ALEXYA
— Je compte sur toi pour les négociations.
— Tu crois réellement que l'apport de cet investisseur, est indispensable ? On peut bien se débrouiller sans lui.
— C'est aussi mon avis Alexya, mais le conseil d'administration est ferme sur ce point. Nous avons besoin d'une sorte de garant. Il connait mieux le marché français que nous et puis il n'aura qu'une toute petite part des actions. Je pourrai la lui racheté plus tard après les constructions.
Je regarde mon frère, avec incertitude. Cet investisseur ne me dit rien qui vaille. Mais il n'a pas tort, il nous sera d'une grande utilité.
Stefano. Il m'a l'air heureux. Zara le rend heureux, depuis qu'elle et mon neveu sont apparus dans nos vies, c'est un tout autre Stefano que je découvre.
— Très bien, tu as raison. De toutes les façons je peux bien me débarrasser de lui s'il pose problème.
Il secoue la tête en souriant.
— Alexya, je comprends très bien ce que tu mets dans « te débarrasser ». Ne prend pas de décisions hâtives.
— C'est tout réfléchi et murement pensé. Je ne compte plus rien laisser passer dorénavant.
— Tu as des nouvelles de la Russie ?
Dio ! La Russie. Mon expression badine se ferme et laisse place à une colère, mêlée à de la culpabilité.
— Non, toujours aucune. Mais je suis sur une piste, je t'en dirai plus à mon retour de Paris.
— Que feras tu quand tu le retrouveras ?
— Pourquoi me poses-tu une question à laquelle tu connais déjà la réponse ?
Une fois que je l’aurai sous mes yeux, je n’hésiterai pas à en finir avec lui. Mon frère le sait et c’est ce qui l’inquiète apparemment. Il a peur que le véritable responsable de la mort du père et du fils OUDINNOV s’en prenne à moi avant que je ne l’ai percé à jour.
Tuer pour le pouvoir je peux le concevoir, d’ailleurs nous savons tous que dans ce milieu c’est la règle : tuer ou se faire tuer.
Mais me faire porter le chapeau ? Ça c'est impardonnable. Je vais les traquer et les éliminer un à un. J'aurai voulu offrir la tête de la tête pensante de tout ce complot au fils cadet de Grigory OUDINNOV. Sauf que cet idiot est porté disparu depuis de nombreuses années. Je ne sais pas où le trouver.
— Tu cherches toujours le fils de Grigory ?
— Oui. Il faut que je le retrouve, son père m'a laissé ...quelque chose pour lui.
Une lettre, il m'a laissé une lettre. Pour être plus claire, il m'a indiqué l'endroit où il la gardait. Sa dernière pensée était pour son fils :
« Retrouvez mon fils s'il vous plaît et dites-lui que je l'aime. »
Tant d'amour pour son enfant m'a touché. Je me suis donc faite la promesse, de retrouver cet homme, de lui remettre la lettre et de lui offrir comme cadeau la tête de celui qui a fait tuer son père. Quoique, je commence à me demander s’il le mérite vraiment. Qui peut être aussi insensible au sort de sa famille ? Il n’a même pas daigné réapparaitre pour honorer leur mémoire. Pas un seul signe. Ce n’est qu’un lâche. Un imbécile qui ne mesure pas la chance qu’il a eu d’avoir un père visiblement aimant.
Si mon père…
— Je ne comprends pas comment tu as pu sympathiser avec ce vieux. Moi je l'aurai éliminé sans hésiter.
C’est tout toi Stefano. Mon frère est le prototype de l’action avant la réflexion.
— Parce-que toi, tu pensais qu'il était à l'origine de la disparition de nos cargaisons.
— Et parce que la patience ce n'est pas mon fort.
— Va dire ça à Zara !
Il esquisse un sourire satisfait, et reprend d’un air assez sérieux.
— On va dire que Zara est l'exception qui confirme la règle. Pour en revenir à l'affaire OUDINNOV, je préfère que tu laisses tomber. Tu y es trop impliquée. J'ai peur que tu ...
— Que je me fasse tuer ?
— Non. Que tu fasses beaucoup de m******e, à cause de cette histoire. Leur problème ne nous concerne pas vraiment. C'est une affaire interne à leur organisation, c'est vrai que nous y sommes mêlés, mais en réalité leur mort ne doit pas nous affecter.
Qu'est-ce qu'il peut être insensible parfois!
— Ils sont morts alors qu’ils étaient avec moi Stefano ! Nous étions en pleine discussion quand un sniper les a abattus sous mes yeux ! Leur sang m’a littéralement éclaboussé au visage. Tu sais que quand je commence quelque chose je le termine et bien. Alors ne t'inquiète pas pour moi. Je vais découvrir le fin mot de l'histoire, seulement après j'aurai la conscience tranquille.
— N'oublie pas, cette affaire ne doit pas te rendre imprudente.
— Non. Ne t'inquiète pas pour mon implication là-dedans. C'est beaucoup plus un règlement de compte personnel. Ils m'ont sous-estimé en cherchant à camoufler leur action, par un assassinat que j'aurai orchestré. Je vais leur montrer que j'ai une manière bien à moi de tuer.
— Je serai là si tu as besoin de conseils.
— Je sais.
— Per l’amor di Dio sorellina, peux-tu pour une fois faire ce que je te demande ?
Il sait que je ne viendrai pas le voir. Je sais me débrouiller toute seule. D'ailleurs je suis attendu dans un entrepôt par l'un des suspects. Mes hommes le surveillent, j'espère obtenir quelques informations de lui.
De gré ou... Par la douleur ! J’ignore sa doléance et je me lève.
— Je vais te laisser.
— Ton vol officiel est pour quand ? Fait-il d’un air soucieux.
— Demain dans la soirée.
— Tu pars quand ?
— Ce soir, mes valises sont prêtes.
— Bien. Bon voyage à toi. N'oublie pas de me tenir informé.
Dans notre monde, le danger de mort est récurrent. Pour nos déplacements nous prévoyons donc deux dates, la fausse et la vraie.
Il n'y a que trois personnes qui savent que je voyage cette nuit. Stefano, Mirko, et le pilote. Mirko est mon homme de confiance. Nous serons tous les deux logés dans un hôtel particulier, en attendant que le reste de mes hommes nous rejoignent demain.
— Merci Stefano.
Une demi-heure plus tard, je suis en route pour l'entrepôt.
Je pianote l'écran de mon smart phone. D'aucuns penseraient que je suis en pleine discussion avec des amis. Non. Je planifie la prochaine livraison. Je n'ai pas d'amis. Je n'en ai jamais eu besoin. Je n'ai besoin de personne, pour me rappeler ce que je suis.
La fille d'un criminel, un homme froid, implacable et effroyablement cruel. La sœur de Stefano, la frayeur du monde la mafia. Une femme froide et vindicative. Je ne suis pas de ceux qui ont besoin d'être en pleine lumière ou qui vivent par l'opinion des autres.
J'ai ma propre opinion de moi-même. C'est le plus important.
J’aurais pu être une personne différente, si je n'étais pas née dans cette famille. Le destin l'a voulu alors je poursuis ma destinée. Ma vie entière est parsemée de tragédie. Mais je m'y suis adaptée. Mes frères, ma mère, mon père... Mon père... Cet homme était un monstre. Je souffle en repensant à tous les actes qu'il a eu à poser.
— Signora ?
Je lève mon regard vers Mirko, il me tient la portière ouverte pour que je sorte.
Sans perdre un instant je pose un pied à terre, plus l'autre. Un courant d'air froid soulève mes cheveux. J'aurai dû mettre un blouson par-dessus ce haut en soie. Je hausse les épaules et je me dirige dans l'entrepôt.
L'endroit est isolé, à l'écart de toutes habitations, afin de nous permettre d'agir sans craindre la réaction hystérique de voisins beaucoup trop curieux.
L'un de mes hommes se précipite pour m'ouvrir. Mes talons de vingt centimètres claquent en son régulier sur le sol en béton. J'aperçois non loin de moi, un homme ligoté à une chaise. Chacun de ses poignets sont fixés aux dossiers de la chaise par une corde rugueuse. Lorsqu'il me voit venir son visage se déride. Grave erreur.
Les hommes ont tendance à croire que parce-que je suis une femme, je suis plus faible que mon frère. C'est donc avec un plaisir inouï que je leur démontre le contraire.
Il redresse la tête, me toisant en essayant de se recomposer un visage serein. Dommage ! J'en ai maté des plus résistants que toi. Et j'ai pris du plaisir à le faire.
Le visage balafré, des cheveux plaqués en arrière, des yeux marron, il est le parfait Russe, sans plus. Je m'approche de lui, le visage impassible.
— Que sais-tu à propos de la mort de Grigory et Daniil OUDINNOV?
Je l’interroge sans transition et il me regarde en faisant la sourde oreille. Bien ça va être intéressant. Je remets mon portable à Mirko qui a compris mon intention.
— Pour la dernière fois, je te repose ma question. Que sais-tu à propos de leur mort ?
— Que vas-tu me faire ? Demander à tes chiens de me buter ? Aller fais-le!
Je hausse un sourcil, et un petit rire s'échappe de ma gorge.
— Si tu as encore une langue, c'est que j'ai besoin qu'elle soit dans ta bouche pour que tu me dises ce que tu sais.
Mon regard se pose sur la table où sont posés mes instruments de torture. Il suit mon regard, et je sens la crainte envahir son visage.
— C'est bon, je vais parler. Je vais te dire ce que tu veux savoir.
Bizarre ! Je ne crois pas qu'il sera sincère dans ses aveux. Pourtant je me place devant lui pour l'écouter. Il marmonne une phrase en russe.
— Cette fois si je me retiens pour ne pas m'esclaffer. Le pauvre il n'a aucune idée de qui je suis. Je suis Alexya Rozatti, et je parle parfaitement le russe. Malheureusement pour lui il ne sait pas que j'ai compris sa phrase.
« Idiote ! Tu crois que je vais te dire ce que je sais ? »
Très bien. Tu veux jouer à ça ? J'ai bien envie de le laisser me raconter le mensonge qu'il a prévu de me débiter mais je dois aller en France ce soir. Je n'ai donc pas de temps à perdre
Je me rends à la table de torture, je prends une pince et un couteau. Tenant les deux dans une main, je reviens vers lui, l'air de rien.
— J'ai dit que je vais parler !
S'écrit-il avec appréhension.
— Je n'en disconviens pas. Je t'écoute, mais avant je veux te montrer quelque chose.
— Quoi ?.01
— Maintenez lui la tête fixé vers moi pour qu'il voit ce que je veux lui faire.
Cet ordre est destiné à mes hommes. Aussitôt dit, sitôt fait. L'un d'entre eux tient fermement sa tête dans ma direction.
Bien. J'ai en tête de lui couper une main... Mais ça ne sera pas drôle. J'ai une tout autre idée.
Je vais derrière lui, près de celui qui lui retient la tête.
— Laissez-le.
Dès qu'il peut bouger la tête, il gigote dans tous les sens en me maudissant dans sa langue maternelle. Je prends la place de mon homme de main et d'une voix claire je murmure, la bouche près de son oreille :
— Tu n'as rien à craindre, je ne te ferai pas du mal si tu me dis ce que tu sais...
Je sens qu'il se détend, parfait c'est ce que j'attendais. Avec deux doigts je pince le lobe de son oreille droite et de mon autre main, j'abats le couteau en coup sec et précis sur la partie qui la relie à sa tête.
Un profond cri de détresse provient de sa gorge, et je souris. L'oreille est pendante, elle n'est retenue que par un bout de chair sanguinolent. Un flot de sang se répand sur son épaule et sur sa chemise en coton.
Il étouffe un nouveau crie, semblable cette fois ci à un sanglot. Je me penche vers son autre oreille et cette fois ci, c’est en russe que je m’adresse à lui.
« Je veux que tu me dises ce que tu sais réellement »
Sa mine blafarde et douloureuse, ne cache pas l'expression apeurée et étonnée qui nait sur son visage. Il roule des yeux, faisant mine de tomber dans les pommes. Je me relève prestement pour finir ce que j'ai commencé, un autre coup de couteau et son oreille est dans ma main. Je la lui pose sur les jambes.
— Ahhhhhhhh... s****e !
— Tu vois... Tu n'as pas besoin de ton oreille pour parler. Crois-moi je vois beaucoup d'organes sur ton corps dont tu n'as pas besoin pour parler. Je te laisse une minute pour me dire ce que je veux savoir.
— Tu n'es qu'une...
— Finalement, je crois qu’on peut se passer de ta langue. Tu te serviras de tes doigts pour écrire ce que je veux savoir.
— Rokossovski...c'est lui !
— Quel rôle a-t-il jouer exactement dans leur meurtre ?
— Tout ce que je sais, c'est qu'il a recruté beaucoup d'hommes et débauchés plusieurs autres qui étaient aux ordres des OUDINNOV. Il disait qu’un grand coup se préparait et que la famille OUDINNOV allait bientôt disparaitre.
— Merci. Tu m'as été d'une grande aide.
— Libère moi... Tu as tout ce que tu veux.
Je n'ai aucune intention de le faire. Il m'a traité d'idiote et je ne peux laisser cela passé. Je m’éloigne de lui en quelques pas.
— C'est vrai, tu m'as dit ce que tu sais... Mais vois-tu, ce n'est pas assez.
En parlant, je fixais sa tête car je cherchais l'endroit exact où devait se loger mon couteau.
Bingo j'ai trouvé. Entre ses sourcils.
Je joue avec le bout de mon couteau, en manche de genévrier. Mon préféré d'ailleurs.
— s****e que veux...
Tac ! Touché !
Pendant qu'il s'égosillait je visais son front avec mon couteau et je l'ai lancé sans hésiter.
Sans grande surprise, j'ai atteint ma cible. Sur son visage vitreux, s'ést logé mon arme blanche.
Je me rapproche de lui et en exerçant une pression avec la paume de ma main, j'enfonce le bout du couteau, profondément dans son crâne. Il expire une dernière fois.
Bien. J'essaie de retirer le couteau de l'entaille d'où gicle une grande quantité de sang sur son visage. Mais je n'y arrive pas, il a dû se coincer dans un os assez dur. Dommage. J'aimais bien le couteau, on va devoir s'en débarrasser maintenant.
Je toise ma victime une dernière fois, puis je me retourne vers Mirko.
— Renvois son corps en Russie, je veux que Rokossovski reçoive en personne son cadavre.
— C'est une déclaration de guerre Signora.
— Je sais.
— Votre frère ne...
— Laisse mon frère en dehors de cette histoire. Ils ont voulu jouer, en me sous estimant. Maintenant c'est moi qui redéfini les règles du jeu.
Il hoche la tête.
Je sors de l'entrepôt le cœur léger. Mes enquêtes portent leurs fruits... Bientôt je saurai qui est derrière cette histoire. Pourvu que j'arrive à tenir ma promesse en retrouvant le fils disparu de Grigory.
Où peut-il bien être?