Deux semaine sont passées. Samir n'a rien dit aux condés donc on continue notre trafic sans problème. Sauf que Nadir m'a interdit de continuer le poste de rabatteur. Comme quoi c'était une mauvaise idée et que je devais mieux me contenter de faire la nourrice. J'ai rien dit et accepté.
Avec Ichem on est un peu plus proche. Je vais plus souvent dans sa cité et je reste plus longtemps là-bas. À la base c'est pour voir Tanya et Nawel mais dès qu'elles rentrent chez elles il arrive et on se pose en bas de son bâtiment. A force de le voir fumer je me suis laissée aller et je lui ai demandé de me passer ses fins. Mais là, ce soir, j'ai envie de plus qu'une fin. Cette fois j'ai envie de me fumer un gros joint et planer pour oublier tous mes soucis. Ma sœur étant repartie à Lyon je me retrouve solo et l'absence de ma mère m’irrite. Et puis plus le temps passe et plus j'ai les esprits noires. Je sais pas pourquoi mais j'ai l'impression qu'elle va y rester. J'ai déjà perdu baba, si je perds ma mère c'est fini. Je me connais, je vais partir en couille et rien ni personne ne pourra me relever.
— Ça va ? me demande Ichem en s'asseyant à côté de moi.
— Hm…
— Tu veux en parler ?
— Non.
— OK, tranquille.
On fume chacun notre joint et je réalise que je commence de plus en plus à être habituer à cette merde. Au calme, je suis pas encore accro.
— T'as une cicatrice sur le bras droit, observe-t-il. Comment tu t'es fait ça ?
Je m'empresse de rabaisser ma manche et regarde ailleurs en recrachant la fumée.
— Ça te regarde pas, dis-je.
— Tu veux rien dire sur toi. En vrai je traîne avec toi mais je te connais même pas c'est chaud. À part que t'es dans une affaire de stup'.
— À croire qu'on a besoin de faire les présentations et compagnie. On fume juste ensemble. Et si je suis dans le deal, toi t'es le ien-clar, c'est pas mieux.
— Ouais mais si tu te calme pas vite je vais arrêter de te fournir mes joints.
Je le regarde d’un mauvais œil.
— Ah quand ça parle de ça tu te réveille directe, hein.
— Ichem ?
— Ouais ?
— Ta gueule et fume avec moi en silence.
Il me dévisage un instant puis finit par obtempérer. Vous avez vu je peux me montrer persuasive parfois. Le silence plane entre nous. Je regarde les alentours même s'il fait pas très clair dehors et finis ma niaks. Je lui en redemande une autre mais il refuse.
— Vas-y fait pas le crevard là. Fait tourner p****n.
— C'est déjà ton deuxième de la soirée wech. Tu vas pas tenir très longtemps. En plus là t'es khabat. Arrête ton craving.
Pourquoi il joue le psychologue ? Je fonce sur lui et m'arrête juste devant son visage. J'arrive à sentir son souffle sur moi et ses yeux descendent jusqu'à mes lèvres. Il en a envie, lui aussi ?
— À quoi tu penses ? fait-il.
En vrai je pense au joint et au briquet juste derrière lui, mais pour réussir à les attraper faut juste que je me rapproche encore un peu plus près. Bon bah, pas le choix hein. J'avance mes lèvres près des siennes et l'embrasse. Juste un smack, y a rien. En même temps j'en profite pour tendre ma main vers le briquet. Mais au lieu de comprendre ce que je fais, Ichem intensifie le b****r et sort sa langue. Il est en train de me galoche là !
Le briquet et le joint en main, j'essaie de me défaire de lui mais il met ses mains autour de mes hanches et m'embrasse à la mort. Carrément il veut plus s'arrêter quoi ! À force je finis par aimer ça et repose le tout par terre pour me concentrer sur notre b****r. Je passe mes mains derrière sa tête, tandis que les siennes glissent vers mes fesses. Je suis trop khabat pour m'attarder à ça. Alors je le laisse faire et on s'embrasse une longue partie de la nuit.
***
— Salam aleykoum benthi ! me lance tante Yasmina quand j'entre chez elle.
— Aleykoum salam khalti, tu vas bien ?
— Oui oui. Les filles sont dans leur chambre, si tu veux les voir.
— En fait je suis là pour Younes. Tu sais où il est ?
On est samedi et il est 22h. S'il est pas au terrain de foot alors il doit forcément être ici. Parce que à cette heure-là il n'a pas le droit de traîner dehors, c'est la règle. 16 piges ou non c'est comme ça chez nous.
— Oh il est sortie y a même pas dix minutes. Il m'a dit qu'il allait en bas avec ses copains. Je me suis dit que je pouvais lui faire confiance. Tu ne l'as pas vu ??
Ça boue à l'intérieur de moi.
— Nan. Je vais aller le chercher.
— Va ma fille. Et quand tu l'auras trouvé dis-lui qu'il aura affaire à moi.
À moi surtout. Je lui ai bien dit qu'il ne devait pas traîner. Ça m’énerve rien que de savoir qu'il est autre part que dans l'un de nos bâtiment parce qu’il n’a pas voulu m’écouter.
Je descends et sors de leur cité après avoir bien vérifié qu'il n'y était pas.
— Anna !
Je me retourne. C’est Ichem.
— J'ai pas le temps là, lui dis-je quand il vient vers moi
— Genre madame est sous tension. Y se passe quoi ?
— C'est mon frère. Je sais pas où il est.
— Bah bip le.
— Il a plus de téléphone.
— Vas-y je vais t'aider à le chercher.
— Merci.
On farfouille ma cité comme des malades mais aucune trace de ce petit con. Plus je cherche et plus je m'énerve. Si je le tue pas sa race quand je le retrouverais alors je suis une vraie bouffonne.
— Eh ton reuf il a pas un ensemble du Real ?
— Ouais pourquoi ?
— Guette là-bas.
Je regarde vers où il m'indique et vois Younes avec Mamadou dans la rue devant le quartier. Ils ont des armes dans leur main. Oh p****n.
— YOUNEEEEESSS ! crié-je en fonçant tout droit vers lui.
Mamadou se met à se foutre de ma gueule et Younes ouvre grand les yeux. Il cache aussitôt l’arme derrière lui. T'as intérêt à ouvrir grand les yeux petit con, t'as intérêt ! Il est mort. Ça c'est clair et net. Dès que je suis enfin devant eux j'attrape mon reuf par le haut de son ensemble et lui fous une baffe.
— C’est quoi ce que tu tiens dans les mains ???
— Relax, c’est juste des airsoft, me rassure Mamadou.
Je ne l’écoute pas et continue à l’adresse de mon frère :
— Comment ça tu traînes la nuit avec les grands de la cité et un airsoft dans les mains ? Tu t’es pris pour Tony Montana ou quoi ?
Younes touche sa joue en feu due à ma gifle et s'énerve à son tour. Qu'il ouvre sa gueule pour voir, j'aimerais bien rigoler.
— T’étais pas obligé de faire ça ! se plaint-il.
— Je croyais que c’était une vraie arme ! Tu m’as fait peur imbécile !
— T'es une folle dans ta tête ! lance Mamadou, toujours en train de rire.
— Quoi ?
— On parlait tranquille. Y a rien. Tu me connais assez pour savoir que je filerais pas un flingue à un petit quand même. Pourquoi tu le frappe miskine.
— Lui même il sait qu'il a pas le droit de traîner le soir, fais-je en grinçant des dents.
— Mais il a 16 ans. Laisse-lui un peu de liberté au petit.
Mamadou tu sais que je t'aime bien tout ça mais là ferme ta gueule c'est mieux. Ouais bon, je l'ai juste dit dans ma tête parce que sinon il m'aura défoncé.
Younes dit un truc dans sa barbe et rentre chez notre tante en furie.
— Tu l'as humilié miskine, commente Ichem lorsqu’il arrive à notre rencontre.
— Il joue avec le feu, qu'il assume. Bref, tu disais quoi à mon frère, Mamadou ?
— Rien de spécial. T'as pas confiance en moi ?
— Si.
— Bon bah voilà.
Il me tchek pour me saluer et se tire. Je me retrouve une nouvelle fois seule avec Ichem. C'est tendue entre nous depuis ce qui s'est passé la soirée dernière. Je sais pas trop comment m'y prendre avec lui après ça. Ça me rappelle ma situation avec Samir.
— On va se poser ? demande Ichem.
— Hm.
On pars à notre place habituelle en bas de son bâtiment et il sort le matos. On fait rouler les bédo et on fume en silence. Ensuite il se rapproche de moi et tente de m'embrasser mais je le repousse.
— Tu crois c'est si facile ou quoi ? lui dis-je.
— Comment ça ?
— Genre on peut venir ici tous les soirs, fumer à la mort tout ça et ensuite s'embrasser comme si de rien n'était ?
Ichem hausse un sourcil.
— Toi je te comprends grave pas. Tu sais jamais ce que tu veux.
Je réponds pas. J'avoue c'est vrai un peu.
— C'est normal wech, reprend-il. Te prends pas la tête.
— Normal ? Eh déjà à la base je fume pas ces conneries et je fais rien avec les gars.
— Ça c’est parce que toi même t'es un gars. T'essaie tout le temps de jouer le bonhomme.
C’est vrai ça aussi. Je ris et il me suis dans mon fou rire. On commence déjà à être pété là.
— Et toi, Ichem. Parle-moi de toi. À part que tu sois un de nos ien-clar.
— Y a pas grand chose à dire sur moi hein. Je m'appelle Ichem, j'ai 24 ans et je suis DZ. Avec la daronne et ma petite sœur on vient d'emménager ici. J'ai trouvé un taff histoire de gagner de la thune et je me suis fait un pote.
— Qui ça ?
— Toi. T'es plus un pote qu'une pote t'as vu.
— Ah donc toi t'embrasses souvent ton pote ?
— Je rigolais quand je disais ça. Viens on bouge, je commence à avoir froid sa mère.
— Tu veux qu’on aille où ?
— Chez moi. Y a personne ce soir.
Je le fixe d’un air suspicieux.
— Fait pas cette tête ! Je suis pas un pervers.
— On sait jamais avec toi. Je viens à condition que tu me fasse un sandwich.
Ichem se lève.
— T'as rêvé clocharde ! C'est vous qui nous faites la bouffe, pas le contraire.
Quel macho ! Je me lève à mon tour et on entre dans son hall. Ça pue le s**t à plein nez ici. Wahh c'est nous qui sentons ça ? Je renifle mes vêtements pour voir si l'odeur s'en est imprégnée.
— Euh tu fais quoi là ? se marre Ichem.
— Sens moi s'il te plaît.
— Quoi ???
— Viens par là et dis-moi si je sens le s**t p****n.
— Pas besoin de t'approcher pour sentir cette merde sur toi Anna...
Euh, c'était pas la voix de Ichem ça ! On fait volte face. Oh la p****n de sa grand mère la reine des chauves qui fait des striptease à Hawaï.
Je suis clairement dans la merde les gars.