Christopher
- Qui t’a permis d’entrer ?
- Nathalie, tu devrais essayer de dormir, tu vas devoir te lever tôt demain pour aller à l’éco...
- Qui es-tu pour me dicter ma conduite ?
Je n’eus aucune difficulté à reconnaître les voix de Gabrielle et Nathalie. La nounou m’avait parlé du comportement récalcitrant de Nathalie quelques jours avant mon départ, mais je n’avais pas réalisé que nous en étions à ce point. J’avais en effet remarqué, après notre conversation, que Nathalie était assez froide à l’égard de sa nounou, mais je ne pensais pas qu’elle irait aussi loin. J'avais prévu en toucher deux mots à Nathalie à mon retour.
Je comprenais maintenant que Nathalie avait simplement essayé de se contenir quand j’étais dans les parages.
J'avançai de quelques pas et je pus découvrir le visage colérique de ma fille ; sa posture indiquait clairement qu'elle expulsait littéralement sa nounou de sa chambre. Elle s'aperçut de ma présence et son visage devint livide.
- Pa... pa... papa... bégaya lamentablement ma fille.
Gabrielle sembla soudain prendre conscience de ma présence et se retourna brusquement, me heurtant au passage. Elle releva brusquement la tête, et nos regards restèrent accrochés l’un à l’autre pendant une fraction de seconde.
- Mon... monsieur Koffi ? balbutia-t-elle.
- Laissez-nous seuls, dis-je d'une voix grave.
Son regard s’affola pendant quelques secondes avant qu’elle ne se retire et ne referme la porte derrière elle.
Je restai seul avec ma fille. Un silence de plomb s’installa entre nous. Depuis quand était-elle devenue cette gamine détestable ?
Je pris une grande inspiration et lançai d’une voix ferme :
- Nathalie, il faut qu’on parle. Ce que tu as fait aujourd’hui, ce n’est pas acceptable.
- Papa, c’est elle qui est venue dans ma chambre, je ne l’ai pas invitée, répliqua-t-elle, les bras croisés, le regard défiant.
- Nathalie, elle a pleinement le droit d’entrer dans cette chambre et de te dicter ta conduite. Elle est ici justement pour ça.
- Oui, c’est ça, c’est trop facile, répondit-elle sèchement.
- Pardon ? hoquetai-je.
C’était bien la première fois que ma fille s’adressait à moi de cette manière.
- De toute façon, ça fait tes affaires. Tu n’es jamais là, lança-t-elle d’un ton accusateur.
Je sentis un coup au cœur à ces mots durs... mais vrais...
- Je suis ton père, et je ne te permets pas de m’adresser à moi de cette manière. Oui, j’ai été absent, mais c’est parce que je travaille.
- Et nous alors ? Qu’est-ce qu’on est dans tout ça ? demanda-t-elle, la voix cette fois meurtrie.
Son expression, sa posture et l’intonation de sa voix me firent comprendre que ce comportement de Nathalie pouvait en fait n’être qu’un simple moyen d’attirer l’attention.
Je poussai un profond soupier avant de lui prendre la main avec douceur. Je l’entraînai ensuite doucement sur le lit et la fis asseoir sur mes genoux avant de reprendre la parole d'une voix conciliante.
- Je te comprends, ma fille, répondis-je doucement. Mais tu dois comprendre que je travaille pour vous, pour assurer notre avenir à tous. Ce n’est pas par manque d’amour que je suis souvent absent.
- Je sais papa, dit-elle en baissant la tête, mais on a besoin que tu sois plus souvent là.
On resta un bref moment en silence.
- Je te promets de faire de mon mieux, mais tu dois aussi me faire une promesse : de mieux te comporter avec Gabrielle.
- Ça ne servira à rien, de toute façon, répondit-elle d’une voix boudeuse. Elle ne tiendra pas longtemps ici, et elle finira sûrement comme les autres : plus intéressée par toi que par nous.
Je ne pus m’empêcher de sourire à ses paroles. Gabrielle était tellement réservée avec moi que l’idée qu’elle soit intéressée par moi me paraissait étrange. Mais au fond, je devais reconnaître que ma fille avait raison concernant les nounous précédentes. Elles semblaient plus préoccupées par ma personne que par mes filles, les délaissant complètement. La dernière en date m’avait carrément surpris, elle m’avait attendu nue dans mon lit, dans une posture des plus suggestives.
Gabrielle, en revanche, montrait clairement qu’elle prenait son travail à cœur et qu’elle ne voulait surtout pas le perdre.
- Mais non, ma fille, répondis-je d’un ton rieur. Je peux t’assurer que Gabrielle est différente. Alors, tu promets de mieux te comporter avec elle ?
- D’accord, consentit-elle enfin.
- Ce n’est pas tout, ma chérie, tu vas aussi lui présenter des excuses. Tu as été irrespectueuse, et je n’ai pas élevé une enfant impolie, moi.
Elle me regarda d’un air choqué.
- Eh oui ! insistai-je.
- À une condition, papa : que tu nous amènes au cinéma samedi.
Ma fille était décidément très futée, mais après avoir promis de faire des efforts pour être plus présent, je le lui devais bien. Je le leur devais bien. Ça nous fera énormément de bien à tous.
- C’est bon.
- Marché conclu ? demanda Nathalie d’une voix rieuse.
- Marché conclu, chérie, répliquai-je en lui tendant la main.
Elle la saisit fermement et je la pris dans mes bras.
- Je ne veux plus voir ma fille se comporter de la sorte, d’accord ?
- D’accord, papa.
Je la serrai encore longuement contre moi. Nous restâmes ainsi, à savourer l’instant. Puis, je déposai un b****r sur sa tempe avant de la coucher délicatement sur son lit. Ma cuisse commençait déjà à protester sous le poids léger de son corps.
- Bonne nuit, trésor.
- Bonne nuit, papa, répondit-elle.
Je sortis de sa chambre et refermai la porte. Je m’y adossai un bref instant pour reprendre mon souffle. J’étais soulagé que ma fille se soit montrée compréhensive. J’étais bien conscient qu’il n’était pas évident de gérer seul trois petites filles, et je savais qu’en grandissant, ce serait encore plus difficile. Ce n’était pas facile non plus pour elles de grandir sans maman.
Je me redressai avec un sourire avant de me diriger vers la porte de Gabrielle. Je frappai doucement, sans obtenir de réponse. J’insistai une seconde fois et, alors que je songeais déjà à m'éloigner, la porte s’ouvrit.
Elle apparut dans l’encadrement, et ma respiration se suspendit un instant. Ses cheveux encore humides trahissaient une sortie récente de la douche. Elle avait enfilé à la hâte un peignoir, dont l’ajustement laissait à désirer.
Mon regard se perdit un bref moment dans ses prunelles sombres, puis glissa malgré moi vers son cou et son buste. Une fine goutte d’eau y traçait une ligne hésitante, et j’eus soudain du mal à avaler ma salive.
Malgré moi, mon regard glissa plus bas et s’attarda sur ses longues jambes, soyeuses, à demi dévoilées sous ce peignoir qui tombait à mi-cuisses. J'eus l'impression tout à coup de perdre pied. Que m’arrive-t-il, bon sang ? songeai-je. Une petite voix railleuse s’éleva aussitôt au fond de moi : Arrête ce jeu hypocrite.Tu sais très bien ce qui se passe.
Je relevai la tête et mon regard s’accrocha à celui de Gabrielle. Le sien brillait d’une lueur que je n’aurais su définir.
- Désolé de vous déranger, dis-je d’une voix que j’espérais ferme. Il est tard… Nous en parlerons demain.
Mon regard avait dérivé un instant plus tôt vers l’horloge accrochée au mur, au fond de sa chambre. Les aiguilles indiquaient 23 h 15.
- Euh… d’accord, monsieur, répondit-elle d’une voix hésitante.
Je longeai le couloir jusqu’à ma chambre, avançant comme dans un état second. La porte s’ouvrit sous ma main et je la refermai derrière moi, presque machinalement.
En me retournant, je sursautai : elle était là, comme d'habitude, immobile, ses yeux rivés aux miens. Mon regard flancha aussitôt, incapable de soutenir le sien. Un sentiment de honte me traversa, plus vif encore que les autres jours.