Chapitre 11 – La Ligne de Fracture

793 Words
Moi La route est droite. Trop droite. Un ruban d’asphalte tendu comme une menace, bordé par le désert et le silence. Je conduis. Pas de musique. Juste le vent contre la carrosserie et ce téléphone muet sur le siège passager. Il m’a dit « Je te couvre. » Mais il n’est pas là. Je n’ai que ce silence, cette arme, ce nom : Caïn Ortega. Ancien lieutenant d’un cartel dissous. Une épave humaine, dit-on. Mais une épave peut toujours cacher un secret. Le contact est prévu dans une heure, dans un motel à moitié effondré, aux portes du néant. Il a accepté de me parler. Peut-être. Si je paie. Ou si je menace. Ou si je deviens pire que ce qu’il a fui. Moi Je m’arrête. Sors. Inspire l’air brûlant. Dans ma poche, j’ai une seringue. Un cadeau de Rafael. Pour accélérer la parole, m’a-t-il dit. Ce genre de chose qui ne s’achète pas en pharmacie. Je me revois, deux jours plus tôt, au chevet de Luis. Les machines, les draps blancs, le souffle fragile. Je lui dois ça. Je nous dois ça. Alors j’entre. L’Entretien La chambre pue la moisissure et la peur. Caïn est déjà là, assis sur le lit, le regard dévoré par les cernes et la paranoïa. Caïn — Tu viens pour me tuer ou pour écouter ? Moi — Si je voulais te tuer, tu serais déjà mort. Il rit. Un râle plus qu’un rire. Caïn — C’est ce qu’elle disait aussi. Avant de crever. Je reste droite. Ne pas montrer que le doute me mord. Je m’assieds face à lui, la main près de l’arme. Moi — On sait que vous étiez au courant de notre opération. Quelqu’un vous a prévenus. Qui ? Il me dévisage. Longuement. Il cherche une faille. Caïn — Vous vous êtes crus discrets. Mais les chiens de Dante, ils puent la poudre et la peur. C’est pas une taupe que vous avez. C’est un traître. Un frisson. Pas de peur. De colère. Moi — Nom. Maintenant. Il sourit. Une dent en moins. Caïn — Et moi, je gagne quoi ? Je sors la seringue. Je la tiens entre deux doigts. L’amorce d’un geste suffit à le faire blêmir. Moi — Une sortie. Ou l’oubli. Tu choisis. Il hésite. Son regard fuit vers la fenêtre. Il sent que quelque chose approche. Moi aussi. Caïn — Rafael. C’est lui. Il a vendu l’info. Je me fige. Non. Impossible. Mais Caïn n’a aucune hésitation dans la voix. Juste une fatigue résignée. Caïn — Dante l’a trop longtemps tenu en laisse. Il a trouvé un autre maître. Je me lève. Je ne veux pas entendre ça. Pas lui. Pas Rafael. Un bruit dehors. Une voiture. Je dégaine, j’éteins la lampe. Trop tard. La Fusillade La porte explose. Des cris. Des rafales. J’entends Caïn hurler. Puis plus rien. Je roule sous le lit. Tire trois balles dans le noir. Deux tombent. Une me frôle. Je rampe. Me jette contre la fenêtre. L’éclat de verre me coupe le bras. Mais je sors. Je cours. Tire encore. Un cri. Puis une main m’attrape. Rafael Rafael — Bordel, monte ! Il m’entraîne dans une voiture. Je monte sans réfléchir. Moi — Tu étais censé me couvrir. Pas me laisser crever ! Il conduit comme un fou. Détourne à peine les yeux. Rafael — Je t’ai couvert. Mais il y avait plus de monde que prévu. Moi — Caïn t’accuse. Il dit que t’as vendu Dante. Il freine. D’un coup. La voiture crisse. Un silence. Rafael — Et tu me crois ? Je le fixe. Je veux dire non. Mais le doute est là. Il le voit. Rafael — Il mentait. Et il est mort, non ? Comme par hasard. Moi — Il allait parler. Rafael — Tu veux savoir la vérité ? La vraie ? Il me fixe. Sa mâchoire est contractée. Rafael — Il y a un autre joueur dans la partie. Quelqu’un que même Dante ne voit pas venir. Et Caïn n’était qu’un pion. Comme moi. Comme toi. Je reste immobile. Le sang coule de mon bras. Je sens le poids de la nuit sur mes épaules. Moi — Alors dis-moi. Qui joue contre nous ? Un sourire amer se dessine sur ses lèvres. Rafael — Ton prochain contact. Elle s’appelle Irène. Elle bosse pour un fantôme. Un type qu’on appelle El Silencio. Je le fixe, glacée. Moi — El Silencio n’existe pas. C’est une légende. Rafael — Ouais. Comme tous les cauchemars. Il redémarre. Et je sens, dans le silence tendu, que plus rien ne sera simple. Plus rien ne sera sûr. Moi (pensée) Et si Rafael mentait ? Et si Caïn avait raison ? Et si moi, j’étais déjà du mauvais côté… sans le savoir ?
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