Chapitre 2

2542 Words
Le mois d’Octobre succède à un novembre froid, maussade et qui s’enneige alors que les jours défilent sur le calendrier creusant un peu plus mon manque croissant de la Finlande, un besoin d’évasion inassouvissable… Ma journée commence comme tous les jours ou presque à cinq heures et demie. Natasha m’amène le Baltic Times, le Times Américain, le Forbes et Le Monde, et d’autres journaux que je feuillète en buvant mon café pendant qu’elle me donne les actualités des heures où j’ai dormi. - Quand est-ce que tu veux que j’aille à Oradea ? - Je ne sais pas encore… - ça fait déjà plusieurs semaines que tu laisses ça de côté… - Ce n’est pas un manque de confiance en toi Natasha, tempêtais-je alors que je sens qu’elle est vexée de ne pas s’y rendre elle-même. - Je ne sais pas, j’ai pris l’habitude de faire cette part du boulot, alors je ne vois pas pourquoi tout à coup… - Parce que ce n’est pas un être humain ! J’ai besoin de toi sur tes deux jambes. Pour l’instant tu restes ici. Tu retourneras à Oradea bien assez tôt rejoindre ton précieux Nick. - Il est cloué à un lit d’hôpital… - On verra quand on le transfèrera au château, il faudra qu’il soit shooté, en permanence. Je passe ensuite deux heures à la salle de sport avec un coach particulier qui ignore totalement qui je suis réellement, tout comme les trois quarts des gens que je croise ici. Seuls mes plus proches employés me connaissent vraiment. Je juge indispensable de maîtriser les notions élémentaires de self défense et de me maintenir en bonne condition physique, mais ce n’est franchement pas quelque chose que j’affectionne. Comme tout le reste d’ailleurs, tout est toujours si chiant et morose ici et partout ailleurs… Je m’enferme dans mon bureau pour le reste de ma journée, comme d’habitude, on m’y nourrit, on m’y dorlote, mes filles les plus proches sont toujours au petit soin pour moi. Parmi elles je compte Cassie, Tanya et Natasha évidemment. Leïlany frappe à la porte et s’étire en entrant. - Comment ça va ? La nuit a été bonne ? - Toujours trop courte, maugréais-je en prenant le café que Cassie m’a apporté quelques instants plus tôt. - Il faut que tu prennes un appel de Hayes, l’américain. - Pourquoi ? - Jimmy m’a pingué. Il cherche à te contacter de toute urgence. - De tout urgence ? C’est ce qu’il a dit ? - Euh… Oui… - Qu’est-ce que vous avez foutu ?! - Rien du tout… On ne sait pas ce qu’il veut ! - Demande à Persia de l’appeler, procédés habituels. Qu’elle me le passe quand elle l’a en ligne. Autre chose ? - Euh… Non, le transfert au château pour le colosse est en cours, rien d’autre à signaler. Je sirote tranquillement mon café en attendant qu’elle fasse son boulot et j’attends la connexion. - Bon dieu de merde Aliénor, il t’a vraiment fallu tout ce temps pour avoir mon message ? Je suis particulièrement surprise de l’exaspération immédiate que j’entends dans la voix de mon interlocuteur. Je n’ai jamais rencontré ce type-là, mais je sais à peu près qui il est. Nous avons de bons rapports commerciaux, il me commande régulièrement des filles, que je lui achemine jusqu’à son ranch sous protection, tout se passe très bien sur place et il me renvoit mes marchandises en bon état. Nous avons même conclu des accords d’échanges, il m’a déjà refilé deux filles qui ne lui servait plus, il ne veut pas d’assignation à résidence dans son ranch de la mort. C’est un clan de tueurs à gage et je n’ai nullement l’envie de le provoquer. - Non, mais j’étais sur une affaire et entre deux transferts quand c’est arrivé, tu as encore besoin de filles ? - Non, je t’appelle à cause de ça. - A cause de quoi ? - Notre entente quant à cette soirée est remontée aux oreilles d’un homme et je ne sais absolument pas comment. - Qu’est-ce que tu sous-entends exactement ? m’agaçais-je de sa condescendance. Non mais pour qui il se prend celui-là, à me parler de cette façon… - Je voulais être sûr que tout était sécurisé de ton côté. - Tout est toujours sécurisé de mon côté, c’est à Jimmy que tu devrais poser cette question. - Sérieusement Aliénor… - Il n’y a jamais rien de sérieux et de définitif dans mon métier Devon, la seule chose qui tient tout ce bordel à flot, c’est ma froideur. Si je te dis que ça roule de mon côté c’est que ça roule. - Et les filles que tu m’as envoyées ? - C’étaient qui ? - Est-ce que tu crois que je suis du genre à retenir les prénoms ? - Je m’en branle de ton genre mon lapin, donne-moi des détails sur les prestations si tu veux que je te réponde, j’ai deux-trois clients quand même. - Je ne sais pas ouvertes, peu farouches, insatiables. - J’en ai un paquet des comme ça mon chou, j’en ai envoyé quatre pour combien d’hommes ? - Une vingtaine… - Elles sont restées combien de temps ? - Deux jours. - Quand ? - Il y a un peu plus de deux mois et demi. Je pianote sur mon ordinateur dans les plannings des responsables. C’était Soline qui s’en était chargée, et elle avait même fait le déplacement elle-même. Il devait lui manquer une fille. - Ouais, c’était Tanya, Eden, Jazz et Soline. Elles travaillent pour moi depuis longtemps. Je n’ai jamais eu de problème. Je passe rapidement les dossiers des filles… J’ai confiance en elles et aucune n’a jamais été farouche ni rebelle… - Donc tu es sûre ? - Oui je te dis tu fais chier, tu es au courant que j’ai de vrais problèmes ?! - Moi aussi figure-toi p****n, un trafiquant français a mis des idées dingues dans le cerveau de ma femme et j’ai agi comme un con et elle s’est barrée p****n de merde ! Il semble en proie à une crise de colère qu’il peine à contenir, je suis abasourdie d’entendre que ce genre de personnage puisse être marié, encore moins que sa femme puisse avoir un lien quel qu’il soit avec la France… En bref, je ne comprends pas grand-chose du charabia furieux qu’il baragouine. - C’est bon tu as fini de décharger tes nerfs ? - Ouais. - C’est qui ce type qui a donné les informations ? - Il est mort, aucune importance. - Donc tu m’appelles vraiment pour une histoire sans importance ? Est-ce que je suis ta p****n de secrétaire ? Il me fait perdre patience avec ses conneries, et je ne vois pas ce que j’ai à faire dans cette histoire. - Gérard Davault. - Ah. Je suis surprise de découvrir qu’il est mort, je pensais qu’il se planquait depuis la saisie de sa cargaison il y a quelques mois, son fils Antonin, un très bon client et partenaire commercial par moments est mort pendant l’assaut des forces de polices. Je ne m’entendais pas aussi bien avec le père. - Tu le connais ? - Je connais tout le monde dans le milieu Devon. Je sens la panique que je déclenche à distance, ce tueur vient de me confesser un meurtre au téléphone, je remercie Leïlany d’être particulièrement attentive à la sécurité. J’ai rapidement tendance à faire frémir lorsqu’on me fait des confessions. Tout le monde me connait, mais personne ne me connait, et ça peut faire très peur, parce qu’aucun n’ignore quel genre de monarque je suis. Je décide d’interrompre ses réflexions et son silence parce que j’ai bien d’autres affaires à gérer. - Tu sais que j’ai autre chose à faire qu’attendre que tu finisses tranquillement ta réunion introspective ?! - Tu travailles avec lui ? - Plus maintenant apparemment puisque tu viens de me dire avec un peu trop d’assurance qu’il est mort, répondis-je d’une voix badine. - Et à quel point ça me fout dans la merde cette confidence ? - Aucunement mon lapin, je ne m’occupe pas de ces choses et on n’était pas toujours copains avec Gérard. - Pourquoi ? Parce qu’il trafiquait des femmes ? Sa question me fait mourir de rire… Et moi qui pensait qu’il n’avait rien d’un innocent. - Ecoute mon trésor je te trouve bien mignon, mais ça fait longtemps que j’ai arrêté de juger les hommes en fonction de ce qu’ils font avec leur queue parce qu’ils sont toujours plus inventifs et surprenants quand il s’agit de cette partie-là de leur corps. La femme est une marchandise c’est un fait universel et intemporel alors lui ou un autre, qu’est-ce que ça peut me foutre… - Je croyais que tu respectais celles qui travaillent pour toi… - Je suis une sociopathe de haut niveau mon loup, il n’y a rien que je respecte. Je suis libre de créer des règles et de les enfreindre, il existe des lois pour enfreindre les lois et je joue au chef d’orchestre au milieu de tout ça. - Alors qu’est-ce qui t’intéresse dans la vie ? - Le jour où j’aurai la réponse à cette question je t’appelle. La seule chose qui m’intéresse vraiment, est bien cachée, bien à l’abri des malades de son genre et j’irai jusqu’à la tombe pour ce secret sans hésiter. - Si jamais tu as des infos qui te viennent aux oreilles le concernant ? - Evidemment, d’ailleurs j’ai eu vent des activités d’une femme récemment. - Ah oui ? - Oui, des bruits de couloirs elle aurait fait fermer plusieurs de ses entreprises. Ils l’appellent la femme d’affaires. - Jamais entendu parler. Evidemment, je sais qu’il ment parce que l’un de ses soldats sert de garde du corps à la femme en question et je le sais de source sûre puisqu’il demande des petits services à Leïlany mais il n’est pas du coin et les guerres ne l’intéressent qu’à partir du moment où on le paye pour être dans un camp, alors j’ai un peu de mal à cerner ce qu’il fait vraiment. Il n’a jamais travaillé pour moi cependant, je ne prendrais pas le risque de faire appel à un mercenaire pour faire mon sale boulot. J’ai plutôt besoin d’une armée privée pour cela. Et mon statut de multi milliardaire m’y autorise, seulement, je n’ai pas encore été séduite par une milice suffisamment puissante pour satisfaire mes désirs de protection insatiable. En ce domaine-là, Henry est bien meilleur que moi. Quoi qu’il en soit, j’ai eu vent des activités d’une femme en particulier qui rachetait tour à tour les anciennes entreprises florissantes dans lesquelles Davault blanchissait son fric, et je n’ai pas la moindre idée des projets de cette femme, je sais seulement qu’ils ont tous un lien. Elle ne semble pas aussi riche et habile que moi quoi qu’il en soit et toutes les informations sont totalement verrouillées sur le sujet. - Est-ce que tu t’inquiètes pour tes affaires ? demande-t-il alors me coupant de mes introspections. - Je ne m’inquiète jamais pour mes affaires Devon, j’ai des armées d’avocats et des millions à la banque. - Est-ce qu’il y a des choses qui t’inquiètent parfois ? - Oui, bien sûr. Ça, il n’a pas idée du nombre de choses qui m’inquiètent réellement, qu’Henry me mette la main dessus et sur mes secrets, en pole position. Mes aspirations vont bien au-delà de ma simple protection, et je dois engranger des milliards et les dépenser sciemment si je veux réellement inverser la tendance. - Bordel ce que tu es froide. - C’est mon deuxième prénom… - Pourtant avec le métier que tu fais…Tu devrais plutôt être du genre chaleureux. - C’est parce que je suis complètement hermétique à ça que je suis à cette place Devon, j’exploite mon sang froid là où n’importe qui perd la tête et j’adore voir ces espèces de débiles d’humains se prosterner devant un cul ou une paire de seins. C’est là mon seul plaisir d’ailleurs, savoir qu’ils me payent tous pour donner un peu de piment à leur vie misérable. - Est-ce qu’un jour j’aurais l’honneur de te rencontrer pour en discuter de vive voix ? - Tout dépend l’intérêt que j’y trouverai mon lapin. Allez bon courage pour tes conneries. Je mets fin à cette conversation parce que je souhaite vérifier mes affirmations au plus tôt, que j’ai des masses de boulot et que ce mercenaire m’inquiète au-delà du raisonnable. - Leïlany !! Putain je suis vraiment hors de moi. Je suis rarement émotive mais là… - Leïlany !! - Qu’est-ce qu’il se passe ?! Tu sais que j’ai un boulot ! - L’américain ! Hayes ! Il a payé comment ? - Euh Jimmy m’a fait un transfert de crypto. - Vous avez réglé ça entre vous ? Et il n’y a eu aucun problème ? - Non. - Et tu réponds toujours aux demandes de son homme en France ? - Euh… Oui… Je m’adosse dans mon fauteuil… ça vient forcément de chez lui. Mes filles savent que la seule personne à qui elles doivent communiquer des informations, c’est moi. Aucune ne me trahirait ce n’est pas possible. Je reparcours les fiches de chacune en réfléchissant alors qu’elle marque son impatience du pied devant moi. Mais je relis les choses entre elles, il a tué Davault, et maintenant, une femme protégée par l’un de ses hommes fait ses petits rachats tranquillement… Mais ce n’est pas sa femme apparemment… Puisqu’il avait l’air aussi perdu que moi… - Sors moi les dossiers de Jazz, Eden, Soline et Tanya. Convoque-les ! Je les veux toutes les quatre séparées dans les chambres. Dès qu’elles seront enfermées plus aucune communication avec l’extérieur tant que je n’aurai pas donné d’ordre. Est-ce que je suis bien claire ? - Qu’est-ce qu’il se passe Aliénor ? C’est rare que tu t’inquiètes. - Je ne suis pas inquiète, je suis folle de rage qu’un client m’appelle pour se plaindre du manque d’intimité. C’est un p****n de tueur à gages ce mec-là, il ne plaisante pas. - Hayes ? Il devient doux comme un agneau depuis qu’il roucoule. - Il n’était pas doux du tout quand il m’a gueulé dessus pour ensuite gentiment m’inviter à son p****n de ranch de la mort où beaucoup de gens entrent mais dont peu ressortent. On le surnomme le triangle du désert tu le savais ? Même les rangers ne s’y aventurent pas ces mecs-là n’ont aucune pitié et leurs lois les autorisent presque à abattre des gens sur leur terre s’ils se sentent menacés. - Comment tu sais ça ? - Je connais toutes les foutues lois de cette p****n de planète Leïlany tu travailles pour moi depuis cinq ans maintenant tu devrais savoir que je suis obsessionnelle compulsive quand il s’agit de connaître des choses. - Je vais effectuer des recherches, essayer de creuser un peu et voir quels bruits courent. - Ouais fais ça… Pour commencer… Le reste de la journée ne se déroule pas mieux… Je suis complètement saturée quand je suis enfin libérée et monte me coucher dans la nuit. Dès demain je commencerai les interrogatoires et j’espère avoir le fin mot de cette histoire.
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