chapitre 1
Je me débats.
Encore.
Toujours.
Mais c’est peine perdue.
Les poignets liés au dossier de ce lit immense, je halète, les cheveux collés à mes joues trempées de larmes et de sueur. Mon cœur cogne, affolé, sous la soie déchirée de ma robe. Je tire sur les liens de cuir, brûlant mes poignets à chaque tentative. Ils ne cèdent pas. Rien ne cède, ici.
La pièce est vaste, obscure, saturée d’un parfum entêtant de cuir et de tabac. Les rideaux sont tirés. Pas une lueur du dehors ne filtre. Je ne sais plus l’heure, le jour, ni même depuis combien de temps je suis enfermée ici.
Un déclic.
La porte.
Je retiens ma respiration, corps tendu comme un arc. Des pas. Lents. Précis. Le sol de marbre craque sous leur poids. Il entre.
Derek.
Tout mon être se tend d’effroi et de rage à sa vue. Il est là, grand, sombre, terrifiant de calme, vêtu de noir. Son regard d’acier me transperce, glacial, impitoyable. Aucun sourire sur ses lèvres, juste cette détermination froide, celle d’un homme qui n’a plus rien à perdre.
— Tu gaspilles ton énergie, Juliette, dit-il d’une voix basse, maîtrisée. Tu devrais apprendre.
Je crache à ses pieds.
Il esquisse enfin un sourire. Lent. Mauvais.
— Toujours cette insolence… Ça me plaît.
Il s’avance. Je me contracte. Mon corps tremble malgré moi, dans un mélange de colère et de peur. Je ne lui donnerai pas la satisfaction de supplier. Jamais.
— Tu n’aurais pas dû fuir.
Je serre les dents. Une semaine plus tôt, j’avais cru lui échapper. Une voiture. Une cachette. De faux papiers. Tout avait été préparé. Mais il m’a retrouvée. Bien sûr qu’il m’a retrouvée. Derek a des moyens. Beaucoup trop de moyens.
Il s’assoit au bord du lit, me frôle. Ma peau se hérisse.
— Regarde-toi, murmure-t-il. Liée. Soumise. Et pourtant, si belle dans cette rage.
Il effleure ma joue du dos de ses doigts. Je retiens un sursaut. Son toucher est glacial. Méthodique. Il m’étudie comme un prédateur jouant avec sa proie.
Je le fixe, les yeux brûlants.
— Lâche-moi, Derek. Ça ne te mènera nulle part.
Son sourire s’élargit.
— Au contraire. Je suis exactement là où je veux être. Avec toi.
Il se penche, ses lèvres à quelques centimètres de mon oreille.
— Tu es à moi, Juliette. Que tu le veuilles ou non.
Le souffle chaud sur ma peau me fait frissonner malgré moi. Il le sent. Sa main descend lentement, s’attarde sur mon cou, mon épaule nue, ma poitrine encore battante sous la soie. Je lutte contre les larmes.
— Tu peux continuer à lutter, ça me divertira. Mais tu finiras par comprendre. Ici, tu n’as aucun pouvoir.
Je rassemble ce qui me reste de force.
— Je ne t’appartiendrai jamais.
Un éclat de rire rauque.
— On verra.
Il se lève, tourne autour du lit comme un fauve. Ses pas résonnent. Il détache un bouton de sa chemise, dévoilant un torse aux cicatrices fines, témoins de violences passées. Sa noirceur ne s’arrête pas à son âme.
Il revient vers moi. Sa main attrape mon menton, m’oblige à le regarder.
— Tu crois me haïr. Mais ce n’est qu’un début. Je vais t’apprendre. À haïr. À désirer. À céder.
Je mords l’intérieur de ma joue pour ne pas pleurer.
Il relâche ma mâchoire, défait lentement les liens de ma cheville droite. Ma jambe se dégage. Mais je sais : pas pour m’accorder une liberté. Juste assez pour ce qu’il a en tête.
Son regard s’assombrit.
— Une leçon pour ce soir.
Je ferme les yeux, ma gorge nouée. Mais il ne supporte pas ça.
— Regarde-moi.
Je rouvre les yeux. Le bleu acier des siens me cloue sur place. Il veut que je sois là, présente, quand il franchira la limite.
Ses doigts remontent sous ma robe, écartant lentement le tissu déchiré. Ma peau brûle sous ce contact imposé. Je retiens un sanglot.
Il penche la tête.
— Sens. Comprends. Ici, tout t’appartient encore. Mais plus pour longtemps.
Il se penche, ses lèvres effleurent mon cou, descendant avec une lenteur perverse. Chaque parcelle de mon corps hurle de le repousser, mais je suis ligotée, vulnérable, offerte à sa volonté.
Il murmure contre ma gorge :
— Bientôt, tu ne sauras plus si tu me détestes ou si tu me désires. Ce sera délicieux.
Je lutte. Je m’agite sous lui, tente de frapper, de repousser de l’épaule. Mais ses mains puissantes me maîtrisent sans effort.
Son souffle se fait plus rauque.
Il me prend. Brutalement .À chaque va-et-vient, il me vole quelque chose, une part de moi. Je sens son souffle chaud dans ma nuque et ses grognements de plaisir. Il accélère le rythme.
Je mords mes lèvres jusqu’au sang pour ne pas crier. Pour ne pas lui donner ce triomphe. Mais il sent chaque frisson, chaque larme que je retiens. Il s’en nourrit.
Quand enfin il se retire, je reste là, haletante, brisée, les larmes coulant librement sur mes joues.
Il remonte son pantalon, impeccable. Son regard se pose sur moi, satisfait.
— Tu apprendras, Juliette. Nous avons tout le temps.
Puis il sort, referme la porte. Un clic sinistre résonne : verrouillée.
Je reste seule, pantelante.
Une pensée unique me martèle l’esprit : fuir. Peu importe le prix. Peu importe la douleur.
Fuir.
Avant qu’il ne soit trop tard.