Lehyan fit signe à sa sœur toujours assise dans sa voiture avant de continuer sa route vers la fac. En route il détaillait les visages inconnus. Les lieux étaient bien différents avec toutes ces personnes. Tout paraissait beaucoup plus petit, vivant et encombré mais cela ne dérangeait pas Lehyan. C'était positif si une université était encombrée. Heureusement l'amphithéâtre auquel il devait se rendre était très bien indiqué par des grandes flèches que Lehyan ne pouvait pas rater. Il trouva son chemin sans problème et eut l'embarras du choix en ce qui concernait la rangée où il allait s'asseoir.
Ne voulant pas s'exclure ni se mettre trop en avant, Lehyan s'assit à côté d'un garçon de son âge sur une rangée du milieu. Il eut à peine le temps de s'asseoir que l'inconnu lui sourit.
«Salut. Je m'appelle Timothée mais tout le monde m'appelle Tim. Et toi?
-Hey. Je m'appelle Lehyan. Et on m'appelle souvent Lehyan.
-Lehyan? J'ai jamais entendu ce prénom avant.
-Tu ne m'as jamais vu avant.
Touché.»
Les garçons sourirent. Lehyan se serait cru en maternelle pendant une seconde. Ils n'avaient rien dis mais ils sentaient qu'ils venaient de devenir des amis de fac. Lehyan et Tim allaient s'asseoir à côté dans l'amphi et manger ensemble à midi à présent.
L'amphi se remplissait petit à petit et tout le monde parlait fort tant que la professeur n'était pas arrivé. Son arrivée finit par jeter un froid dans la salle et tout le monde s'assit en silence. Tim se pencha vers Lehyan et dit en chuchotant à peine.
«On a de la chance d'avoir madame Piquemal en prof de maths. Mon frère l'a eue et elle est géniale. Il faut pas somnoler en cours mais si t'es sérieux alors elle va t'apprécier.
-Je ne comptais pas trop somnoler t'inquiète.
-T'as pas intérêt. Si elle te voit elle va te mettre la misère.
-À ce point?
-Tu n'imagines même pas. C'est un dinosaure si elle veut.
-Mais c'est une bonne prof?
-La meilleure. Avec elle tu vas réussir tes examens les doigts dans le nez.
-Tant mieux. Mon prof de maths de première était nul. Je n'ai jamais autant détesté un cours que le sien.
-Bienvenu dans le club. Mon prof avait zéro autorité et il suait comme personne. Il avait même des auréoles au niveau des bourrelets.
-C'est pas possible. Le mien était exactement pareil.
-Sérieux?
-On jouait aux cartes pendant qu'il parlait.
-On jouait au bac perso.»
Les garçons rirent complices mais finirent par se taire quand madame Piquemal eut fini de s'installer et qu'elle commença à se présenter.
«Bonjour à tous. Je serai votre professeur de mathématiques durant l'année. Cette matière étant la plus importante pour votre licence, j'espère que vous serez attentifs et engagés. Je vous conseille de passer du temps après les cours à travailler. Pour cela vous aurez à votre disposition la bibliothèque universitaire que vous irez visiter dans quelques instants. En ce qui concerne vos emplois du temps, les définitifs vous seront distribués au cours de la semaine prochaine. En attendant vous devrez suivre l'emploi du temps temporaire.»
Suite à cela madame Piquemal présenta la licence ainsi que l'université aux élèves à l'aide d'un power point simple et épuré. Tout le monde écoutait en silence intimidé par son aura et aussi quelque peu stressés par l'année à venir. Même ceux qui étaient excités à l'idée de commencer leur vie d'universitaires s'étaient calmés et attendaient avec patience la fin des présentations avant de sortir visiter les lieux.
Les salles ainsi que les couloirs étaient décorés avec goût et en même temps avec richesse. Des vases emplis de fleurs ainsi que des lustres venaient pimenter la décoration et les grandes fenêtres rendaient le tout brillant et fantastique. La bibliothèque était dans le même style que le reste. On aurait dis une bibliothèque de château emplie de milliers de livres et d'échelles pour atteindre les étagères à plus de dix mètres du sol. Lehyan sentait qu'il allait passer du temps ici. Tim à ses côtés ouvrit de gros yeux émerveillé.
«Je suis sûr qu'ils ont quelques livres chelous sur de la magie noire. Faudra qu'on vienne ici souvent.»
Lehyan sourit.
«On va peut être trouver une trappe secrète.
-J'avoue. Cette école est tellement vieille qu'elle doit sûrement avoir des secrets sombres. Mon frère disait qu'il y avait une légende comme quoi un élève avait été enfermé vivant dans une des pièces. Apparemment la pièce a été condamnée depuis et son corps est toujours là-bas attendant d'être découvert.
-Il est chelou ton frère.
-La vie est ennuyante sans gens chelous.
-Tu marques un point.
-Il est toujours à la fac ton frère?
-Non, il a arrêté au bout de deux ans. Il s'est rendu compte qu'il n'était pas fais pour cet endroit.
-Mais maintenant il fait un truc qui lui plaît?
-Oui il a intégré une école d'art et il est aux anges.
-C'est le plus important.
-Et puis on ne va pas se mentir il allait plus en soirées qu'autre chose. Tu m'étonne que ça n'a pas marché.
-Surtout avec madame Piquemal.
-Et pour couronner le tout il avait pris une double licence bio-maths!
-Sérieux? Comment c'est possible?
-En terminale il aimait bien les sciences et il n'avait que des vingt sans vraiment avoir à travailler. Mais c'était différent à la fac et il n'a pas voulu sortir de sa zone de confort.
-Je vois...
-Nos parents ont câblé les premiers mois mais ils ont très vite compris que c'était une cause perdue et ils sont très supportifs avec sa nouvelle école.
-Tant mieux.»
Les garçons durent accélérer le pas pour rattraper le groupe qui était sorti de la bibliothèque pendant qu'ils discutaient. Tim et Lehyan n'avaient pas entendu le speech sur la manière dont il fallait utiliser les ordinateurs ou comment trouver des livres mais ils allaient sûrement s'en sortir seuls.
Alors qu'ils marchaient vers la cantine qui était digne de l'école avec son apparence raffinée et propre ainsi que ses plats de haute qualité, Tim continua à parler de son frère et Lehyan découvrit que ce dernier avait quatre ans de plus que Tim et qu'il venait de trouver une copine qui était très timide devant leurs parents. Lehyan apprit de plus que Tim avait quatre sœurs dont trois plus grandes que lui et un petit frère. En entendant cela Lehyan ouvrit de gros yeux.
«T'as dis combien?
-J'ai quatre sœurs et deux frères. Je me demande comment mes parents font pour nous élever parce que on n'est pas si riches que ça. Ma mère doit dealer de la d****e c'est obligé.
-Ils comptent s'arrêter là ou ils n'en ont toujours pas marre de créer la vie? Parce que là c'est même plus une famille. C'est un élevage.
-Tu verrais les dîners. C'est le moment le plus drôle de la journée. Je ne raterais ça pour rien au monde. Je t'inviterai un de ces quatre.
-Je ne veux pas déranger mais c'est gentil.
-Tu penses vraiment qu'ils vont remarquer ta présence avec sept enfants? Ils vont croire que tu es un enfant oublié. Tu vas te fondre à merveille.»
Lehyan rit.
«Et toi alors? demanda Tim. Tu as des frères ou sœurs?
-J'ai une grande sœur. Elle a deux ans de plus que moi.
-Mon pauvre. C'est dure les grandes sœurs. Elles sont adorables mais super têtues. Le ton peut monter très vite mais tu sais qu'elles seront là dans les pires moments.
-Je suis à moitié d'accord. Le ton n'est jamais monté avec ma sœur.
-Sérieux? Elle ne t'a jamais claqué la porte au nez?
-Nope.
-Elle ne t'a jamais hurlé dessus parce que tu as fini les céréales?
-Non plus.
-Elle ne t'a jamais pincé jusqu'à ce que tu saigne?
-Euh... Non.
-Elle ne t'a jamais forcée à respirer ses chaussettes pour que tu lui donne la manette de Xbox?»
Lehyan rit en imaginant la scène.
«C'est pas drôle. C'est la chose la plus traumatisante que j'ai eu à vivre.
-Pour répondre à ta question, je ne me suis jamais disputé avec ma sœur. Même pas quand on était petits. Même pas pour des choses débiles ou importantes. Jamais.
-Wow... T'es de quelle espèce. Tu m'étonne que j'ai jamais entendu ton nom jusque là. Ta sœur sera la bienvenue aussi chez nous. Vous verrez une autre forme d'amour. J'aime beaucoup ma famille. Quoi que je suis moins proche de mes frères que de mes sœurs. Eux c'est un autre délire. Ils s'engagent souvent dans des bagarres sanglantes pour des trucs de m***e. La dernière fois le petit à mordu le grand parce qu'il avait bu dans sa tasse.
-J'ai hâte de voir ça de mes propres yeux.»
Au bout de la visite, Lehyan ne savait rien de l'école mais les garçons savaient tout de la famille de l'autre. Lehyan dit même à Tim que ses parents étaient morts alors qu'il n'en parlait pas vraiment en général.
La journée fut clôturée par la présentation des options. Tim avait pris option muscu. Cela avait fais sourire ses sœurs car il était fin comme une tige de blé. Tim n'alla donc pas dans la même salle que Lehyan mais ils se donnèrent rendez-vous le lendemain.
Lehyan trouva tant bien que mal la salle de dessin et s'assit à une place au piff à côté d'une fille aux cheveux d'un blond bouclé et court qui faisait penser à un soleil. Cette dernière était penchée sur un petit carnet sur lequel elle griffonnait frénétiquement à l'aide d'un bout de charbon. Lehyan se pencha avec curiosité. La fille était tellement plongée dans son dessin, ses doigts noirs, qu'elle ne le remarqua pas. Ses dessins intriguaient Lehyan. Des traits noirs plus ou moins épais disposés rageusement et pourtant avec douceur semblaient être calculés au millimètre près pourtant c'était comme si la fille ne réfléchissait pas. Elle laissait faire sa main et fit apparaître sur le papier un tourbillon effrayant et magnifique.
L'inconnue finit par relever la tête pour remettre ses cheveux en place. Lehyan se redressa d'un coup à son tour mais elle l'avait vu. La jeune femme lui sourit. Un grand sourire brillant et chaleureux.
«Désolé. Je voulais pas me montrer curieux mais la manière dont tu dessinais était... Perturbant.
-Oh t'inquiète. J'ai vu une affiche en venant ici et elle m'a fait ressentir quelque chose de bizarre. J'étais comme hypnotisée.»
Le soleil tourna la page de son carnet et Lehyan tomba nez à nez avec un serpent d'un détail incroyable et des mêmes couleurs que le tourbillon.
«Mais ce serpent n'est pas assez fort pour décrire ce que j'ai ressenti. Il sait qu'il hypnotise. Pas le tourbillon. C'en est d'autant plus personnel et beau.»
Lehyan hocha la tête hypnotisé à son tour par les paroles de la jeune femme.
«Tu ne peux pas nier que tu as pris option dessin.»
L'inconnue rit avec légèreté et bonne humeur.
«Ouais.»
Elle haussa les épaules.
«J'aime bien dessiner. Et toi? Qu'est ce qui t'a attiré ici?
-Je dessinais énormément quand j'étais petit. Je voulais être mangaka. Je n'ai jamais pris de cours mais j'ai toujours gardé cette passion.
-C'est magnifique d'avoir une passion. Surtout quand tu l'as depuis toujours.»
L'inconnue pointa Lehyan du doigt en fermant un œil.
«Ne perds jamais ta passion de créer. Ça te rend unique et brillant.»
Lehyan hocha doucement la tête comme s'il venait de faire une promesse de la plus grande importance.
Le professeur finit par arriver et présenta l'option avec lenteur mais conviction. Lehyan aurait voulu l'écouter mais l'inconnue était des plus bavardes. Il apprit qu'elle s'appelait Ami et elle se tut de longues secondes quand elle entendit son prénom. Lehyan crut presque qu'elle ne l'avait pas entendu mais elle parla avant qu'il ne puisse répéter.
«Ce prénom est magnifique. Il te va très bien. Je l'ai déjà entendu dans un livre. Lehyan était un jeune homme très philosophique et réfléchi. Il brillait de son esprit et de son calme. Tu m'as l'air d'être aussi une force calme. Visiblement il y a quelque chose entre nos prénoms et nos personnalités.
-Le tien est trop simple pour ta personnalité que je vois pétillante mais en même temps parfait. Tu es l'amie de tout le monde. Quelqu'un de positif qu'on veut connaître.»
Les yeux d'Ami se mirent à pétiller.
«C'est adorable. Tu es vraiment une personne sublime petit Lehyan. J'espère que tu ne perdras jamais ta lumière.»
Lehyan sourit.
«Je vais essayer. J'espère que tu es toujours aussi souriante et radieuse.»
Ami rit.
«J'aime les matins. Je me lève toujours très tôt mais passe toujours trop de temps à admirer la nature alors je rate souvent mon train. Aujourd'hui j'avais fais un effort mais je suis quand même arrivée en retard.»
Ami sortit son téléphone de sa trousse.
«Mais j'ai vu un écureuil aussi! Jocelyne m'a appelée quand elle ne m'a pas vue à la gare. Heureusement parce que je m'étais lancée dans la conception d'un bouquet de fleurs sauvages. D'ailleurs je vais te présenter Jocelyne. C'est une bonne personne. Tu vas l'aimer.
-Je la rencontrerai avec plaisir dans ce cas.
-Tu as déjà entendu parler du Mur? C'est là que j'ai rencontré Jocelyne.
-Non, jamais.
-C'est un concept super intéressant. Il y a un mur au bord de la ville et on recouvre les tags de nouveaux toutes les semaines. Les mardis en général. Les gens là bas sont tous super cool et pas prise de tête. Tu pourrais participer mardi prochain.
-Ça sonne super bien.»
Ami chercha dans son téléphone des photos du mur.
«Voici les tags de la semaine dernière et voici ceux de maintenant.»
Lehyan se rapprocha de l'écran. Le Mur était recouvert de tags de couleurs, tailles et styles différents qui pourtant vivaient en harmonie et ensemble formaient une toile beaucoup plus agréable à regarder qu'on n'aurait pensé. Lehyan aimait beaucoup l'idée. Ils se mirent d'accord avec Ami qu'elle l'emmènerait la prochaine fois qu'elle irait là bas.
Sur ce la journée de Lehyan se termina et il prit le bus pour rentrer. Ondine était sur le chemin du retour aussi. Elle était très joyeuse et sautillait presque en se disant qu'elle avait réussi à trouver un emploi bien vite. Ondine ferma les yeux et continua à avancer en sentant le vent sur son visage. Elle pouvait presque entendre sa chanson préférée dans l'air. Tout allait bien. Enfin jusqu'à ce qu'elle ouvre les yeux.
Elle se retrouva à quelques centimètres d'un dos rigide. Elle n'eut même pas besoin de voir le visage de la personne pour savoir qui c'était. Elle le sentait à son aura. La seule chose qui était négative dans cette ville. Ondine pinça les lèvres. Elle allait devoir le dépasser comme si elle ne l'avait pas vu sinon cela allait être gênant. Mais elle ne voulait pas être désagréable comme lui. Elle était au dessus de cela. Elle ne comptait pas le laisser gâcher sa vie.
Ondine n'eut pas à interpeller Stanislas. Ce dernier avait lui aussi senti sa présence et se retourna plus blasé que jamais.
«Vous avez le don d'être là où vous n'êtes pas désirée.
-Au moins je ne vous ai pas foncé dedans.»
Sur ce elle sourit avec plus de froideur qu'elle n'aurait voulu et dépassa Stanislas la tête haute.
«Passez une bonne journée.»
Malheureusement elle avait oublié le fait qu'ils étaient voisins et qu'ils prenaient donc le même chemin.
Ondine se força donc à aller plus vite qu'à l'accoutumée entendant les pas lourds de Stanislas derrière elle. Elle finit par oublier sa présence derrière elle et se perdit dans la contemplation des lieux ainsi que dans ses souvenirs positifs. Ondine oublia à quel point elle marchait vite et qu'elle marchait sur une surface où il pouvait y avoir des obstacles. Elle ne vit évidemment pas un trou et n'eut pas le temps de retrouver son équilibre. Elle tomba sur les genoux sans se faire vraiment mal. Ou du moins pas physiquement. Ondine se souvint soudain de la présence qui la suivait et son égo prit un coup. Elle espérait qu'il avait changé de chemin pour s'éviter sa présence mais l'égo d'Ondine prit son coup de grâce quand Stanislas passa devant Ondine sans même lui accorder un regard.
Une fois de retour à la maison Lehyan et Ondine se racontèrent leurs journées en détail devant une tasse de chocolat chaud et Ondine finit par faire part à son frère de la scène de la chute même si elle avait honte.