sa voix tremblant légèrement. C’est un constat. Je ne te reconnais plus, Flavia… t’es plus la fille que j’ai élevée. A suivre
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD