Entre désir et oubli

1397 Words
La nuit était tombée sur la ville, douce et électrique, comme une promesse suspendue. Cairo attendait devant le restaurant, une main dans la poche, l’autre tenant distraitement une cigarette qu’il alluma toujours. Il leva les yeux lorsqu’Ilaria apparut. Elle portait une robe d’un noir profond, simple mais sculptée sur elle comme une seconde peau. Ses cheveux relevés dévoilaient la ligne gracieuse de son cou, et son regard… vif, sûr, mais curieusement hésitant ce soir-là. — *Tu es magnifique*, souffla-t-il en lui tendant le bras. Le dîner se déroula dans un silence fluide, entre regards brûlants et mots feutrés. Ils ne parlaient pas beaucoup, mais tout dans leurs gestes criait l’envie contenue. À la fin du repas, alors qu’elle faisait tournoyer son verre de vin, Ilaria le regarda et dit simplement : — *Et maintenant ? Tu rentres seul comme d’habitude ?* Un sourire imperceptible naquit au coin des lèvres de Cairo. Il se leva. — *Non. Pas ce soir.* L'appartement de Cairo était sombre, sobre, mais empreint d’un charme brut. Le genre d’endroit où l’on sent que l’homme qui y vit a connu trop de nuits sans sommeil. Il lui versa un verre, sans rien dire. La tension entre eux était palpable, une corde tendue prête à céder. Ilaria s’approcha, posa son verre, et dit d’une voix calme : — *Tu joues toujours au dur… mais ce soir, je veux voir l’homme. Pas le masque.* Il ne répondit pas. Il s’avança, lentement, posa une main sur sa joue. Son regard plongea dans le sien, puis ses lèvres trouvèrent les siennes. Le b****r fut d’abord doux, presque hésitant. Puis plus profond. Plus vrai. Ils se perdirent l’un dans l’autre comme deux âmes fatiguées qui cherchent à oublier — le monde, la guerre, le poids du passé. Il n’y avait ni promesse, ni mensonge. Juste deux corps, deux cœurs, qui se reconnaissaient dans le silence. Dans cette nuit volée au chaos, il n’y avait ni peur, ni fardeaux. Juste Cairo… et Ilaria. Deux solitudes entrelacées sous une lune indifférente. ----- Le matin se leva sur la ville, timide et pâle. Dans l’appartement silencieux de Cairo, une lumière douce filtrait à travers les rideaux. Il s’éveilla avant elle. Assis au bord du lit, il remit lentement sa chemise, évitant de faire du bruit. Ilaria dormait encore, les traits détendus, enveloppée dans les draps froissés de la nuit. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle le trouva debout, une tasse de café à la main, appuyé contre le comptoir. — *Tu as bien dormi ?* demanda-t-elle d’une voix encore endormie, esquissant un sourire tendre. — *Assez,* répondit-il simplement, sans même détourner le regard. Aucune caresse. Aucun mot doux. Juste le silence, et cette distance invisible qui planait entre eux. Elle s’approcha, enfila sa chemise à lui, observa son profil. Il ne dit rien au début, puis, doucement, il prit son visage entre ses mains, la regarda longuement dans les yeux, et l’embrassa tendrement. « C’est comme ça qu’on dit bonjour, » murmura-t-il avec un sourire à peine perceptible. Quelque chose s’était dissipé pendant la nuit — ou peut-être n’avait jamais vraiment été là, mais ce geste fragile trahissait un élan sincère, une attention secrète qu’il ne voulait pas encore dévoiler pleinement. ************* La lumière traversait les grandes fenêtres du quartier des affaires. Cairo et Ilaria arrivèrent ensemble au bureau, leurs pas s’accordant avec une aisance naturelle. Ilaria tenait le bras de Cairo délicatement, un léger sourire illuminait leurs visages, comme si le soleil lui-même s’était levé pour réchauffer leur monde. Ils ne se préoccupèrent pas des regards curieux des collègues qui les croisaient. Pour un instant, ils semblaient à l’abri, comme dans une bulle où seules leur complicité et leur douceur existaient. À chaque pas, leur énergie se mêlait à l’air du matin, apportant une lumière nouvelle dans les couloirs austères du bureau. — *Tu es sûr que tout ira bien aujourd’hui ?* demanda Ilaria en posant doucement sa tête contre l’épaule de Cairo. — *Avec toi à mes côtés, tout est possible,* répondit-il, un sourire sincère éclairant son visage. — *Alors avançons ensemble,* souffla-t-elle, serrant doucement son bras. Ils pénétrèrent dans l’ascenseur, et tandis que les portes se refermaient, Cairo murmura avec conviction : — *Je te promets, Ilaria… un jour, tu seras ma femme.* Un frisson de bonheur traversa Ilaria, son sourire s’agrandit, et elle serra sa main avec tendresse. --- Nora entra dans le bureau, le cœur serré sans vraiment savoir pourquoi. À l’instant même où elle croisa le regard de Cairo, un frisson lui parcourut l’échine. Mais ce n’était pas seulement lui… c’était cette femme à son bras, Ilaria, qui semblait illuminer son monde. Un mélange amer de jalousie et de tristesse s’empara d’elle. Elle détourna rapidement les yeux, serrant les poings pour retenir l’émotion qui menaçait de déborder. Dans un souffle presque inaudible, elle murmura : — *Pourquoi elle, qu'est ce qu'elle a et je l'ai pas?* Pourtant, derrière cette douleur, une flamme nouvelle s’alluma. Une détermination silencieuse de ne pas laisser ce spectacle la briser. Nora inspira profondément, redressant les épaules, prête à affronter sa propre bataille. elle passait en revue ses dossiers du matin, concentrée de toutes ses forces pour ne pas penser à Cairo, ni à Ilaria, venue ce matin-là parfumer la pièce de sa présence légère. La louve en elle grondait, mais Nora étouffait ce rugissement avec une boule dans la gorge. Dans le bureau baigné de lumière, Cairo et Ilaria étaient encore un peu enlacés quand Nora entra, portant deux cafés fumants. Elle s’arrêta net en voyant la complicité évidente entre eux, son cœur se serrant un peu. Ilaria, souriante, regarda Cairo : — *Alors, as-tu réfléchi à la date pour notre mariage ?* ce moment là Nora restée figée, Cairo regarda Ilaria tendrement, prenant sa main : — *Oui, je pensais que ce serait parfait dans trois mois. Assez de temps pour tout préparer, mais pas trop pour perdre notre élan.* Ilaria hocha la tête avec enthousiasme : — *Ça me va parfaitement.* À cet instant, Nora s’approcha doucement, posant les cafés sur le bureau. — *Voici pour vous…* murmura-t-elle, évitant leur regard. Cairo leva les yeux vers elle, un sourire rapide mais chaleureux apparut sur ses lèvres : — *Merci, Nora. C’est gentil.* Ilaria lui sourit aussi, mais Nora sentit un poids sur son cœur, une distance qu’elle ne pouvait ignorer. Nora déposa les cafés sur le bureau, son regard fuyant, ses gestes un peu trop rapides. Ilaria, toujours accrochée au bras de Cairo, l’observa discrètement. Elle ne dit rien. Pas un mot. Mais quelque chose s’inscrivit dans son regard – une intuition, peut-être… un soupçon plus vif que de simples jalousies passagères. Elle reporta son attention vers Cairo, douce et souriante : — *Tu sais, j’aimerais que quelqu’un de confiance s’occupe des papiers du mariage.* Cairo hocha la tête. — *Tu as quelqu’un en tête ?* — *Oui… Nora. Elle est précise, rapide. Je suis sûre qu’elle s’en occupera parfaitement.* Elle prononça son prénom avec lenteur, comme pour tester la réaction de Cairo. Aucun reproche, aucun soupçon dans la voix… juste un choix logique. Apparemment. Mais dans son regard, un calcul venait de naître. Et le jeu venait à peine de commencer. Un peu plus tard dans la journée, alors que le bureau retrouvait son calme habituel, Nora était concentrée devant son écran, triant des documents. La voix grave de Cairo la sortit doucement de sa concentration : — *Nora, tu as un moment ?* Elle leva les yeux vers lui, et malgré son professionnalisme, une lueur passa dans son regard. — *Bien sûr.* Il s’approcha, tenant une chemise beige contenant quelques papiers. — *Ilaria et moi aimerions que tu t’occupes des formalités de notre mariage. Organisation administrative, réservations officielles… ce genre de choses.* Un silence glacial s’installa, à peine une seconde. Mais dans cette seconde… tout bascula. Les mains de Nora tremblèrent légèrement avant qu’elle ne reprenne le contrôle. Elle força un sourire. — *Très bien. Si c’est ce que vous souhaitez.* — *Tu es la personne la plus fiable ici,* ajouta-t-il avec chaleur. — *Je ferai le nécessaire,* répondit-elle doucement, sans le regarder droit dans les yeux. Mais Ilaria, postée un peu plus loin, avait tout vu. Ce battement de cil trop long. Ce léger tremblement. Cette ombre dans la voix de Nora. Elle tourna lentement les talons, un fin sourire en coin. *Le doute était devenu certitude.*
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