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Les choses se sont passées tellement vite : deux jours plus tard, je devins Mme Cissé. Comme mon père l’avait souhaité, nous n’avions pas fait de fête. Les oncles étaient venus discutés et décider d’une date avec mon père mais ce dernier avait décidé de sceller le mariage directement. Mon père m’a fait quitter le boulot plutôt en m’expliquant les raisons. Eh oui, j’étais allée travailler étant célibataire et le soir, je me suis couchée, mariée. C’était incroyable. J’avais pris le temps de téléphoner à Maty en route. Ramata était déjà à la maison. Papa lui avait déjà parlé de ses intentions contrairement à moi. Il m’avait mise devant le fait accompli car il savait pertinemment que je lui aurai demandé d’attendre un autre jour. Il n’avait pas tort. Mais bon, ce qui est fait est fait et faut dire que cela ne m’avait pas déplu. Un peu plus tard, Jules vint accompagné de Farba, son meilleur ami et de ses petites sœurs. A un moment donné, j’eus le cœur très serré. Je pensai à ma maman. J’aurai tant aimé qu’elle soit là. Je sais qu’elle avait rêvé de ce jour plus d’une fois. Je me suis toujours demandé ce que papa avait ressenti lorsque maman est parti et aujourd’hui que je le vis, je me rends compte qu’il était vraiment fort. On a beau nous consoler, nous dire que c’est la volonté divine, qu’il faut tenir bon mais je vous jure que c’est beaucoup plus difficile que vous ne le pensez. C’était comme si on m’avait retiré une partie de mon cœur et de mes poumons. J’espérais chaque jour que tout cela était un cauchemar et que je finirai par me réveiller, mais le cauchemar ne se termine jamais. Mon téléphone se mit à sonner, c’était ma sœur. Elle m’informa que ma belle-mère était chez elle. Je dus donc écourter mon histoire et retourner chez Ramata. J’avais le cœur qui battait fort. Je ne savais pas comment elle réagirait. Me reprochera-t-elle la mort de son fils ? ou sera-t-elle de mon côté ? Je me mis à filer comme une dingue. La circulation me rendait dingue. Je n’arrivai que trente minutes après. Elle était là. Assise dans le salon, un énorme chapelet à la main et portant des noirs fumés. Elle se leva dès que je rentrai dans le salon. Je m’attendais à ce qu’elle me gifle ou me traite de tous noms d’oiseau. Mais ce fut tout le contraire. Elle me prit dans ses bras et se mit à pleurer. Elle avait perdu un fils mais j’avais perdu un époux, un ami. Elle était venu me soutenir. Je m’assis à ses côtés et lui prit la main : -Moi : Maman, c’est dur. Jules ne m’a jamais appris à vivre sans lui. Et comme si cela ne suffisait pas, la police veut me coller le meurtre sous le dos. Cela la mit en rogne : -Yaye : Il faut être forte. Tu connais la société. Tu entendras toute sorte de chose blessante, malheureusement la société est ainsi faite. Elle indexe rapidement les gens. Remets toi en à Dieu afin qu’il te donne le courage de surmonter cette rude épreuve. As-tu une idée de quand on pourra enfin enterrer mon fils ? Je ne mange plus, je ne dors plus ! Tout ce que je veux c’est que son âme puisse reposer en paix. Ils sont en train de charcuter le corps de mon bébé. Je ne savais même pas quoi répondre à cela. Tout ce qu’elle voulait c’est accompagner son fils unique jusqu’à son ultime demeure et l’autopsie ne faisait que retardait cela. Jules ne méritait pas ça. Yaye avait pris un coup de vieux depuis l’annonce du décès de son fils. Jules était très proche d’elle. Il avait également beaucoup fait pour elle. Qui prendrait maintenant soin d’elle ? Toutes mes belles-sœurs sauf Oulimata m’envoyaient de SMS pratiquement chaque jour pour voir si je tenais le coup, pour me soutenir. Oulimata à ce qu’il parait disait à qui voulait l’entendre que j’avais assassiné son frère parce qu’il m’avait dit qu’il comptait prendre sa meilleure amie comme deuxième femme. Elle et moi savons très bien que c’était faux. Cela me faisait tellement mal. Je déposai Yaye jusqu’à chez elle et en profitai pour discuter un peu avec Coumba et Amy Collé avant de rentrer. Tout le monde souffrait à sa manière. Ce malheur qui s’était abattue sur nous, nous avait gâché l’existence. Je montai rapidement dans ma voiture et mis la radio en marche pour ne pas dormir au volant, tellement j’étais lessivée. A ma grande surprise, ils parlèrent de la mort de Jules à la radio : -Le 1er journaliste : Mansour, maintenant nous allons parler du meurtre du célèbre diabétologue, Souleymane Cissé. Il a sauvagement été assassiné à son domicile, à coups de couteau. -Le 2ème journaliste : En effet, Pape et la police refuse de s’avancer sur l’affaire pour l’instant mais selon une source, nous avons appris que c’est son épouse qui la suspecte n°1 dans cette affaire. -Le 1er journaliste : Apparemment, le couple rencontrait de nombreux problèmes et le mari projetait de lui trouver une Co épouse. Je me mis à m’adresser à eux en criant comme s’ils pouvaient m’entendre : -Moi : Mais c’est faux. A chaque fois que Jules parlait de prendre une deuxième, c’était juste pour rire et en plus qui tuerait juste pour ça ? Énervée, je téléphonais à mon avocat puis lui demanda d’écouter la radio en lui précisant que je souhaitais porter plainte contre ces journalistes. Vous imaginez-vous que tout le Sénégal écoute cette émission ? Je n’oserai même plus sortir. Les gens me regarderont de travers. Pourquoi n’avoir pas vérifié la véracité de ces informations avant ? Ils venaient de détruire injustement ma vie. Je ne voulais même pas rentrer chez ma sœur. Je voulais juste sauter d’un pont. C’est moi qui aie perdu le père de mes enfants. On dirait que cela ne compte pas. J’étais celle que tout le monde montrait du doigt. J’avais tourné en rond pendant plus de deux heures. Ramata et Ibou se faisaient un sang d’encre pour moi. Ils n’avaient pas arrêté de me téléphoner ; Je ne voulais parler à personne. Je me décidai à rentrer que très tard. Ma sœur et son mari étaient assis au salon et attendaient que je rentre. J’ouvris doucement la porte et fonçai vers la cuisine. Il me fallait boire un verre d’eau tellement j’avais la gorge sèche. Ramata et Ibou vinrent me rejoindre. Ma sœur était hors d’elle : -Ramata : Où étais-tu Dieyna ? nous nous faisions du soucis pour toi. Pourquoi ne nous as-tu pas rappelé ? -Moi : J’avais besoin d’être seule Ramata. Tu peux comprendre ça ? Sais-tu seulement ce que ça fait de d’abord perdre son mari, ne pas pouvoir l’enterrer pour les besoins de l’enquête et d’être traitée de meurtrière ? Ibou nous laissa seules. Il remonta se coucher après avoir chuchoté quelque chose dans l’oreille de ma sœur. -Ramata : Je sais que je ne peux que compatir à ta douleur, mais ce n’est pas une raison pour m’exclure. Tu es ma petite sœur et je me dois de veiller sur toi. Ce que disent les gens n’a pas d’importance, tout ce qui compte c’est la vérité à savoir que tu es innocente. Alors ne les laisse pas détruire ta vie stp. Ma sœur avait raison. Elle me serra dans ses bras avant d’aller se coucher. Je montai à l’étage et fis un stop dans la chambre de mes bébés pour voir s’ils allaient bien. Ils dormaient profondément. Je fermai doucement la porte et alla me mettre au lit. Je ne pris même pas le soin de retirer la tenue traditionnelle que je portai. Tout ce que je voulais, c’était dormir. J’avalai un de mes somnifères puis me laissa tout doucement emporter par Morphée. Le lendemain matin, je fus réveillée par le vibreur de mon téléphone. Maître Diop ou Mohamed, qu’importe avait essayé de me joindre à deux reprises. Je me brossai les dents puis prit une douche. Je le rappelai ensuite : -Mohamed: Ah Dieyna enfin! Il faut que l’on se voie. -Moi : Que se passe-t-il ? Tu me fais peur là. -Mohamed : Les nouvelles ne sont pas très bonnes. Je suis en route pour chez vous. Je t’expliquerai une fois sur place. -Moi : Ok ça marche. J’enfilai quelque chose puis descendit. Ma sœur avait eu l’intelligence d’emmener les enfants chez leur grand-mère. Je ne pouvais attendre l’arrivée de mon avocat. Il fallait que je sache ce qui se passait alors je mis à interroger Ramata : -Moi : Dis-moi que se passe-t-il ? Mohamed avait l’air très bizarre au téléphone. -Ramata : Je n’en sais pas plus que toi. Il m’a juste demandé si tu étais à la maison ou non car il avait besoin de te voir et que c’était urgent. Je lui ai donc proposé de venir ici. A peine eut-il fini que l’on sonna. La femme de ménage l’installa au salon avant de venir nous chercher. Je laissai mon petit déjeuner puis alla retrouver Mohamed. -Moi : Que se passe-t-il hein ? Mohamed me fit un signe pour me demander de m’asseoir. Ça ne sentait pas bon du tout. Il attendit que Ramata vienne nous rejoindre pour nous expliquer la situation : -Mohamed : Ce matin j’ai reçu un coup de fil d’un de mes potes du commissariat de police et il m’a informé que ton arrestation immédiate a été demandée. Non ! Cela ne pouvait pas être vrai. Pincez-moi, je rêve. D’une voix désemparée, je cherchai à connaitre le pourquoi : -Mohamed : Les policiers ont monté tout un dossier contre toi. Je pense que ce sont les témoignages de vos voisins et votre personnel qui ont été les plus incriminant. Ils ont confié à l’inspecteur que ton mari et toi vous disputiez constamment et ce, même la veille de sa mort. Est-ce vrai ? -Moi : Oui c’est vrai mais je ne l’ai pas tué pour autant. -Mohamed : Alors pourquoi ne m’en as -tu pas parlé avant ? -Moi : Parce que tu m’as demandé de raconter mon histoire depuis le début et je n’en suis pas encore arrivée à cette partie! Pour quelle raison me fixes -tu ainsi ? Toi aussi tu me crois coupable ? -Mohamed : Non ! Avoue juste que tu aimes omettre certains points. Je préférai ne pas répondre. Ma grande sœur prit le relais : -Ramata : Donc elle risque la prison ? -Mohamed : J’ai bien peur que oui. En tout cas, je ferai mon possible pour que cela ne se produise pas. Alors que nous raccompagnions Mohamed jusqu’à sa voiture, je reçus à nouveau une convocation à la police. Mohamed proposa de m’y emmener. Une fois dans la voiture, il me donna des conseils quant à la manière de répondre aux questions : -Mohamed : Si tu sens que répondre à une question ne fera que plus t’enfoncer, regarde-moi juste et je saurai quoi faire. Essaie également de bien réfléchir avant de raconter quelque chose car chaque incohérence, oubli, omission pourront être utilisés contre toi si jamais on va jusqu’au procès. -Moi : Je ne peux pas aller en prison, Mohamed. Mes enfants ont besoin de moi. -Mohamed : Je sais, ne t’en fait pas. Je ferai tout mon possible pour que cela ne se produise pas. Mohamed sirota le verre de Bissap que ma sœur venait de nous servir puis me dit d’un air gêné : -Mohamed : Maintenant j’ai besoin que tu m’expliques pourquoi ton mari et toi passiez tout votre temps à vous disputer stp. Si jamais il y a procès, la partie adverse fera témoigner tes voisins donc il faut que je sache. -Moi : Je suis lessivée ! Demain matin je passe à ton bureau et je répondrai à toutes tes questions. -Mohamed : Excuse-moi, mais je suis obligée d’insister. J’ai besoin de savoir maintenant. J’étais épuisée, épuisée par toutes ces accusations, épuisée de devoir raconter toute mon histoire et intimité à mon avocat, épuisée de ne toujours pas pouvoir faire mon deuil. Ramata sortit du salon par correction et me laissa seule avec mon avocat. -Moi : Avant de répondre à tes questions, je vais d’abord reprendre là où nous en étions car je ne veux pas avoir à y revenir. Donc j’ai épousé Jules, nous n’avions pas fait de fête. Juste le mariage religieux. Mon père n’avait invité que quelque membre de sa famille et de celle de ma défunte mère. Au début, mon mari et moi n’avions pas pris d’appartement. Je ne voulais pas laisser mon père tout seul alors j’avais réussi à le convaincre de venir habiter à la maison. La cohabitation se passait plutôt bien. Papa aimait tellement Jules. Il le considérait comme un fils et non un beau-fils. Il prenait constamment sa défense. J’étais jalouse de la relation qu’ils entretenaient. Papa avait tendance à m’oublier parfois. Un mois après notre mariage, papa fit un malaise et il mourut alors que nous le transportions à l’hôpital. Ce fut horrible. Papa était tout pour nous ! Nous étions ses priorités. Il s’est battu toute sa vie pour nous. Il a même mis une croix sur l’amour uniquement pour ne pas nous handicaper. Il nous a toujours fait promettre de ne verser aucune larme quand il partira car il partira serein et fier des femmes que nous sommes devenues. Après tout, il m’avait casé avec l’homme de ma vie ; C’était un des objectifs qu’il s’était fixé. Ramata et moi sommes orphelines de mère et père. Il n’a pas un seul jour sans que je ne pense à eux… A la mort de papa et après le partage équitable de notre héritage, nous avons rénové la maison et en avons fait plusieurs appartements que nous avons loué. Nous nous partageons les loyers. Ça nous fait des sous en dehors de notre salaire. Jules a pris un appartement dans un quartier plutôt résidentiel. Au début, notre ménage ne connaissait ni perturbations ni turbulences. Nous formions un couple parfait ; Un couple que tout le monde enviait…
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