Gabrielle
Il s’approcha légèrement, son regard glissant lentement sur moi.
- Oui… Tu pourrais me donner ce que je te réclame depuis le début… et, disons… je fermerai un œil sur cet incident, répondit-il d'une voix lente.
Je me mis à pleurer de plus belle. Comment, en une seule vie, tous les malheurs du monde pouvaient-ils s’abattre sur une seule personne ?
- Je t’en prie, Martin… je t’en supplie… Je n’y suis pour rien…
- Gaby, je te l’ai déjà dit. Il y aurait peut-être un moyen d’oublier cet incident.
Mes larmes redoublèrent à ces mots. Mon Dieu… n’aurais-je donc jamais de repos dans cette vie ?
- Je ne peux pas ! m’écriai-je en larmes. Pitié, Martin… pitié… sanglotai-je, plus fort, plus désespérée encore.
Mais son regard… ce regard froid, vide, impitoyable… me glaça le sang.
- Martin… je t’en prie, je…
Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase. Un coup sec résonna à la porte.
Martin se tourna lentement vers moi, le visage fermé, le regard glacial. Il resta immobile quelques secondes, comme s’il me laissait un dernier sursis.
- Tu l’auras voulu, lança-t-il d’une voix sèche, tranchante.
Et il se dirigea vers la porte d'un pas ferme.
- Noooooon ! hurlai-je en me jetant à ses pieds, mes mains agrippant son pantalon dans un geste désespéré.
Martin ouvrit la porte avec fracas, et je vis trois hommes en tenue sur le seuil.
- Elle est là, lança Martin d’une voix froide en me désignant du doigt.
Mon Dieu, ce devait être un mauvais rêve. J’allais sûrement me réveiller d’un instant à l’autre. Ce ne pouvait pas être vrai, pensais-je en redoublant de pleurs.
- Je vous en prie, je n’ai rien fait ! hurlai-je, la voix brisée par le désespoir.
Deux agents de police franchirent le pas de ma loge, leurs regards étaient froids et vides.
- Veuillez me suivre au poste de police, madame, ordonna l’un d’eux, impassible.
- Je n’ai rien fait ! m’écriai-je à nouveau, lançant un regard désespéré à Martin, cherchant en lui une once de pitié.
Il me fixa longuement dans les yeux, me faisant comprendre, sans un mot, que je pouvais encore me rétracter, qu’il n’était pas trop tard.
Sur le moment, je fus tentée de le supplier, d’accepter sa proposition répugnante, mais je préférais encore mourir que de retourner sur cette voie.
Je m’en voulais tellement, mon Dieu ! J’avais trop joué avec le feu, et je m’étais brûlée de la manière la plus cruelle qui soit. J’aurais dû partir d’ici quand il en était encore temps, mais j’avais voulu résister, tenir bon le plus longtemps possible, amasser un maximum d’argent avant de tout recommencer à zéro, laissant cette vie derrière moi.
Aujourd’hui, la présence des policiers dans ma loge me faisait comprendre que j’avais été trop gourmande, une fois de plus.
- Veuillez nous suivre, madame Nyake, lança un deuxième agent.
Je portai de nouveau un regard vers Martin et décidai de me relever. Je n’allais plus le supplier. Non, je ne le ferais pas.
Je me redressai lentement et me mis enfin debout. Je me tournai vers l'armoire où étaient mes effets et les rassemblai. Je fourrai lentement le tout dans mon sac, comme si cela pouvait changer la situation. Comme si cela pouvait pousser Martin à revenir sur cette injustice que je subissais, par sa faute...
- Nous pouvons y aller, dis-je d’une voix calme.
Un policier se plaça devant moi tandis que les autres étaient derrière. Je sortis de la loge sous le regard tantôt ahuri de certains collègues, tantôt satisfait des autres.
Mon regard croisa alors celui de Lena. Elle me fit un large sourire. Je détournai simplement les yeux et poursuivis mon chemin. Il ne fallait pas être devin pour comprendre que j’étais tombée en plein dans un piège. Mais qui en était l’instigateur ? Martin ? Léna ? Tous les deux ? Désormais, cela n’avait plus d’importance. Je devais simplement trouver le moyen de prouver mon innocence.
Mais comment faire ? pensai-je avec désespoir. Tout était contre moi...
Je sortis du local la tête basse. On me fit monter dans la voiture de police qui stationnait devant l’entrée. J’essayai de le faire avec le peu de dignité qu’il me restait après cette humiliation publique.
Les policiers montèrent à leur tour, et la voiture démarra rapidement. Je gardai la tête baissée tandis qu’elle passait devant mes collègues rassemblés à l’entrée.
La vie était vraiment une chienne, parfois. J’avais tenté de me reconstruire du mieux que je pouvais, et me voilà aujourd’hui, enfoncée jusqu’au cou dans les ennuis.
On arriva au commissariat aux environs de trois heures du matin.
- Mettez-vous là-bas, dit violemment un policier en me jetant dans une salle obscure et insalubre.
J’atterris rudement sur mes fesses et retins difficilement un cri de douleur. Je jetai un bref regard autour de moi et découvris deux femmes qui ne semblaient même pas remarquer ma présence en ce lieu.
- Bon… bonjour, lançai-je timidement.
Je n’obtins aucune réponse, évidemment. Je tournai la tête et me mis à fixer un point invisible, mon esprit vagabondant à une vitesse infernale. J’étais arrivée dans ce pays il y a à peine un an pour me reconstruire, et je me retrouvais déjà en cellule, accusée d’une faute que je n’avais pas commise.
Que faire ? Qui appeler ? Je n’avais absolument personne, je ne connaissais personne. J’avais toujours vécu dans mon petit coin, évitant tout contact personnel. Ne disait-on pas que pour vivre heureux, il fallait vivre caché ? J’avais tout simplement besoin de vivre cachée, de mener ma nouvelle vie sans bruit, sans attirer l’attention, sans devoir craindre qu’on vienne la briser à nouveau.
J’entendis soudain la porte grincer. Je me redressai lentement et réalisai alors que je m’étais endormie. Malgré l’anxiété et cette sensation de constriction au niveau de ma poitrine, la fatigue avait été la plus forte, m’entraînant dans le sommeil.
- Nyake, le boss veut t’entendre, lança sèchement le policier en ouvrant brutalement la porte.
Je sentis mon cœur s'affoler à ces mots. Je lançai un bref regard à ma montre et m’aperçus qu’il était 8 h 37.
- Et que ça saute ! reprit le policier, le ton autoritaire et impatient.
Je me levai péniblement et sortis de la cellule. Le policier referma la porte et, sans un mot, s’élança dans le couloir. Je n’eus d’autre choix que de le suivre.
L'agent toqua à la porte, et j’entendis une voix ferme répondre de l’intérieur.
- Entrez !
Il ouvrit alors et m’invita du regard à entrer. Il referma la porte derrière moi sans entrer dans la pièce. C'était apparemment une salle d'interrogatoire.
La pièce était petite et austère, avec des murs gris et une lumière blanche et crue. Une table métallique trônait au centre, entourée de deux chaises. Le commissaire était assis en face de moi, le regard froid.
Mon corps tout entier était pris d’un tremblement v*****t, trahissant ma terreur profonde.
Il m’invita d’un geste de la main à m’asseoir, et un bref silence lourd de sens s’installa entre nous.
- Vous êtes bien Nyaké Gabrielle ? demanda-t-il d’une voix froide.
- C’est bien moi, répondis-je d’une voix tremblante.
- Vous travaillez bien au « Jardin des Tentations » ?
- En effet, répondis-je.
Il resta un moment à me fixer, puis détourna lentement les yeux pour parcourir un document. J’étais là, silencieuse, suspendue à ses lèvres.
Il releva ensuite le regard et ancra ses yeux dans les miens.
- Un bracelet en or, disparu depuis une semaine dans cette boîte, a été retrouvé dans votre loge cette nuit.
- Je… je n’y suis pour rien, balbutiai-je, la voix tremblante.
Le commissaire posa sur moi un regard glacial, sans la moindre trace d’empathie, puis reprit d’un ton sec :
- Comment expliquez-vous qu’il ait été retrouvé là, sous votre responsabilité ?
Je sentis mon cœur s’accélérer, cherchant désespérément une réponse.
- Je… je ne sais pas. Je ne l’avais jamais vu avant ce jour, ce bracelet. Je vous jure, je n’ai rien à voir avec cette affaire.
Le commissaire haussa un sourcil, son regard perçant ne me quittait pas.
- Pourtant, le responsable affirme que vous étiez présente sur les lieux au moment des faits.
Je pris une profonde inspiration, tentant de maîtriser le tremblement dans ma voix.
- Je comprends, monsieur. Mais je vous assure… je n’ai rien volé. Je ne peux pas expliquer comment ce bracelet a pu se retrouver dans ma loge.
Il croisa les bras, implacable.
- Et pourtant, il y a été retrouvé hier soir. Vous ne pouvez pas ignorer ça.
Je sentis l’étau se resserrer autour de moi, l’angoisse grandissante.
- Je vous répète que je n’ai rien à voir avec ça, m’écriai-je d’un ton désespéré. D’ailleurs, je ne suis pas la seule à utiliser ma loge. Le personnel de nettoyage y a accès, et ma loge est souvent utilisée par d’autres danseuses lors des prestations occasionnelles. De surcroît, je n’en possède même pas les clés. Quand je finis mon service, je pars généralement en laissant la porte grande ouverte.
Le commissaire ne répondit pas immédiatement. Son silence pesant était une condamnation muette. Je sentis une boule se former dans ma gorge, mais je tentai de garder mon calme.
- Je... je pense que c'est un piège. Quelqu'un l'a mis là, à mon insu, repris-je, la voix plus ferme.
Le commissaire pencha légèrement la tête, un léger rictus glacial au coin des lèvres :
- À votre insu, vous dites ? ricana le commissaire. Vous pensez vraiment que je vais accepter cette version ? Vous êtes dans une position délicate, madame.
Je sentis les battements de mon cœur s’accélérer à ces mots. J’ouvris la bouche pour répliquer, mais il m’arrêta froidement d’un geste sec de la main.
- Vous pouvez disposer.