Chapitre 2 Amyliana

849 Words
Chapitre 2 Amyliana Jamais je ne m’étais imaginée vivre la vie que j’ai aujourd’hui, et ce, même si j’avais Aaron à mes côtés. Jamais je ne m’étais dit que la mort qu’on attend serait plus dévastatrice que celle qui nous tombe sur la gueule sans la voir venir. Mais ça, c’était avant lui, avant qu’il n’entre dans ma vie. Parce qu’avec Aaron, j’aurais dû être habituée au fait que rien ne se passe jamais comme je le souhaiterai, que jamais rien n’est simple, que jamais rien n’est certitude, ni même rêves. Avec lui, j’ai fait une croix sur ma vie d’avant, j’ai barré les projets de futur comme on bifferait les mentions inutiles sur un formulaire. Parce qu’aucun avenir commun nous sera possible, malgré l’envie de vivre et l’amour immense qui me lient à lui. Je me souviens encore de ce matin où, semi-éveillée par ses baisers, je l’ai entendu me murmurer « je t’aime, Princesse, ne retiens que ça ». Je lui avais souri avant de replonger dans les bras de Morphée sans comprendre le sens douloureux de ses paroles. Ce n’est que quelques heures plus tard que j’ai su l’atroce réalité qu’il m’offrait. Le lit était vide de sa présence, les draps étaient glaciaux et froissés, me prouvant qu’il avait été bien là mais me dictant par la même occasion que je devais m’inquiéter parce qu’il était parti depuis longtemps. Une heure après que la panique ait semé son trouble dans la maison, les autorités cagoulées débarquaient avec leurs fusils d’assaut, comme si les enfants, Mary et moi étions des dangers prêts à exploser. C’est là, que j’ai compris. Que Mary et moi avions compris. Face aux mots déchirants que me débitait l’agent debout devant moi, je me suis assise sur une chaise de la cuisine. Entre mes paumes, ma tête pesait lourd de pensées funestes que je gardais pour moi, de paroles tues que je ne pouvais pas cracher, de larmes retenues que je ne voulais pas montrer. Ils étaient là pour saisir le matériel du gang, pour nous questionner et moi, j’étais dépitée, honteuse, mais surtout en colère. En colère contre ces flics qui débarquaient chez nous pour v****r mon intérieur autant que pour me retourner l’âme. En colère de savoir que ces deux abrutis qui nous avaient promis la sécurité à tout jamais venaient de se rendre. En colère de savoir que mon A, que mon mec, que le père de mes enfants soit plus stupide qu’intelligent, qu’il ait eu cette étincelle de sagesse alors qu’il n’était doué que pour être méchant. J’étais en colère parce que je ne comprenais pas. Ma première visite à l’enceinte carcérale fut difficile, douloureuse et agonisante. Devant moi s’était dressée une vitre surplombée d’un grillage gris aussi rigide qu’un mur, aussi froid que l’ambiance qui régnait dans ce bâtiment malgré la chaleur étouffante de l’été, aussi rigide que l’homme que je venais voir. Je regardais le siège qui allait accueillir A, avec la boule au ventre, avec les larmes aux yeux, avec la bile dans la gorge que j’étais prête à vomir. Que lui dire ? Que je trouvais son plan très bête ? Que j’étais fâchée ? Que j’étais triste ? Que j’avais la trouille d’avancer sans lui ? Que sa place n’était pas ici mais auprès de moi, de nous ? Je ne savais pas. Je ne savais pas par où commencer, et de quelle façon sortir mes mots sans le blesser plus qu’il ne devait l’être. Quand il est entré dans le parloir, combinaison grise sur le dos et cheveux rasés, je ne savais toujours pas. Aaron s’était assis face à moi, et son soupir las avait déclenché mes premières larmes, mes vraies, mes larmes de désespoir, mes larmes de peine. Mon homme avait minci, il avait l’air fatigué, il avait l’air à cran, il avait l’air éteint, comme si le A de mes souvenirs pourtant encore récents n’existait plus. J’avais fini par décrocher le combiné du téléphone à ma droite, et il en avait fait de même. — Pourquoi ? Ce fut le seul mot qui me vint en premier. Le seul que j’avais réussi à prononcer sans bégayer, le seul qui me ravageait. — Je veux que tu sois heureuse. J’avais ri jaune à travers des larmes aussi abondantes que translucides. — Heureuse ? Sans toi ? En sachant que t’es ici ? Sans oser dire aux gosses où tu te trouves ? T’es sérieux ?! Mon ton était monté, ma voix était devenue aiguë, ses yeux s’étaient rivés aux miens, me défiant de le contredire encore plus que je ne le faisais déjà. — Parce que tu crois qu’en t’offrant une prison dorée c’est mieux ? Tu ne peux pas sortir, tu ne peux pas appeler tes amies, tu ne peux pas t’allonger sur l’herbe du champ qui longe la baraque. Tu ne peux pas faire des courses, tu ne peux même pas te rendre sur la tombe de ta mère, tu peux encore moins respirer sans m’avoir averti de la pièce dans laquelle tu te trouves. Appelles-tu ça le bonheur, Amyliana ? Moi pas. Je veux que nos gosses grandissent dans un autre milieu que celui que j’ai connu, je veux qu’ils sachent ce qu’est la liberté, je veux qu’ils aient des tas de potes, qu’ils sachent que les amis sont ceux qui comptent le plus. Je veux qu’ils comprennent que ça, je le fais pour toi, pour eux, pour vous. Je veux que vous compreniez que ma rédemption est mon ultime preuve d’amour. C’en était suivi une scène digne de A, digne de l’homme qui avait réussi à prendre la première place dans mon cœur même s’il le détruisait chaque jour un peu plus.
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