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645 Words
2 Gonzague s’interrogea brièvement sur l’éventualité d’aller présenter ses hommages du matin à sa belle endormie… Lorsqu’elle apparut sur le pas de la porte de la cuisine, dans un paréo mauve et blanc, lui donnant un air de sylphide égarée… Après un tendre bonjour « Honey » ! (Gonzague l’appelait ainsi, lorsqu’il voulait emporter son approbation…) lui caressant la joue, il lui murmura : — Ma douce, jeudi matin, nous devrons nous rendre Marius, Elefther et moi-même à Lyon ; nous serons absents pour la journée et rentrerons dans la soirée. Nous irons à Saint-Jean, où réside l’ancien gardien des « Florets » je voudrais bien m’entretenir avec lui. — Mais mon amour, cela ne peut-il attendre la fin de notre séjour ? Nous sommes à peine arrivés et déjà tu veux t’absenter… — Oui Emma, – changeant presque de ton –, je suis catégorique, il faut traiter maintenant cette affaire, la tirer au clair au plus vite ! Marius et Elefther me font l’amitié de m’accompagner et j’aurai, je l’espère, quelques réponses aux questions qui me tourmentent. Leurs avis me seront précieux ; je t’ai déjà dit l’importance de ma découverte ! Devant le ton péremptoire et inhabituel, Emma souffla, sachant qu’elle devait se résigner et n’insista pas davantage. Ils s’avancèrent vers le « Petit Café », où la table du petit déjeuner encore dressée, attendait toujours que les derniers levés soient servis. Même à peine réveillée, Emma ne perdait pas ses habitudes d’entière dévotion à son homme. Elle s’empressa de lui resservir une tasse de thé, avant de penser à le faire pour elle-même… Léna et Marius observaient toujours cela d’un œil surpris ; regard dubitatif de Léna face à ses convictions féministes, et regard quelque peu envieux de Marius face aux siennes… Mais là, est un autre sujet… Se tournant vers Marius, Gonzague le prévint que son ami commissaire de police, Marcel Rochefort, prendrait part à leur déjeuner. Bien que la perspective de connaître enfin ce Marcel, dont il entendait parler depuis longtemps en termes élogieux, le ravisse, celle de savourer quelques spécialités lyonnaises l’emportait certainement sur cette intéressante, mais moins gourmande rencontre… Mais surtout, Marius pressentait qu’une histoire peu ordinaire et sûrement remplie d’événements insolites allait se jouer .... Cette décision prise, chacun se retira à l’ombre de Chronos dans les transats de toile et se plongea dans des lectures, dont la bonne littérature supportait aisément la concurrence… Midi sonna au carillon de la cuisine. Le son de cette vieille pendule était si percutant qu’il était entendu jusque sous le chêne. Marius se leva subitement, se souvenant qu’il avait oublié de mettre l’eau au frais pour le pastis. Jetant sa revue sur le côté, il s’empressa d’aller réparer cette erreur majeure, taxée en Provence de la pire des fautes de goût… Boire un pastis sans eau fraîche est un crime de lèse-majesté ! L’erreur corrigée, sans laisser le temps à Marius de revenir s’asseoir, le klaxon de la voiture du facteur avertit de sa venue depuis le bout du chemin. Bien sûr, pour laisser quelques plis, mais aussi tenter en la présence des hôtes, de se faire offrir quelque boisson bien provençale… Par la fenêtre ouverte de son véhicule, tout aussi discret que lui, le facteur lança : — Y a-t-il chez vous, monsieur Marius, un certain Gonzague de Villemarchand ? J’ai une lettre pour lui depuis hier, et vous n’étiez pas là ! Alors je viens aujourd’hui, ce n’est pas grave, hein, monsieur Marius ? À l’énoncé de son nom, nullement surpris de recevoir du courrier chez ses amis (Gonzague avait demandé aux services postaux une réexpédition durant ses congés), il se dirigea vers l’émissaire postal. Faisant mine de croire à son méridional mensonge sur l’absence des propriétaires, il prit sa correspondance et le remercia. — Cher facteur, je reçois quotidiennement beaucoup de lettres, aussi soyez sans crainte, à l’heure de vos passages, je serai bien présent… Sinon, laissez-les dans la boîte ! — Ah bon ! Il va falloir que je vienne tous les jours ! Oh Bonne Mère ! Marius, habitué à la fantaisie de son homme de lettres… d’une tape sur l’épaule, et d’un ton complice l’assura de sa confiance envers son sens du devoir ; sens du devoir qui n’était peut-être pas à l’aune de son goût pour l’élixir parégorique…, mais sur lequel il était quand même possible de compter ! Un « brave homme » dit-on en Provence. Le facteur repartit, déçu de ne pas avoir été convié à l’apéritif.
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