Le Refus
Carmen
Le matin se leva lentement, mais la lumière n’apporta aucune chaleur à mon esprit tourmenté. Toute la nuit, je m’étais retournée dans mon lit, l’esprit agité par les mots de Dante, par cette proposition qui ne cessait de résonner en moi. Devenir sa maîtresse, une idée à la fois séduisante et abominable. Loin d’être une simple offre, il s’agissait d’un choix décisif, une ligne à franchir d’un côté ou de l’autre. Et je savais, au plus profond de moi, qu'accepter reviendrait à me soumettre totalement à lui. À devenir une pièce de son jeu, une marionnette entre ses mains.
Mais l'idée d'être ainsi contrôlée, d'abandonner tout ce que j'étais pour ce pouvoir dérangeant, me révoltait. Je n’étais pas prête à cela. Pas encore.
Je me levai en silence, me dirigeant vers la fenêtre, observant les premiers rayons du soleil qui effleuraient les toits de la ville. La journée semblait comme une toile vierge, prête à être remplie de choix, de décisions. Et je savais que la mienne serait décisive.
Une partie de moi se demanda si je pouvais le manipuler, jouer son jeu sans perdre mon âme. Mais je savais, au fond, que le prix à payer serait trop élevé.
Je pris une longue inspiration et me préparai à lui faire face. Ce ne serait pas facile, je le savais. Un simple non ne suffirait pas. Il verrait dans mon regard la décision que j'avais prise, et il la respecterait ou il tenterait de me pousser à changer d’avis. Mais quoi qu'il arrive, je ne pouvais pas accepter.
Je me rendis à la salle où il m’avait rencontrée la veille. Il n’était pas encore là, mais la tension palpable de l’endroit m’indiquait que ce n’était qu’une question de temps. Je m’assis dans l’une des chaises en cuir, essayant de calmer les battements de mon cœur. Chaque minute semblait s’étirer, suspendue à la décision qui allait définir mon avenir.
Quand il entra enfin, ce fut comme si le temps se figeait de nouveau. Dante n’avait pas changé. Il était toujours cette présence magnétique, imposante, mais aussi dangereuse. Il me fixa un instant, scrutant mon visage comme s'il cherchait déjà à en lire la décision. Il se dirigea vers le fauteuil en face de moi, s’y installa avec cette nonchalance calculée qui l’accompagnait toujours. Il savait exactement ce qu’il faisait, ce qu’il attendait.
"Alors," commença-t-il, d’une voix calme mais teintée d’une certaine impatience. "As-tu pris ta décision, Carmen ?" Ses yeux étaient perçants, scrutateurs, comme s’il voulait détecter la moindre hésitation dans mon regard.
Je pris une respiration lente, me redressant dans mon fauteuil. Le moment était venu. L’atmosphère semblait saturée de cette promesse de pouvoir, d’ambition et de contrôle. Mais j’étais décidée.
"Non," répondis-je fermement, en le fixant droit dans les yeux. "Je refuse."
Son regard se fit plus froid, plus calculateur. Il n’avait pas été surpris, mais il semblait s’attendre à autre chose. Peut-être à un petit geste de faiblesse, une lueur de doute dans mes yeux. Mais je n’allais pas lui offrir ce luxe. J’étais là, devant lui, prête à affronter ce qui allait suivre.
Il resta silencieux, un sourire presque imperceptible se dessinant sur ses lèvres. Un sourire qui, je le sentis, n’était pas celui de la défaite, mais de la réflexion. Peut-être mes paroles ne l’avaient-elles pas atteint. Peut-être avait-il déjà anticipé mon refus. Mais ce n’était pas cela qui m'intéressait.
"Tu as bien réfléchi ?" demanda-t-il finalement, sa voix devenue plus basse, plus profonde. "Parce que, crois-moi, ce que je te propose est une chance, Carmen. Une chance que peu de gens dans ce monde auraient. Mais à toi de voir."
Je savais qu’il cherchait à m’influencer, à faire naître un doute. Mais je n'étais pas là pour céder.
"Je n’ai pas besoin de tes chances," répondis-je, la voix claire, sans trembler. "Je suis capable de réussir seule. Et je refuse de me perdre dans ton jeu de pouvoir."
Il se leva lentement, observant chaque geste que je faisais, chaque nuance de ma voix. Il ne sembla pas énervé, mais son regard se durcit. Je pouvais voir dans ses yeux une lueur d’admiration, mais aussi de déception. Ce n’était pas un homme qui savait accepter un refus, mais il avait l’air de respecter celui-ci. D’une certaine manière, il savait que je n’étais pas comme les autres.
"Tu es plus courageuse que je ne le pensais," murmura-t-il, son regard se perdant un instant dans le vide. Puis il sembla revenir à lui-même, comme un prédateur qui évaluait sa proie, qui décidait de l’étape suivante. "Tu as fait ton choix, Carmen. Mais souviens-toi bien d’une chose : dans ce monde, personne ne refuse impunément une offre comme la mienne."
Je ne répondis rien, sentant une nouvelle vague de tension s’élever dans la pièce. Il me scrutait toujours, analysant chaque mouvement, chaque pensée qui pouvait se cacher derrière mon visage.
Finalement, après un dernier moment de silence, il tourna les talons, s’éloignant d’un pas tranquille, mais lourd de sens. Avant de franchir la porte, il s’arrêta une dernière fois.
"Tu crois que tu peux y arriver seule ?" dit-il, sa voix calme mais pleine de menace. "Très bien. Mais n’oublie pas que ce monde ne fait pas de place aux rêveurs solitaires. Ce n’est qu’une question de temps avant que tu te rendes compte que je t’avais offert bien plus que ce que tu mérites."
Puis il disparut derrière la porte, me laissant seule avec mes pensées.
Je restai là un moment, le cœur battant, une étrange sensation d'acier dans la poitrine. Il n’avait pas réussi à me faire douter, pas cette fois. Mais je savais que le refus avait posé une nouvelle frontière. Un nouveau jeu venait de commencer. Et cette fois, je n’étais pas prête à céder. Pas encore.