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Les Caramels à un franc

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Les paysans d'un village français se livrent une véritable guerre des champs...

Au cœur des années 50, dans l’épicerie-café, les paysans commentent autour d’un verre l’arrivée des premiers tracteurs, mais surtout l’ultime épisode de la bataille des parcelles, déclenchée par le remembrement des terres : Fraisset, le braconnier grincheux, pour juguler les appétits du père Pauliat, vieillard avide au passé douteux, aurait, dit-on, fait parler la poudre ! Pour les enfants du village, l’épicerie est un lieu magique… Au sortir de l’école, après les aventures au bord de la Gane – terrain béni des cabanes et des barrages qui font rêver –, on s’arrache un trésor : les caramels à un franc, qui recèlent toute la saveur d’une époque. Pendant ce temps, insensible au troc des lopins, loin des jeux de ses compagnons, la petite Coraline part en cachette sur les traces de son vrai père… Fraisset, l’homme des bois devenu son complice, déroule le fil des confidences et lui révèle la clef de l’énigme qui va bouleverser sa vie.

Les Caramels à un franc, un des premiers romans de Jean-Paul Malaval, publié en 1995, est devenu un best-seller en librairie !

EXTRAIT

Le vieux se détacha du pommier contre lequel il s’était adossé et fit signe à son fils d’approcher pour que le domestique ne puisse entendre ce qu’il avait à dire. D’instinct, Manillot se dirigea vers l’arrière du fardier. Les fers des roues, passage après passage, avaient tracé le long du chemin deux belles rigoles parallèles que l’eau rouille gagnait en abondance jusqu’à former un ruisselet étincelant dans la lumière du soleil.

— J’ai demandé au maire de venir.

— Le maire ? Tu ne l’as pas assez vu ? Tu espères encore qu’il va te prendre sur sa liste aux prochaines élections. Pauvre papa ! Tu te fourres sérieusement le doigt dans l’œil.

Pauliat s’appuya lourdement contre l’épaule de son fils pour enjamber des mottes de terre qui rendaient sa marche chancelante.

— Je me fiche des élections, mon pauvre petit, comme de ma première chemise. C’est de l’avenir de notre propriété qu’il s’agit.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Paul Malaval s'est d'abord consacré au journalisme pendant de longues années avant de se décider à prendre la plume. En 1987, il écrit son premier roman, Deux Journées à Bassora, édité chez Milan. Depuis, les livres s'enchaînent ainsi que les succès en librairie. Il raconte la France pittoresque dans des romans où la terre et les travers humains ont une grande place. Son écriture, aussi forte et incisive dans la tragédie que dans l'humour, a su lui fidéliser de nombreux lecteurs, passionnés autant par les réalités historiques, qui sont la toile de fond de ses romans, que par ses fictions attachantes.

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I-1
ISous le fouet, les deux percherons se cabrèrent et, dans un soufflement de naseaux, remirent en branle le charroi. Au fur et à mesure de son avance, la bille de chêne traçait une profonde traînée dans le tapis de fougères. Pierrot et Christian couraient derrière, évitant d’un pas agile la saignée boueuse. Les deux garnements tentaient de s’asseoir sur la monstrueuse masse de bois et, craintivement, s’en éloignaient quand elle se remettait à avancer dans un raclement sinistre. Sur leurs petits doigts, ils comptaient les points de ce fabuleux exploit. Gilles Pauliat tenait fermement l’attelage, à la bride, le regard porté vers la grume. Au moindre faux pas, la charge engagée trop vite sur la pente eût dévalé et brisé les pattes des chevaux comme un rien. À quelques dizaines de mètres de là, dans le milieu du chemin des Rocs, le fardier attendait comme une grosse sauterelle. Manillot, le domestique, était appuyé contre le joug, les bras passés entre les cornes des bœufs. Soudain, la bille se mit à rouler sur elle-même, entortillant la chaîne qui cliqueta de tous ses anneaux. — Oh ! là ! là ! hurla Gilles, arc-bouté sur les brides pour accélérer l’allure des percherons. La grume partit de travers, fauchant dans sa dégringolade une cépée de châtaignier et vint bouler, pointe en avant, dans le creux du chemin, bousculant les chevaux qui se cabrèrent. La chaîne se retendit à tout rompre et la bille arrêta sa course. Manillot, d’une pichenette, repoussa le béret sur sa nuque. — D’un peu plus, gars, on la perdait, fit-il en dégageant les paquets de fougères et de terre amassés autour du crochet. Gilles haussa les épaules : — Toi, t’as toujours peur de tout. Au lieu de geindre, ça aurait été plus malin de venir m’aider. Foutredieu ! c’est vraiment pas la peine d’avoir un domestique à demeure. Ah ! ça risquerait pas ses abattis pour un patron. Pas vrai, Manillot ? Les enfants, montés sur la bille, allaient et venaient en tendant les bras à l’horizontale comme des équilibristes. — Allez, les loupiots, descendez de là, ordonna le domestique. C’est pas un endroit pour jouer. Si ça roule, ça fera des jambes cassées. On n’a pas besoin de ça. Nom de Dieu ! non… Gilles regardait la scène avec amusement tout en épongeant la sueur sur son visage. Il ne l’avouerait jamais, mais il avait eu une sacrée frousse. La pièce de chêne qu’il venait d’amener sur le chemin pesait bien ses trente quintaux. Manillot, après l’émondage, avait suggéré à son jeune patron un peu fou qu’on la divisât en deux par commodité. Mais le propriétaire avait rejeté vigoureusement l’idée en mesurant la qualité de la bête. À la scierie, ça donnerait des tirants d’au moins quinze mètres, de quoi faire de la belle charpente. Après le différend, le domestique s’était bien juré de se tenir à l’écart de la manœuvre. C’est pas le jour, se dit-il, à attraper la malemort pour une bêtise pareille… D’un fort coup de talon, Manillot dégagea le crochet, tandis que Gilles amenait le fardier sur la pièce de bois. Une fois celle-ci arrimée au cabestan, le jeune homme sauta sur le timon du binard et, avec force biceps, engagea la manivelle sur la crémaillère jusqu’à ce que la charge se trouvât enfin suspendue en l’air. Depuis le début du jour, c’était le sixième tronc que l’on débardait ainsi, des hauteurs du bois des Rocs jusqu’au chemin des Vieilles Vignes. Et la besogne était loin d’être terminée : une trentaine de beaux chênes, droits et fiers, marqués d’une entaille à la hachette, attendaient le passe-partout. Le jeune paysan de Galiane-sur-Sévère eût certes préféré qu’on expédiât à terre ces arbres à la suite. Mais le domestique réfrénait sans cesse les excès de cette jeunesse impétueuse en laquelle il voyait déjà, du haut de ses soixante années de lourd labeur et de rudes expériences, les prémices d’une agriculture moderne où l’on sacrifierait la belle ouvrage au rendement. Au fur et à mesure qu’avançait la coupe, on nettoyait le sous-bois ; d’un côté les bûchers construits avec la méticulosité d’une maçonnerie et, de l’autre, un grand feu nourri par les petites branches. Ces corvées avivaient la colère de Gilles Pauliat. Il y voyait une perte de temps sans nom alors que de belles terres à peine retournées et hersées attendaient les semailles. Les bœufs, peinant sous le joug, mirent le convoi en mouvement. Avant de parvenir aux hauteurs déboisées des Vieilles Vignes, au-dessous desquelles s’étalait la ferme des Pauliat, il y avait un bon kilomètre de sous-bois épais où régnait une grande fraîcheur mêlée aux odeurs fortes des humus. Cette fraîcheur d’après-midi, humide et froide, n’empêchait pas l’activité de petites mouches brunes excitées par les animaux, collées en grappes autour de leurs naseaux. Le patriarche attendait, depuis une heure déjà, au débouché du chemin de terre, à la lisière de la forêt dans laquelle il ne mettrait sans doute plus jamais les pieds de sa vie. Depuis sa première attaque, l’automne dernier, Édouard Pauliat ménageait ses forces. Économe du moindre mouvement qui eût accéléré son cœur usé, il espérait retarder la fatale issue qu’il redoutait en silence. La crise lui avait laissé, en prime, une bouche légèrement de travers, une diction postillonnante qui l’obligeait à chaque instant à porter un mouchoir aux commissures de ses lèvres pour éponger une salive incontrôlée. L’oreille aux aguets, il avait suivi la scène, tout sourire d’entendre son fils admonester le domestique. Celui-là, pensa-t-il, aura été à bonne école ! Devançant l’attelage soumis au pas lent des bêtes de somme, les enfants émergèrent les premiers dans les jambes du vieux Pauliat. Adossé à un pommier à cidre, il dressa sa canne en direction du petit Christian, qui recula craintivement. Mais, à voir rire le vieil homme, le gamin comprit qu’il ne lui voulait aucun mal. — Tu es bien le fiston du maire, toi ? Le gouillat des Lafon ? L’enfant se tourna vers son compagnon, Pierrot Franchet, comme s’il voulait obtenir l’avis de celui qui passait pour le chef de la b***e. Il acquiesça alors d’un petit mouvement de tête, gardant sa mine renfrognée de sauvage qu’il se composait par timidité chaque fois qu’on lui demandait quelque chose. — C’est bien vrai que c’est là tout le portrait craché du papa, s’amusait Édouard Pauliat en le scrutant par le détail. Le vieux fit deux ou trois pas en boitillant vers le garçon. — Tu es bien à un âge maintenant où l’on peut te confier une commission, n’est-ce pas ? Alors, tu diras à ton père qu’il passe me voir au plus vite. J’ai une chose importante à lui demander. Tu n’oublieras pas ? Les deux garnements partirent en courant dans la plantation des pruniers de plein vent, dont quelques branches cassées, pendant de-ci de-là jusqu’à terre, attestaient la violence de l’ouragan de la semaine précédente. Le vieux les suivit du regard en hochant la tête. Et quand leurs frêles silhouettes eurent disparu derrière la barre, dans les hautes herbes, il se mit à ruminer le temps où il faisait l’école buissonnière pour aller poser des pièges à grives dans La Combe. Depuis que ses jambes ne le portaient qu’au prix de mille difficultés, il ne rêvait plus qu’à des promenades jusque dans les coins les plus reculés de sa vaste propriété. Il se souvenait des plus petits détails, même le goût pâteux et sucré des nèfles qu’il allait déguster aux automnes dans les Parjadis. Ce néflier, que son arrière-grand-père avait planté, était le seul spécimen qu’il possédait sur son domaine. Et souvent, dans les nuits d’insomnie quand son malheureux cœur s’emballait et qu’il se demandait à chaque inspiration s’il n’allait pas rendre l’âme, il pensait à cet arbre aux vastes ramures dont les fruits tapissaient le sol et qu’il fallait dénicher sous l’herbe à chat. Était-il encore debout ? Ou le dernier ouragan avait-il fini par avoir raison de lui ? Il savait qu’il ne regagnerait jamais assez de forces pour se rendre du côté des Parjadis, à moins qu’il ne décidât son fils à l’y porter dans ses bras robustes. Mais un Édouard Pauliat était trop fier pour exiger une telle corvée de ses proches, trop fier et trop orgueilleux, deux sentiments qui avaient gâché son existence. Parvenus au talus surplombant la route des Vieilles Vignes, les enfants se laissèrent glisser à croupetons dans le passage de terre battue, tracé et façonné par moult culottes des garnements du village. — Je me demande bien ce que veut ce grigou à ton père, dit Pierrot. — C’est des choses d’adultes assez compliquées, rétorqua Christian en remisant dans sa poche le lance-pierres qui venait de s’en échapper lors de la descente sur le toboggan de terre. — Moi, ajouta Pierrot, ce bonhomme, je l’aime pas beaucoup. — Personne l’aime à Galiane, précisa Christian en haussant les épaules. C’est à cause qu’il était du côté des Boches pendant la guerre… — Je me suis assis dix-huit fois sur le chêne, coupa Pierrot. Et toi, seulement douze. — Treize, rectifia Christian. — Douze ou treize, ça change rien. Tu as perdu. Ce qui veut dire, mon gars, que je suis toujours le chef. Le jeune Lafon avança sur la route en zieutant les belles tasses vert bouteille de la ligne électrique. Depuis le temps qu’il rêvait de s’en payer une au lance-pierres… À coup sûr, cet exploit lui ferait gagner un galon dans la fameuse b***e des Éperviers. — Bon, se décida-t-il soudain, je vais rentrer à Chantemerle. J’ai ma récitation à apprendre. Comme il commençait à s’éloigner, Pierrot, les mains en porte-voix, lui cria : — Hé ! vieux, tu n’as pas oublié pour demain ? Faut finir la cabane. — Ouais-ouais. — Hé ! reprit le petit Franchet, promis ? À deux heures pétantes ! D’ac ? — D’ac… En découvrant son père à l’orée du bois, Gilles émit un râle de courroux. Décidément, se dit-il, faut toujours qu’il soit dans mon dos, à me surveiller. C’est à moi, maintenant, d’assurer la relève. Depuis la maladie, le fils entendait de plus en plus imposer ses vues pour tracer l’avenir. Cette perspective-là n’était pas du goût d’Édouard qui voyait, dans ce présage, le double signe d’un proche déclin de son pouvoir de maître du domaine, et de la mort. Car, se répétait-il dans son for intérieur, quand un homme ne commande plus sur sa propriété, il n’est plus rien. Aussi, depuis quelques semaines, il ruminait une affaire qui devrait lui rendre sa pleine autorité de patriarche et faire comprendre à son entourage que le couvercle du cercueil n’était pas encore posé sur sa nuit éternelle. — Tu ne serais pas mieux, à la maison, avec ce vent ? déplora Gilles. Manillot détestait la manière dont on traitait son vieux patron. Aussi commit-il un léger mouvement de défense en venant se placer entre les deux hommes, comme si le jeune eût risquer quelque geste à l’encontre de son père. Idée saugrenue, certes. Gilles, s’il manquait d’ordinaire de tact, n’était pas ce fils irrespectueux qu’on pouvait craindre. — Je ne suis pas encore mort ! jeta le vieux en prenant un air grave où se lisait le défi. Et je te montrerai, mon petit, que ton vieux père, s’il n’a plus toutes ses jambes, a encore la tête sur les épaules. Agacé, Gilles revint vers ses bœufs et, machinalement, testa la tension des lanières de cuir sur le joug. — Qu’est-ce que tu mijotes encore ? Le vieux se détacha du pommier contre lequel il s’était adossé et fit signe à son fils d’approcher pour que le domestique ne puisse entendre ce qu’il avait à dire. D’instinct, Manillot se dirigea vers l’arrière du fardier. Les fers des roues, passage après passage, avaient tracé le long du chemin deux belles rigoles parallèles que l’eau rouille gagnait en abondance jusqu’à former un ruisselet étincelant dans la lumière du soleil. — J’ai demandé au maire de venir. — Le maire ? Tu ne l’as pas assez vu ? Tu espères encore qu’il va te prendre sur sa liste aux prochaines élections. Pauvre papa ! Tu te fourres sérieusement le doigt dans l’œil. Pauliat s’appuya lourdement contre l’épaule de son fils pour enjamber des mottes de terre qui rendaient sa marche chancelante. — Je me fiche des élections, mon pauvre petit, comme de ma première chemise. C’est de l’avenir de notre propriété qu’il s’agit. Gilles fronça les sourcils. Décidément, il n’aimait pas ces façons autoritaires. La propriété n’était-elle pas désormais, à part entière, son affaire ? — Écoute, papa ! Tu ne devrais penser qu’à ta santé, maintenant. — Je veux remembrer, nom de Dieu ! remembrer, jura-t-il, les yeux exorbités. Si on ne se met pas sur les rangs, on va encore passer à côté. Le vieux se retourna pour vérifier que le domestique n’avait pas entendu ce mot fatidique qui avait l’inconvénient, une fois prononcé, de se répandre comme une traînée de poudre dans le pays et de faire naître mille convoitises, mille jalousies. — Et avec qui ? — Fraisset. — Fraisset de La Nadalie ? — Pas si fort, animal… — Mais il ne voudra jamais, ce fainéant ! — C’est ce qu’on verra ! jura Pauliat en cherchant sa respiration loin dans les tréfonds de sa carcasse agitée de tremblements nerveux. La seule perspective de devoir se battre pour améliorer le profil de son domaine l’emplissait d’une excitation sans bornes. * * * La forêt de La Nadalie s’étendait sur une centaine d’hectares en une interminable succession de chênaies et de châtaigneraies. Dans la géographie du pays, formée de pâturages et de plantations de fruits, de champs de maïs et de primeurs, elle constituait un singulier contraste d’espace indompté par la main de l’homme. La Sévère, grossie par deux ruisseaux, la Lierre et le Fraux, dont le cours était soumis aux caprices des saisons, la traversait de part en part, paisiblement, roulant son écume argentée sous l’ombre d’ormeaux centenaires.

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