Chapitre 1

2191 Words
Chapitre 1 Mes yeux s'ouvrent lentement, comme si ceux-ci ne s'attendaient pas à faire de nouveau cette manœuvre avant un long moment. Mais, même réveillée, je n'arrive pas à respirer. J’ai l'impression que je suis sur le point de m'étouffer. Pourtant, quelque chose me dit que cela ne changera pas grand-chose à mon sort. C’est comme si cette fonction vitale n’a plus d’intérêt pour moi. Malgré le fait que j’ai ouvert les yeux, tout reste sombre autour de moi. Cela me fait frissonner, tandis que je m’apprête à sortir de mon lit, comme à mon habitude. Pourquoi me suis-je réveillée à cette heure-ci ? Normalement, mon réveil est le seul à pouvoir me tirer de mes rêves à une heure pareille. Je tente de me redresser pour me lever au plus vite. J’ai froid, extrêmement froid. D’où cette sensation peut-elle bien provenir ? Malheureusement, lorsque je tente de me redresser, je me heurte la tête contre une surface dure. Étrangement, cette collision ne me fait aucun mal. Aucune douleur ne transperce mon crâne, malgré le choc d'une violence inestimée que celui-ci vient de subir. Je secoue la tête pour tenter de comprendre un peu mieux la situation étrange dans laquelle je me trouve piégée. J’ai sûrement dû tomber de mon lit ! C’est ce que je tente de faire croire à ma raison. Cela est la seule raison plausible que je peux donner à une telle situation. Pourtant, je sais pertinemment que je me trouve allongée sur le dos et non sur le ventre. Mais quelque chose m’empêche quand même de me lever. Cela me perturbe jusqu’à m’en faire peur. Que m’arrive-t-il ? Je passe mes mains, qui sont allongées sur mon ventre en forme de croix, sur les côtés de mon petit corps. Elles passent à peine entre la surface dure qui m’entoure et la masse de ma longue silhouette. Celle-ci a considérablement maigri depuis la dernière fois où je me suis réveillée. Où est donc passé ma mémoire ? Un vide a pris place en moi. Plus aucune image de mon passé ne me revient. Pas une seule ne se presse à la surface. Je ne me rappelle plus que de moi-même et de tout ce qui m’a un jour appartenu, le reste semble avoir pris la fuite. Je m’appelle Aline. C’est la seule chose que mon cerveau parvient à retrouver dans le brouillard de mes souvenirs. Mais qu'est-ce que je fais là ? Comment ai-je atterri ici ? Je ne me souviens même plus de cet endroit ! Tout cela me fait paniquer. Soudainement, je remarque enfin le fin filet de lumière qui pénètre dans l'espace fermé de l'endroit où je me trouve. Mon rythme cardiaque double, non triple, et mes mains deviennent de plus en plus moites. L’intégralité de mes membres tremble horriblement, reflétant la terreur qui commence peu à peu à m’envahir tout entière. Je tente lentement d'ouvrir cette satanée boite qui m’entoure de toutes parts, tandis qu'un sentiment extrême d’angoisse m’envahit. C’est comme si un mauvais présage se frayait un chemin vers mon existence encore incertaine. Tout cela n'a rien de normal ! Je donne un gros coup dans la surface en bois au-dessus de ma tête. Celle-ci, s'ouvre aussitôt dans un fracas énorme. Le bruit continue éternellement à résonner dans l’espace qui m’entoure. Cette musique se répète un peu partout autour de moi tel un écho. Une lumière aveuglante me perce soudainement les pupilles, me poussant de nouveau dans le coffre dont je ne parviens pas à refermer le couvercle. Je ferme les yeux pour leur donner une chance de s'habituer à la luminosité excessive de l’environnement dans lequel je me trouve. Pourtant, j’ai tout de même du mal à retenir le cri qui souhaite s'échapper de ma gorge asséchée face à cette agression inattendue. Mon instinct me pousse à rouvrir de nouveau les yeux, ce qui n’est pas vraiment une bonne idée en fin de compte. Je recouvre instinctivement mes yeux de mes mains glaciales, cherchant désespérément un moyen d'arrêter ce calvaire qui ne cesse de me tourmenter. Puis, après une longue et silencieuse attente, je retrouve enfin le courage de retenter ma chance. Mes paupières s'ouvrent l'une après l'autre, permettant à mon regard de scruter avec attention l'environnement qui s'étend partout autour de moi. L'endroit où je me trouve est majestueusement grand et beau. J’en connais très bien la fonction, malgré le fait que je ne me souvienne pas d'avoir mis un jour les pieds ici. Je me lève en vitesse, tremblant sous la pression de cette affreuse découverte. Mes membres affaiblis me guident en dehors de cette caisse confinée dans laquelle j’étais gardée prisonnière. C'est alors que je remarque enfin que la boîte, peu confortable, dans laquelle on m’avait allongée arbore un extérieur laqué. Elle ressemble étrangement à du marbre blanc, parcourue de quelques veines rouges, qui remplacent les fils noirs qui s'intègrent dans le marbre naturel. L'ensemble scintille sous la lumière qui entre de toute part à travers les vitraux plus magnifiques les uns que les autres. C'est une boîte qui emporte avec elle les morts. Celle qui se trouve en dessous des pierres tombales à cinq pieds sous terre. Je me trouvais dans un cercueil ! Partout autour de moi se trouve le décor d'une église triste et grisâtre, décorée de quelques centaines de bouquets de fleurs tous plus splendides les uns que les autres. Je couvre ma bouche de mes mains, reculant lentement face à cette découverte des plus traumatisantes. Je me trouve dos à la porte d'entrée faite de bois massif qui semble me fixer avec ses mille croix qui y sont gravées. Je ne trouve pas le courage de me retourner vers celle-ci, le regard fixé sur ce qui aurait dû être ma dernière demeure. Mes jambes tremblent de peur, me donnant un aspect encore plus vulnérable. Les larmes commencent peu à peu à dévaler sur mes joues telle une cascade. Mes mains moites s’agrippent à tout ce qu’elles peuvent trouver, tandis que je cherche désespérément une explication plausible à cette situation. Ma respiration s’accélère peu à peu, me donnant l’impression que je suis sur le point de m’étouffer avec mon propre souffle. Les battements de mon cœur ne cessent de résonner dans ma tête, accentuant son rythme insoutenable. Mes jambes manquent de céder sous la pression de la panique qui pèse sur mon être entier. Comment est-ce possible ?! Je recule lentement, sur le point de faire une certaine crise de panique. Un immense noeud se forme dans mon estomac, me poussant à avaler à plusieurs reprises une salive bien trop épaisse et pâteuse. Le sang semble me monter à la tête, réchauffant mon visage entier d’une température remplie de panique. Pourtant, je reste droite, comme fière d’être là. Une partie de moi comprend sûrement la situation, mais je ne réussis nullement à me l’avouer. Mes bras gesticulent inutilement et ma tête se met aussitôt à tourner. Des centaines de larmes continuent à couler le long de mes joues, tandis que j’ai de plus en plus de mal à tenir debout. Tout ceci me paraît tellement invraisemblable que j’ai juste envie de me jeter par terre, de sortir en courant et de demander de l’aide en pleurant toutes les larmes de mon corps. J’en ai besoin, mais je ne le fais pas pour autant. Il me faut comprendre la situation avant de m’abandonner à l’hystérie. Je manque de tomber à cause des immenses jupes de la robe noir corbeau qui recouvre l'intégralité de mes fins membres. Cette magnifique robe bustier, composée de deux tissus satinés qui se croisent élégamment sur ma poitrine, voltige élégamment autour de mes jambes. Elle m’arrive aux chevilles et épouse tous les contours de mon corps dans un mouvement léger et fluide, grâce à son corset noir rigide et ses autres tissus incroyablement souples. Par-dessus toute la partie du bas, se pose un léger voile noir, proche de la transparence, qui s'accorde parfaitement avec les détails en dentelle du bas de la robe. Je suis, l’espace d’une seconde, éblouie par toute cette beauté et générosité. Malgré cela, mon angoisse ne cesse de monter et le vertige ne cesse de s’amplifier dans mon petit crâne. J’ai l’impression que je n’arriverai jamais au bout de cette souffrance qui transperce ma tête. Plus je passe de temps dans cet édifice, plus j’ai l'impression que je viens véritablement de décéder. Est-ce que la mort est réellement venue me chercher ? Cela doit être une blague ! Non. Qui ferait une blague pareille ? Cette idée ne fait qu’accentuer mes frayeurs les plus profondes et secrètes. Mon cœur tambourine contre mes tempes, dirigeant cette scène d’une main de fer. Mes pieds font mal et mes dents claquent de peur. Que fais-je ici ? Ce ne peut être qu’un cauchemar ! Soudainement, tout semble s’éteindre avant de m’éblouir de nouveau. Mes yeux ne savent plus ce qu’ils veulent voir ou croire ! Je ne parviens pas à m’apaiser, hantée par la vision d’une figure féminine qui est la mienne. Je suis allongée dans ce cercueil, mon teint est blême et mes mains croisées sur mon ventre. Des présences presque transparentes sont penchées par-dessus mon corps vidé de toute âme. Serait-ce possible que je sois vraiment morte ? Je pousse un cri assourdissant, tout en faisant quelques pas en arrière. Cet éclat de voix a pour don d’apaiser le brouhaha qui ne cesse d’envahir le vide de mes souvenirs. Chacune des notes de ce cri résonne une éternité dans le bâtiment entier, faisant part de ma confusion à toutes les fleurs qui me rendent hommage. Mes poings sont serrés, ma tête baissée et mes épaules retombent misérablement en avant. Je renifle à plusieurs reprises, m’avançant de nouveau légèrement vers mon cercueil pour m’assurer qu’il est bel et bien en face de moi. La splendeur des lignes rouge sang qui traversent le blanc immaculé de cette création capte aussitôt toute mon attention. Cela me permet d’oublier un peu mon désarroi. Pendant un court instant en tout cas. Ces veines sont belles et délicates, et n'ont absolument rien à envier à la splendide tenue que je porte. On m’a préparé un adieu en toute beauté. Cela me touche, même si je ne sais nullement d'où tout ceci sort. Et je préfère ne pas le savoir pour le moment. C’est mieux ainsi. Tout en moi n’est que confusion de toute façon. Ma main caresse lentement la surface extrêmement froide du cercueil, faisant part au reste de mon corps que ceci est bel et bien la réalité. Soudainement, l'immense porte d'entrée de l'église s'ouvre. Je retire aussitôt ma main de la surface blanche, mais ne me retourne pas pour autant vers le nouveau venu. Malgré le fait que je sois paralysée par l’angoisse, mon cœur fait quand même un petit bond de surprise. Cela a le don d’amplifier les tremblements incontrôlés qui secouent mon organisme entier. Si je suis bel et bien décédée, alors il ne pourra pas me voir n'est-ce pas ? Les fantômes ne font pas partie de la vie des mortels. Il passera à côté de moi pour faire ses adieux à celle que j’étais autrefois. Cela provoque une succession de sueurs froides dans mon dos. Rien que de penser à mon propre décès me terrorise toute entière. J’ai de plus en plus de mal à tenir debout et mes genoux peuvent céder à tout instant. Je le sais, je le sens. Mon dos se redresse lentement, remontant vertèbre par vertèbre jusqu’à ce que ma posture ait de nouveau l’air de celle d’une femme fière d’elle. Un bruit de pas assez régulier s'avance vers moi, si je ne me trompe pas. La confusion pourrait très bien fausser mes sens encore perturbés et endormis. Non. Qu’est-ce que je dis ? Mes sens de jeune fille décédée ! Pourtant, l’inconnu s’approche de plus en plus d’un pas aussi déterminé qu’effrayant. J’espère de tout mon cœur que j’ai tort et croise lentement les doigts. Cette personne ne peut pas venir vers moi ! Malheureusement, mes doutes sont confirmés lorsqu’une main masculine et puissante se pose sur mon épaule droite. — Est-ce que ça va mademoiselle ? Me demande-t-il, alors que je continue à espérer que tout ceci n'est qu'une quelconque farce. Je ne réponds donc rien, trop occupée à contempler la magnifique robe noire qui orne mes membres blancs et froids comme neige. Non. Je veux tout simplement éviter ce sort imminent. Tout ceci n’est qu’un cauchemar ! Et je vais me réveiller bientôt, vous allez voir ! — Demoiselle ? Que faites-vous ici ? Me répète cet homme en douceur. Je reste immobile, comme pétrifiée. Que faire ? Mes muscles sont tendus tels des cordes de violon et des perles cristallines coulent encore et toujours sur mon visage. Mon regard part dans tous les sens, cherchant désespérément une sortie. Ma gorge asséchée m’empêche de répondre au nouveau venu, alourdissant encore un peu plus l’ambiance de cet endroit. Le doute s’empare de moi, me rongeant la conscience. Les secondes paraissent des heures, emportant avec elles des fragments de ma fierté. Je serre encore un peu plus les poings, les réduisant à de petits boulets de canon. L’incertitude me rend muette. La pression me fait vaciller et mon cœur me fait mal. Finalement, je décide de lui dévoiler mon visage. Que peut-il se passer après tout ? Je me retourne lentement vers lui, tandis que de lourdes larmes coulent encore et toujours le long de mes joues glaciales. Je ferme les yeux, effrayée de tomber sur quelque chose que j’aurais aimé éviter. La seule chose qui parvient à atteindre mes oreilles est le bruit d’un bouquet de fleurs qui tombe par terre. Cela provoque un fracas incroyable dans toute l’église. Un fracas qui poursuit interminablement son chemin dans l’espace. Je ferme les yeux à l’entente de cette chute, par peur de ce que je m’apprête à découvrir. Mes membres se figent, alarmés par cette réaction loin de la normale. En fin de compte, je ne sais plus si j’ai vraiment envie de savoir la vérité sur tout ceci. Car, au fond de moi, je crois déjà bien connaître la réponse à mes questions. Je suis bel et bien morte, c’est la seule explication à toute cette scène. “Je suis morte” sont les seuls mots que je ne cesse de me répéter.
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