Dans ta rue

 J’avais dix-sept ans. Dix sept ans et demi, pour être plus précise. A l’école en dernière année de lycée, vivant dans une cité du 91. Je devais passer le bac mais l’école et moi c’était pas trop ça. J’en avais marre de devoir me lever tôt tous les matins pour me taper neuf heures de cours où je ne suivais presque rien. J’aurais pu apprendre et travailler comme tout le monde, bien sûr que j’aurai pu le faire. J’avais les compétences, les capacités, une bonne mémoire et même certains professeurs qui m’aimaient bien et qui me poussaient à aller loin.     Sauf que tout le contraire s’est passé. J’ai déçu plus d’une personne, en commençant par ma mère. Avant tout allait bien : je restais à la maison auprès d’elle et mon petit frère à réviser et faire les devoirs, à l’aider dans les tâches ménagères et à m’occuper du petit quand elle devait faire autre chose. En bref, j’étais une enfant modèle. J’avais un avenir.    Mais n***e sa race. Mon avenir est parti en vrille ce jour-là, quand je rentrais de l’école pour commencer un nouveau weekend. On était en fin d’hiver, la première semaine du mois de Février. Ils étaient cinq : Tarek, Nadir, Lounis, Samir et Amadou. Tous des gars qui avaient la majorité. Je connaissais juste Lounis et Tarek de vue, car l’un était mon voisin de pallier et l’autre avait eu une relation avec une de mes potes quand on était en première. Mais à part les bonjours de politesse, on ne se parlait pas. Les autres me disait quelque chose, mais jamais de ma vie j’étais venue vers eux quand ils traînaient en bas de la cité.    J’étais timide, mais ils m’ont mit vite en confiance : —      Bien ? m’a demandé Lounis. —      Oui. —      T’allais rentrer chez toi, là ? —      Oui.     Mes réponses étaient répétitives, parce que je ne savais pas comment m’y prendre avec ces gars là. C’était des mecs de cité, des délinquants, des gars pas net. Des racailles, comme les gens disaient souvent. —      T’as besoin d’argent ou pas à la maison ? —      Quoi ? —      Est-ce que les économies ça se passe chez toi ? Vous avez du  flouss ou vous êtes à sec ? voulu savoir Tarek, la clope au bec.         Je les ai regardés bizarrement. Je ne comprenais pas pourquoi ils me demandaient ça. Mais d’un côté, c’est vrai qu’à la maison, avec maman qui devait s’occuper seule de nous deux sans notre père, c’était pas facile. Alors comme une conne, j’ai répondu que ouais, j’avais besoin d’argent, et c’est là que Tarek m’a dit : —      Dans ce cas, bienvenue dans le club.      J’ai froncé les sourcils et sans plus tarder il a sortit des plaquettes de s**t de ses poches pour me les tendre. —      Tu prends ça et tu caches tout sous ton lit. On viendra te chercher pour que tu nous les redonne dans une semaine. T’as pas intérêt à parler, fait belek. Et si il manque même un gramme, t’auras affaire à nous. Fait juste ce qu’on te demande et on te filera 1300 euros par mois. A présent t’es notre nourrice.     J’avais le choix. J’avais ce p****n de choix qui pouvait me permettre de leur dire non, que je ne voulais pas à voir affaire à leur trafique de drogue. J’étais consciente des risques que je prenais, mais j’étais aussi consciente de ce que tout ça pouvait nous rapporter à moi et ma famille. L’argent représentait la facilité pour tous nos problèmes de loyer non payés. Donc j’ai hoché la tête et je suis remontée à la maison pour tout ranger dans le fond de mon armoire. Sans dire un mot à personne. Sans jamais me faire cramer. Je me suis juste contentée de faire le travail qu’on m’avait proposé, c’est tout.    Aujourd’hui j’ai vingt-et-un ans. Toujours sous le même toit avec la daronne et le petit frère Younes de seize ans. Toujours en relation avec Tarek et les autres.    Et toujours… nourrice.