1 – Nouveau départ-2

1759 Words
– Ouah ! – C’est splendide ! Tu n’as pas fini d’être émerveillée. C’est encore plus beau que sur les photos d’Éric. – Je reconnais quelques endroits pour les avoir vu sur le Net, ça fait bizarre. Où est-ce qu’on est ? – Woodills Road. Nous ne sommes plus très loin. Arrivés à l’entrée de la ville, je tombai sous le charme de la rue principale et des cottages qui la bordaient. Son style particulier me plaisait beaucoup. – Oh !! Rue Jolie, c’est là! M’exclamai-je. Je savais bien qu’il connaissait l’endroit, pour la simple et bonne raison qu’il en venait. Ceci dit, je ne parvenais pas à contenir mon excitation. – Attends, continuai-je, ne me dis pas où elle est. Je vais la trouver. Là ! C’est celle-ci, avec le toit gris ! La 113 ! Oui c’est celle-là j’en suis sûre. A ce moment, mon frère sortit de la maison, sourire aux lèvres. – Bienvenue Lily ! J’étais une fois de plus émerveillée et surexcitée. Je m’aperçus tout à coup que mes émotions étaient amplifiées. Peut-être était-ce dû à mon « non-atterrissage ». Il fallait dire que pour quelqu’un qui n’avait jamais voyagé, tout cela faisait beaucoup. Et le fait de retrouver mon frère n’arrangeait rien à mon euphorie. – Oh mon dieu Éric ! Attends… dis-je en me raclant la gorge. C’est vraiment très joli, repris-je plus solennellement. Il m’adressa une petite tape dans le dos. – Tu peux visiter, vas-y. T’es chez toi ici. La maison était en bois blanc, comme la notre. Un magnifique petit jardin l’entourait où un immense saule-pleureur trônait en maitre devant l’entrée. A l’intérieur, face à la porte se trouvait l’escalier menant à l’étage. Je les rejoignis au rez-de-chaussée, admirant les moindres recoins. On aurait dit que c’était la première fois que je voyais une maison. J’appréciais ici aussi la même petite véranda qui donnait sur l’extérieur. C’était apparemment typique des maisons Néo-Zélandaises, en tous cas, celles de l’île Sud. – C’est définitif, tout me plaît ici, déclarai-je. – Tu veux boire quelque chose ? Je répondis non en secouant la tête, occupée à m’imprégner des lieux. – Au fait, avant que je n’oublie, dit mon frère, se dirigeant vers une autre pièce. Ça m’étonne que tu ne me l’aies pas encore demandé. Je pensais que c’est ce que tu aurais fait à peine entrée. Il revint, me tendant quelque chose ou plutôt quelqu’un qui m’avait manqué terriblement. – Archimède ! Comment n’y ai-je pas songé plus tôt. Quelle maîtresse indigne je fais ! Mon bébé ! Je serrais mon chat tendrement contre moi. Il avait fait le voyage quelques temps avant nous, sachant qu’il devrait rester en quarantaine un moment. Mon frère s’en était évidemment occupé. – Il est top ce chat. Tu es sûre de vouloir me le reprendre ? – Certaine. C’est mon chat, répondis-je niaisement, baisant le dessus du crâne du félin au pelage tigré noir et fauve. – Allez Lily, assieds-toi avec nous. Viens là que je t’embête un peu, dit Éric en ébouriffant mes cheveux. – Arrête ! Marmonnai-je. J’ai passé l’âge que tu me décoiffes à chaque fois qu’on se voit. – Ne raconte pas de bêtise Lily. Tu es toujours un gros bébé. – Ouais c’est ça, démissionnai-je. – Comment tu te sens ? – Excitée, impatiente et totalement dépassée, répondis-je en m’affalant sur le canapé. – C’est normal. Avec le décalage horaire, et tous ces changements, il te faudra un peu de temps avant d’assimiler tout ce qui t’arrive. Surtout que ce n’est que le début. Ne fais pas cette tête, me dit-il en riant. Pour le moment tu veux découvrir un maximum de choses, mais tu devrais te reposer, tu auras tout le temps de visiter. Je te montrerai la boutique, les lacs, les coins sympas, on va se marrer tu vas voir. En attendant, on devrait se dépêcher de ramener les affaires à maman. Tu as vu comme elle est contente ?! Une fois le pick-up chargé, mon frère prit le volant et nous conduisit vers Shakespeare Road. – J’aurai besoin de ton aide, j’aimerais apporter quelques changements à la salle de bain. Ta mère voudrait qu’on abatte la cloison du bas. Tu me diras ce que tu en penses, lui adressa mon père. Ils discutaient bricolage et tuyauterie pendant que, comprimée entre deux gros cartons, je me laissais bercer par leurs voix rassurantes et le ronronnement du chat, blottit sur mes genoux. J’entendais Éric me héler, sa voix étouffée semblait lointaine. Dans une énième tentative, elle se fit plus forte et j’écarquillai les yeux, réalisant que je dodelinais. Les longs trajets étaient mon point faible. Je ne réussissais que très rarement à rester éveillée, non sans avoir lutté désespérément. Quand la conduite était agréable, que je n’étais pas occupée à parler et que je me sentais en sécurité ou bien en présence de quelqu’un de familier, je m’endormais systématiquement. Éric intervint à temps, connaissant ma faiblesse. – Et bien, c’était moins une, plaisanta mon père. – Moquez-vous ! Ce n’est tout de même pas croyable que je sois incapable de tenir tout un trajet éveillée ! Je ne serais pas un peu narcoleptique sur les bords ? Je commence à me poser des questions. Narcoleptique routière…, méditai-je, tandis que je m’avançai et croisai mes bras entre les sièges avant. – Tu as toujours été comme ça. Déjà quand tu n’étais qu’un tout petit bébé et que tu n’arrivais pas à dormir, ta mère avait l’habitude de t’emmener faire un tour en voiture. Ça marchait à tous les coups, tu t’endormais en quelques minutes. – La prochaine fois je monterai devant. C’est le seul moyen. Au fait, tu crois que tu pourras m’emmener voir où se trouve la fac demain ? Demandai-je à Éric en pianotant sur sa tête. – Oui, si tu ne te lèves pas trop tard, répondit-il, balayant mes doigts d’un geste de la main. – Faudrait savoir. Tu me dis de me reposer, mais tu m’empêches de m’endormir en voiture et de me lever tard. Voyant le regard qu’il me lançait dans le rétroviseur, je lui adressai un sourire forcé. – Tu n’auras qu’à me dire à quelle heure et je serai prête. Il me tarde de découvrir cette ville. Je me demande quels vont être mes amis. Peut-être même que je n’en aurais pas… – Ne commence pas à te mettre la pression inutilement. Bien sûr que tu vas te faire des amis. Ceci dit, je suis curieux de voir quels fous vont oser t’approcher. Je regardai mon père qui n’avait encore rien dit, innocent, et lui lançai un regard accusateur. – Pendant qu’on y est, tu n’aurais rien à ajouter par hasard ? Non, mais comme vous vous acharnez contre moi depuis tout à l’heure, tu devrais en profiter. En attendant, ces « fous » dont tu parles, seront peut-être plus sympas que toi, ajoutai-je, donnant une pichenette sur l’oreille de mon frère qui se garait enfin devant la maison. Nous déchargeâmes les cartons pendant que ma mère préparait le dîner. Voyant Éric s’éloigner vers le portail, elle l’appela et lui ordonna de manger avec nous avant de repartir pour un énième voyage. Il ne se fit pas prier. Ce fut enfin l’occasion de se retrouver tous les quatre autour d’un même repas. Une fois tous les sujets de discussions abordés, quelques fou-rires et le café avalé, Éric repartit, cette fois accompagné de ma mère qui n’avait qu’une seule hâte, voir sa maison. Alors que le moteur du pick-up vrombissait, je courus dans leur direction, m’agrippant à la grille du portail, imitant un air affolé. – Vous n’allez quand même pas me laisser avec l’incroyable Hulk ?! Pitié ! Ne m’abandonnez pas ! Mon père qui avait assisté à mes singeries vint à mes côtés et s’adressa à mes spectateurs, dépité. – Cette fille n’est pas la mienne, je le jure. Éric secoua la tête, amusé. – Allez-y, Hulk va s’occuper de cette cinglée, dit mon père tout en m’attrapant pour essayer de me porter sur son épaule, tel un vulgaire sac de pommes de terre. ∞ Quelques jours plus tard, après m’être familiarisée avec les environs, la conduite à gauche et pris mes repères, je décidai de prendre la voiture. Mon père me la laissait quand il bricolait dans la maison, lassé de me voir faire les cent pas. Il avait finalement choisi une Rover bleu marine qui me donna du fil à retordre les premiers jours. Elle avait malgré tout fini par céder, forcée de reconnaitre qui de nous deux était la patronne. Je voulais faire un petit tour en ville. J’aimais ses bâtiments de style néogothique, si britanniques, avec ses nombreux parcs et jardins. Il fallait aussi m’habituer aux itinéraires qu’il me faudrait emprunter les prochains jours, comme celui de la faculté de Lincoln, à une demi-heure de route environ. Nous étions début février, période de pleine saison ici. Ayant changé d’hémisphère, j’avais du mal à réaliser que nous étions en plein été alors qu’en France, l’hiver était déjà bien installé. Les touristes grouillaient sur les routes et dans les rues. Je savais que Christchurch était une ville animée et j’en eus confirmation. Akaroa connaissait le même sort, la population ayant triplée. Nous n’avions plus vu Éric, trop occupé entre la gérance de son surf shop et toutes les excursions d’éco-tourisme qu’il organisait. Nous attendions que l’agitation touristique se calme pour lui rendre visite et, de toute façon, mon père voulait finir les travaux qu’il avait entrepris depuis notre arrivée. Heureusement qu’il n’y avait eu que très peu de changement à effectuer… Alors que je dépassais le Jade Stadium, j’aperçus quelques sportifs se diriger avec leurs équipements vers l’entrée du stade. J’empruntai au hasard Mourhouse Avenue, mon but étant de trouver la faculté à partir de n’importe quel point de départ. Il fallait que j’apprenne à m’y retrouver, et mon sens de l’orientation laissait à désirer. Il est vrai qu’en choisissant cette avenue, je ne pouvais pas me tromper, où que j’aille. Je suivis ensuite Lincoln Road. Ce n’était pas l’itinéraire qu’Éric m’avait montré, mais comme le nom de cette rue était identique à celui de la faculté, je m’étais dit qu’il devait y conduire. Je choisis de continuer tout droit sur Halswell Road et Tai Tapu Road, puis tournai à droite sur Lincoln Tai Tapu Road. Après tout, il me suffisait de prendre toutes les routes qui portaient le nom de l’université. Peut-être était-ce une très mauvaise idée, mais maintenant que j’y étais, je comptais bien voir où cela allait me mener. Au final, j’eus raison de continuer sur ce chemin, car après avoir dépassé Saint Edward, à quelques pas à peine se trouvait ma destination. Satisfaite, j’observais un instant le grand bâtiment. J’allais bientôt suivre des cours d’anglais à l’université, en deuxième année. Après avoir eu mon baccalauréat, j’avais passé un an à la faculté de lettres dans le sud-est de la France. Je comptais obtenir un diplôme en littérature et civilisation britannique, mais je m’étais finalement rendue compte que mes ambitions frôlaient l’utopie. Je manquais d’argent pour financer mes études, et de motivation. Surtout de motivation. J’avais donc abandonné l’idée de continuer après ma première année obtenue. Je fis demi-tour, voyant le ciel se couvrir et repartis en direction de Philipstown où un bon soda bien frais m’attendait. Une fois à la maison, ma mère me fit signe d’aller vers la salle de bain. Mon père se trouvait dans l’encadrement de la porte. Il avait bloqué l’accès depuis le matin, décidé à en finir avant la fin de la journée. – Tadaa ! Fier de lui et de l’achèvement des travaux, il me laissa entrer pour admirer le résultat. – Alors là… bravo. C’est bien mieux comme ça. Tu m’avais caché ce talent. Tu as fait du bon travail. – Depuis le temps qu’elle demande une baignoire d’angle, maintenant qu’elle l’a elle me reproche de ne pas avoir déménagé plus tôt, répondit-il, faussement bougon, agitant un tournevis avec un peu trop d’ardeur à mon goût en direction de ma mère. – Allez vieux grincheux, lui dis-je, glissant mon bras autour du sien, descends boire une bière, tu l’as méritée.
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