Chapitre 3

2509 Words
Je ne mets pas très longtemps à trouver les liens et la vérité. J’ai rapidement écarté Tanya et Soline de la liste des suspectes, il me restait donc Jazz et Eden à cuisiner, et j’ai fini par me rappeler qu’Eden était une des filles de Davault avant d’arriver ici en lambeaux. Elle n’avait pas pu commencer le travail pour moi avant des semaines. Je rencontre tellement de nouvelles têtes et tellement brièvement, des filles que je ne recroise jamais pour la plupart et qui sont tenues par leur responsable de secteur. Eden n’avait pas fait de vague, elle était seulement reconnaissante de quitter la cage de Gérard Davault. Je sais qu’il avait de très grandes capacités en matière de cruauté. Moi je ne joue pas sur la violence physique. Il est tellement plus simple de contraindre quelqu’un seulement avec le pouvoir de son âme, de ses limites. C’est là-dessus que je sais le mieux jouer, et ça fonctionne à merveille puisque mes filles me sont toutes extrêmement loyales. Alors pourquoi m’a-t-elle fait défaut, et pourquoi avoir pris un tel risque ? Ecartelée entre un groupe de mercenaires et un trafiquant complètement taré… Je la garde enfermée dans la chambre à double tour. Elle n’a pas le droit de recevoir de visite et je la considère à l’isolement tant qu’elle ne voudra pas parler des raisons qui l’ont poussée à me trahir. Je sais qu’il est parfaitement inutile de la menacer de quoi que ce soit, Eden est imperméable à la douleur, c’est une excellente soumise, cela lui permet de garder le contrôle. Je n’y comprends pas grand-chose, je n’ai jamais pu me résigner à me soumettre aux volontés d’Henry, chaque fois qu’il m’humiliait, qu’il laissait ses créanciers me v****r, je jurais de me venger en secret… Peut-être qu’elle fait la même chose… Je repousse le plus possible le moment où je devrais recontacter ce mercenaire et lui dire la vérité. Je n’ai aucune idée de son degré de colère, de la réaction qu’il aura, et je ne suis pas tranquille du tout à cette idée-là. Mais les jours suivants, les choses semblent entrer en mouvements en France, et j’y garde un œil lointain mais attentif. - Bonjour ma chérie, me dit mon père qui m’appelle au téléphone, comment vas-tu ? - Très bien, merci je n’ai pas eu les rapports trimestriels pour l’Australie, est-ce qu’il y a un problème ? - Aucun, Arthur est brillant comme toujours. Les entreprises vont parfaitement bien ici, je t’appelais au sujet de Noël mon soleil. - Noël ? Sérieux ? Tu m’appelles au sujet de Noël ? Tu ne penses pas que j’ai autre chose à foutre que penser à ça ? - Evidemment, c’est pour ça que je jugeais utile de te rappeler que ta mère t’attend pour le réveillon. Je sais que tu passes ton temps à gérer tes propres enfants, mais, elle me presse de te rappeler que le sexe peut attendre. J’explose de rire en secouant la tête. - Si seulement elle savait à quel point elle a tort… Je serais là évidemment, petit comité, discrétion absolue, personne ne doit me voir en Australie Papa, tu sais pourquoi… - Comme toujours ma colombe, je t’embrasse et je t’envoie tes bilans. - Merci, à bientôt. Le mois de novembre est à peine fini qu’ils pensent déjà aux festivités alors que je m’emmêle dans la liquidation d’Explora au profit de ma future entreprise. Je consulte les dernières nouvelles du rapport médical envoyé par les médecins d’Oradea concernant mon inconnu et son état de santé, il a déjà subi de multiples opérations, ces dernières semaines, ils prolongent son coma encore quelques temps et le transfèreront au château dans quelques jours pour sa convalescence. Je ne sais pas si je pourrais faire quelque chose de ce colosse. Les recherches d’après ses empruntes n’ont rien données dans les bases de la police, d’Interpol et d’où que ce soit où Leïlany ait cru bon de chercher. J’ai fait jouer mes relations pour parvenir à l’identifier mais rien de concret ne m’est encore revenu. Je ne sais pas depuis combien de temps le détenaient les Slovènes, ni s’ils en étaient les premiers possesseurs et à la vérité, j’ignore pourquoi je sauve cet homme. Je n’arriverais probablement pas à faire rentrer une telle force de la nature dans le rang. S’il décidait de tous nous envoyer promener, il n’aurait qu’à le faire d’un revers de main sans trop se fatiguer. Je compte bien jouer la carte amicale avec lui. Les médecins ne savent même pas s’il aura toute sa tête à son réveil compte tenu du traumatisme crânien qu’il avait. Je vais seulement me contenter de me psalmodier que j’ai fait une bonne action en lui offrant un léger sursis, et si les médecins parviennent à le sauver, j’aurai tout le temps de réfléchir à un plan. - Aliénor, on vient de récupérer Holly… s’exclame Natasha en débarquant comme un ouragan dans mon bureau. - p****n de merde… mort ou vif ? - Vivant… Incroyable… Mais p****n de camé… Je bondis de mon fauteuil et lui emboîte le pas dans le dédale des couloirs. - Qui l’a trouvé ? - Ksénia l’a sorti du bordel de Korlov à Moscou, elle l’a ramené jusqu’ici… - Il est dans quel état ? Envoie-la dans mon bureau, qu’elle m’y attende, je ne l’ai pas vue depuis longtemps, je veux lui parler. - Il est complètement défoncé. J’ouvre à la volée la porte de la chambre qu’elle m’indique et j’y trouve le jeune homme débraillé, sale, malodorant, les yeux cernés de noirs, un magnifique ange déchu parce que p****n, hormis sa tête de drogué il est beau à en crever… Je m’avance vers lui alors qu’il se lève et prend un air penaud, ses beaux bleus cherchant à m’attendrir. Je lui envoie une gifle monumentale et le pousse sur le lit sur lequel il se laisse tomber en arrière. - Attends, Aliénor, je vais t’expliquer… - Tu fermes ta gueule !!! Ça fait six mois que je te cherche partout ! Je te croyais mort avec une seringue plantée dans le bras dans un squat ! Et tu bossais pour la concurrence ?! - J’ai déconné ! dit-il en levant les mains en l’air le sourire toujours aussi charmeur. - Tu es complètement défoncé espèce de connard ! Tu avais promis ! p****n je vais te laisser crever ici je te jure ! - Ne me fais pas ça… Tu sais que je supporte mal l’enfermement… - La dernière fois que je t’ai laissé une chance Holly tu as disparu, et tu ne peux pas disparaitre parce que tu es à moi, est-ce que je suis claire où est-ce que tu as besoin d’une marque d’une taille supérieure pour le comprendre ? - J’ai acheté de la came au mauvais mec… Et je ne pouvais plus payer, alors il m’a rabattu là-bas… - Et à aucun moment tu n’as jugé bon d’affirmer ma propriété ? - J’avais peur que tu m’engueules… - Bien joué ! Je vais m’occuper de ce merdier, et toi tu es assigné à résidence. Tu ne quittes plus cette chambre ! J’attrape ses avant-bras et remonte les manches de son tee-shirt sale, il a des traces de bleus dus aux piqûres de seringues à répétition. - Appelle Kate Natasha, qu’elle s’occupe de lui. Ensuite, c’est le process habituel, tu connais la musique. Elle s’exécute immédiatement dans mon dos alors que je regarde froidement Holly qui peine à m’imiter, bien trop embué par la drogue qui envenime le sens commun dans ses veines. - Tu fais chier bébé, dis-je alors en lui caressant le visage alors qu’il me sourit vaguement, pourquoi t’es pas capable d’être raisonnable… Je le laisse avec Natasha et remonte à l’étage pour rejoindre Ksénia dans mon bureau. C’est une belle et longiligne Russe, les cheveux d’un blond polaire tirés en une queue de cheval lisse derrière sa tête, son maquillage est toujours impeccable sur son visage de porcelaine aux yeux bleus glacés. Elle travaille pour moi depuis le début, elle était l’une de mes premières recrues. - Comment tu vas ma belle ? Les affaires marchent bien en Russie ? - Pour la plupart oui, Paloma est toujours vivante ? - Oui, elle bosse en Amérique, sur la côte Ouest, j’ai pensé qu’un peu de légèreté et d’insouciance lui ferait du bien pour l’instant, les clients y sont jeunes, beaux, riches et généreux. - Tu as déjà pensé à créer une branche agence matrimoniale ? s’esclaffe-t-elle alors que je lui sers un verre de vodka. - J’ai déjà trop de travail. - Est-ce qu’Henry pose toujours problème ? - Henry posera toujours problème malheureusement. Non, je suis plutôt tournée vers l’Europe en ce moment, il y a du mouvement, tu le sens ? - Chez nous les choses changent rarement en profondeur Aliénor. - Je sais, mais ce n’est pas le cas de la France et l’Italie. Leïlany est régulièrement sollicitée par James Rolland, un soldat en mission de gardiennage pour une certaine femme d’affaire. Ce gars-là travaille pour Devon Hayes, un mercenaire américain qui de son côté mène sa petite vie habituelle. Je dois t’avouer que je suis un peu perplexe et que j’ai du mal à rassembler toutes les pièces du puzzle entre elles. - Je ne sais pas quoi te dire, il n’y a rien aucun de ces noms qui soit arrivé jusqu’en Russie, mais j’ouvre grand les oreilles. Concernant Holly ? - Ne me dis pas que Korlov fait chier… - Bien sûr que si… Il lui doit plus de deux cent mille roubles… - Paye-lui. Holly est à moi, il est marqué. - Tu te doutais bien que cela poserait problème, il fait craquer tout le monde… - Il est à moi ! C’est comme ça ! S’il veut la guerre pour un gigolo camé, il l’aura mais il sera perdant parce que je suis cent fois plus forte que lui, je lui laisse son petit business parce qu’il n’est pas maltraitant, sinon je l’aurais déjà rasé ! - On le sait Aliénor, mais personnellement, je n’ai pas envie d’une guerre ouverte avec lui sachant que je suis en première ligne. Les poisons… - Prends-toi de la sécurité supplémentaire…J’en ai rien à foutre. - On ne se fâche pas avec les Russes…murmure Ksénia avec un regard implorant. - Débrouille-toi. Holly ne repartira pas, tu le savais déjà en l’amenant ici. - Est-ce que tu te déplaces pour la vente privée la semaine prochaine ? - Je ne sais pas si j’aurais le temps, tu y vas de toute façon ? - Bien sûr, je fais ce que je peux pour sauver ce qu’il y a comme toujours. - Fais attention au budget, il faut penser au plus grand nombre. Les jours suivants ne sont qu’une routine inlassable et lassante. Je suis déprimée, amerrie… La Finlande me manque terriblement, je suis malheureuse. Je m’acharne au travail pour oublier mes peines. Je fais complètement la morte en attendant tout ce que je souhaite savoir des Hayes, Leïlany est censée me faire un topo bientôt, mais étant donné qu’il ne donne pas signe de vie, je le laisse de côté. Je suis en revanche contacté par une connaissance avec laquelle je n’avais pas fait affaire depuis bien longtemps. - Monsieur Campenella sur la une, me dit Persia quand je décroche. - Sérieux ? Envoie. - Ciao Aliénor, come stai ? - Felipe, cela faisait bien longtemps, continuais-je en italien, tu as besoin de filles ? - Absolument pas… Je viens à la pêche pour le patron, et savoir quelles informations je remonte de mes filets… - De quel genre d’information as-tu besoin ? - J’aimerais savoir si tu sais ce qu’il se passe avec les entreprises de notre ami commun ? - Je ne vois pas de qui tu parles, je suis très occupée… - Voyons, ne me prends pas pour un imbécile en plus d’un ignorant. Tu sais beaucoup de choses avant tout le monde, j’ai capturé un petit trésor… - Quel genre de trésor ? - Du genre très joli, très intelligent, et très mystérieux… Ce qui est encore plus curieux, c’est que le monde s’agite depuis que j’ai pris possession de ce petit oiseau… - Bon, dis-moi ce que tu sais, et je te dirais ce que mes filles m’ont rapporté. - Cette jeune et très belle femme, Serena Ménard, a fait jouer ses relations françaises pour me rencontrer, alors naturellement, je me devais de la recevoir en grande pompe. - Que t’a-t-elle appris d’intéressant ? demandais-je sagement en m’adossant dans mon fauteuil. - Elle voulait me proposer un partenariat, extrêmement tentant. - Mais ? - Je n’aime pas trop les gens qui se cachent derrière des pseudonymes pour nous approcher… Je ne sais pas… Je trouve que ça fait trop ancien temps… Nous sommes des visionnaires, nous nous tournons vers l’avenir et la confiance de nos jours est capitale. - Accouche Felipe, je n’ai pas que ça à foutre, elle t’a sorti la soupe de la femme d’affaire ? - Donc tu en as entendu parler… Ce n’est pas toi par hasard ? - Le business de Davault était à chier… Il ramassait que dal c’est El Abadi qui contrôle le réseau… Je n’ai jamais utilisé de pseudo, Aliénor Spencer il n’y en a qu’une, c’est moi. Je n’ai pas d’info sur le sujet, mais si cette fille ne t’a rien lâché je te suggère de mettre fin à ses souffrances… ou de me la refiler si tu veux… - Devon Hayes fait pression sur le gouvernement pour la reprendre et me contraindre à lui ouvrir les portes de Milan. - Tu ne peux pas lui reprocher de manquer de couilles. - J’apprécie moyennement qu’on fasse pression sur notre organisation. - Et que pense le patron de tout cela ? - Il est furieux, et m’ordonne de céder et de laisser l’américain récupérer sa protégée. - Alors rends-lui, et je n’en sais rien, fais-le bosser pour toi… Je me mords la langue au moment où je prononce cette phrase. Parce qu’une telle suggestion pourrait contrarier mes plans sur le long terme. - Je veux savoir qui est cette femme d’affaire, elle en a après Alessio Cotti… - Qui ça ? - L’un de mes nouveaux partenaires pour le sud, il remplace Jorge Ottovelli qui a été assassiné il a quelques mois maintenant. - Oh… Oui, c’était un de mes clients réguliers, Mezzani me fait encore quelques commandes. Mais honnêtement Felipe, il se passe mille autres choses ailleurs et je ne suis pas concernée par les guéguerres de trafiquants… - Non, mais tes filles ont leur accès partout. - En effet, pour mon profit. A moi. - Nul ne l’ignore Aliénor. Ciao Bella. J’ai relié un million de choses entre elles pendant cet appel, mais je n’ai pas encore recontacté Devon pour lui parler d’Eden… Toutes les informations se recoupent et je garde tout précieusement pour plus tard avant de quitter ma tour pour me rendre dans mon château…
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