ÉCHANGE DE VIES

4- Lui

OMNISCIENT

Le cours de comptabilité venait à peine de se terminer, et Dween, malgré sa concentration apparente, ne pouvait s'empêcher de sentir le poids de l'ennui s'installer. À côté de lui, Nick rangeait déjà ses affaires, un sourire aux lèvres, visiblement impatient de sortir.

— Il y a l'ouverture des matchs demain, annonça Nick avec enthousiasme. Tu devrais venir, ça pourrait être sympa. En plus, pas de cours pour l'occasion.

Dween haussa un sourcil, intéressé, mais méfiant.

— Pourquoi pas.

— En plus, les filles des autres lycées seront présentes, ajouta Nick avec un clin d'œil complice.

Dween secoua la tête en souriant.

— Je comprends mieux ton enthousiasme maintenant...

Nick s'apprêtait à répondre quand son regard se figea sur une silhouette qui approchait. Ses traits se crispèrent légèrement.

— Je rêve ou cette fille vient dans notre direction ? chuchota-t-il. Tu devrais t'éloigner d'elle, mec. Seulement un jour ici, et Manuel a déjà jeté son dévolu sur elle.

Dween tourna la tête. C'était Halia, Elle avançait avec une assurance tranquille, ignorant les murmures autour d'elle.

— Quand Manuel s'intéresse à une fille, il vaut mieux ne pas traîner avec, ajouta Nick d'un ton averti. Sinon, il passe son temps à harceler le gars qui s'en approche.

Dween soupira en se souvenant du comportement de Manuel ce matin-même. Il comprenait mieux maintenant les remarques et regards appuyés qu'il avait subis.

— Dween, je t'ai cherché avant le cours... Où étais-tu ? demanda Halia en arrivant à sa hauteur, une pointe d'inquiétude dans la voix.

Dween l'observa un instant, pesant ses mots avec soin. Il appréciait Halia, mais, il savait que s'approcher d'elle signifirait attirer l'attention indésirable de Manuel et de sa b***e.

— Écoute, Halia, dit-il finalement d'un ton mesuré. Je t'apprécie, vraiment, mais je compte passer une année – voire trois – tranquille. Je n'ai pas envie d'être humilié par ces petits cons simplement parce que je t'aurai adressé la parole.

La tristesse traversa le regard de Halia, mais elle se reprit rapidement.

— C'est injuste, je ne t'ai rien fait...

— Je le sais bien, répondit Dween en baissant la voix. Ce n'est pas contre toi. Si c'était avant, je lui aurais déjà foutu une bonne droite ou je me serais battu avec toute sa b***e sans hésiter. Mais regarde-moi... Je peux à peine respirer correctement. Alors, s'il te plaît, oublie-moi. Je ne veux pas t'attirer des ennuis... Désolé.

Un silence lourd s'installa entre eux, rempli de non-dits et de résignation. Halia finit par acquiescer lentement, consciente que l'univers dans lequel elle évoluait ne faisait pas de cadeaux à ceux qui osaient défier les règles tacites imposées par les plus forts.

Dween tourna les talons sans un regard en arrière, suivant son ami Nick d'un pas décidé. Halia resta seule, légèrement déconcertée. Malgré l'assurance qu'il affichait, un conflit intérieur rongeait Dween. Halia lui plaisait, c'était indéniable. Il ressentait ce pincement au cœur qui trahissait l'intérêt qu'il lui portait. Mais la paix qu'il recherchait, cette tranquillité qu'il s'efforçait de préserver dans sa dernière année au lycée d'après le temps qu'il lui resterait sûrement à vivre, primait sur tout le reste. Il savait que s'impliquer avec elle risquait d'attirer les foudres de Manuel, un risque qu'il n'était pas prêt à prendre. Se confronter à Manuel et sa b***e n'avait jamais été une option gagnante. Dween avait appris, parfois à ses dépens, que garder un profil bas était souvent le meilleur moyen de survivre dans cet environnement. Pourtant, une partie de lui se demandait s'il n'avait pas pris la mauvaise décision. Avait-il bien fait de se détourner d'elle pour éviter les ennuis, ou s'agissait-il simplement de lâcheté déguisée en sagesse ? Le doute s'infiltrait insidieusement dans son esprit, bien qu'il ne le montra pas. Après tout, pourquoi devait-il sacrifier ses propres désirs à cause des caprices d'un type comme Manuel ? Mais la réponse lui paraissait évidente : il n'avait ni la force ni l'énergie pour affronter encore des humiliations, surtout dans son état actuel. Dween serra les poings en silence, espérant que son choix de s'éloigner lui permettrait de traverser l'année sans trop de vagues.

Dween essayait de maintenir une façade de calme alors qu'il sentait son souffle devenir de plus en plus laborieux. La douleur dans sa poitrine se faisait plus oppressante, malgré l'appareil respiratoire qui sembla soudainement inutile. Son ami Nick, attentif à ses moindres gestes, resta à ses côtés, inquiet, essayant de détendre l'atmosphère par quelques blagues maladroites, mais l'inquiétude transparaissait dans ses yeux.

Quelques instants plus tard, Lyana, la mère de Dween, arriva précipitamment. Son visage trahissait l'angoisse qu'elle tentait de masquer pour ne pas aggraver la panique de son fils.

— Dween ? Qu'est-ce qui ne va pas, mon chéri ? demanda-t-elle, la voix tremblante, en se penchant vers lui.

Dween secoua la tête, luttant pour trouver ses mots. — Je ne sais pas, maman... J'ai du mal à respirer, même avec l'appareil. Je veux juste rentrer.

Le cœur de Lyana se serra, une douleur sourde envahissant sa poitrine en voyant son fils ainsi. Ses yeux brillèrent de larmes retenues, mais elle s'efforça de rester forte. Elle lança un regard reconnaissant à Nick, qui l'aida à installer Dween à l'arrière du véhicule avec des gestes doux et précautionneux.

— Merci d'être resté avec lui, Nick, dit-elle d'une voix serrée, un sourire triste aux lèvres. Nick hocha la tête, sincère.

— C'est normal, madame. C'est mon ami, je ne pouvais pas le laisser seul.

Il les regarda s'éloigner, les mains enfoncées dans les poches, le regard pensif. Une fois la voiture hors de vue, il soupira, rassemblant ses affaires juste au moment où Manuel, son cousin, sortait de l'université.

— Alors, ton déjeuner avec l'handicapé, c'était comment ? lança Manuel avec ce ton moqueur qu'il prenait toujours en parlant de Dween.

Nick se crispa, mais tenta de garder son calme.

— Ça s'est bien passé. Et honnêtement, tu devrais le laisser tranquille, il ne t'a rien fait. Il est malade, tu le sais très bien.

Manuel haussa un sourcil, indifférent.

— Et alors ? J'aime pas son air supérieur. Il ferait mieux de rester à sa place.

Nick eut du mal à cacher son agacement.

— Sérieusement ? Un air supérieur ? T'es vraiment mal placé pour dire ça, tu ne trouves pas ?

Manuel eut un sourire en coin, méprisant.

— On ne va pas se disputer pour un inconnu, hein ? Mais je te le dis, s'il veut que je lui foute la paix, qu'il reste loin d'Athalia.

Nick secoua la tête, exaspéré.

— Elle n'est même pas ta copine, Manuel ! Tu pousses le bouchon vraiment trop loin.

Un éclat de défi brilla dans les yeux de Manuel.

— Elle sera à moi, attends juste de voir.

Nick soupira visiblement lassé par les obsessions malsaines de son cousin. Il connaissait trop bien ce côté manipulateur et possessif de Manuel, qui ne reculait devant rien pour obtenir ce qu'il voulait. Depuis que les parents de Manuel avaient pris Nick sous leur aile après la mort successive de ses propres parents, il avait dû apprendre à composer avec le caractère difficile de son cousin. Manuel, avec son arrogance et son autorité, dirigeait souvent les choses à sa guise, et même ses propres parents semblaient être à ses ordres.

Nick baissa les yeux, résigné. Il savait que cette histoire avec Athalia ne se terminerait pas bien, mais il se sentait impuissant face à la détermination de Manuel, et la tension entre eux ne cessait de grandir.