Jules : c’est simple, parce que je n’ai pas de vie. Ma disponibilité dépend des malades et cas d’urgence. A chaque fois que je me mets avec quelqu’un, il y a le facteur temps qui revient. Elles me reprochent de ne pas assez tenir à elle et de les négliger or c’est indépendant de ma volonté.
-Moi : Je comprends. C’est vrai que ce ne doit pas être facile de sortir avec un médecin.
-Jules : ça n’a rien de mortel en tout cas. Ça te dit d’essayer ?
-Moi : D’essayer quoi ?
-Jules : Bah de sortir avec un médecin !
Non mais celui-là, il ne perd pas de temps hein. D’abord l’invitation et maintenant il me fait la cour :
-Moi : Wow, tu ne perds pas de temps toi.
-Jules : La vie est courte et tout peut basculer du jour au lendemain alors inutile de remettre à demain ce qu’on peut faire aujourd’hui. Des gens meurent sous mon nez pratiquement tous les jours et j’ai pris conscience que la vie ne tient qu’à un fil.
-Jules : Alors tu veux bien donner une chance à un pauvre médecin et supporter tout ce que cela pourra impliquer ?
C’était bien envoyé et je partageai son point de vue. Après tout cela ne me coûtait absolument rien d’essayer et puis fallait reconnaître qu’il était assez intéressant :
-Moi : Tu as raison. Essayons et si jamais ça ne marche pas bah au moins on restera de bons amis.
-Jules : Exactement.
Le serveur apporta nos plats respectifs avant de nous souhaiter un bon appétit.
C’est donc comme ça que j’ai commencé à sortir avec Jules. Pour ne pas donner de faux espoirs à papa, j’ai préféré ne rien lui dire. J’ai également fait promettre à Jules de garder cela pour lui et qu’on se limiterait à lui dire que nous avons dîner ensemble et que ça s’est bien passé.
Mon père s’est vite remis de sa maladie et a pu rentrer à la maison. Jules et moi étions devenus inséparables. Je m’étais toujours imaginée que je ne pourrai être qu’avec un blanc car je ne suis pas le genre de femme qui pouvait être avec un Sénégalais, mais il m’avait ôté cette idée de la tête. Je me sentais revivre et comprise. Enfin un homme qui ne critiquait pas mes moindres faits et gestes, au contraire il en riait.
-Mohamed : Et quand votre père a-t-il su pour votre relation ?
-Moi : Trois mois après quand nous étions sûrs de ce que nous ressentons l’un pour l’autre. Mais est-ce que c’est important pour le procès ?
-Mohamed : Je veux tout savoir. Ce qui est futile pour toi ne le sera pas forcément pour la cour.
« Pour la cour » ? Il est vraiment dramatique lui. Son rôle c’est de faire en sorte que l’on n’arrive pas jusque-là…
Le jour où nous fêtions nos trois mois de relation, j’avais invité Jules à dîner à la maison :
-Moi : Papa, il y a quelque chose dont je voudrai te parler mais stp, ne te mets surtout pas en colère. Cela fait trois mois aujourd’hui que Souleymane et moi on se voit. Je lui ai demandé de ne rien te dire pour que tu ne te fasses pas de fausses illusions au cas où ça ne marcherait pas. Tu avais raison, c’est quelqu’un de bien.
Mon père se leva, prit Jules dans ses bras puis me dit avec le sourire :
-Papa : Parce que tu penses que je l’ignorais ? Je ne suis pas ton père pour rien. Je le savais depuis longtemps mais j’ai préféré garder le silence et attendre le moment où vous en parlerai. Et il est enfin arrivé. Je suis très heureux pour vous et je souhaite de tout cœur que cela aboutisse au mariage.
-Moi : Merci papa et amine. Dieu fait bien les choses. Ça viendra en temps et heure.
Jules regardait mon père avec un sourire. C’est fou ce que ces deux-là s’aimaient bien. Souleymane considérait papa comme son propre père et papa le considérait comme le fils qu’il n’avait jamais eu.
Je me levai de table afin de débarrasser la table. La femme de ménage était déjà rentrée donc j’ai dû faire les corvées toute seule. Une fois que j’eus fini, j’allai rejoindre mon père et Jules au salon. J’avais demandé à ce dernier de me laisser quelque minute pour faire la vaisselle.
-Moi : C’est bon, j’ai fini. Tu veux que je te raccompagne ?
-Jules : Dans quelque minute, avant il faut que je te parle.
Me parler devant mon père ? Qu’est-ce que ce dernier lui avait dit pour qu’il veuille me parler. Voulait-il rompre avec moi ?
-Jules : Ton père et moi avons discuté le temps que tu joues à la femme modèle et il a raison sur un point, pourquoi attendre ? Trois mois c’est largement suffisant pour faire connaissance. Et puis le reste viendra au fur et à mesure. Si tu es ok, j’enverrai mes oncles lundi In shA Allah.
C’était une blague. Du moins, c’est que je croyais au début. Mais je me rendis très vite compte que c’était réel. Mon père et Jules échangeaient sur certains points pendant que je paniquai. Je téléphonai à ma grande sœur pour l’en informer. Elle cria au téléphone et se mit à enchaîner plusieurs questions :
-Ramata : Alors, a-t-il fixé une date ? Allez-vous faire une grande fête ? Que vas-tu te faire coudre ? Quand va-t-il te présenter à sa mère ?
-Moi : Waouh, doucement je ne sais pas encore. Je me suis juste éclipsée juste pour t’annoncer la nouvelle. Je dois raccrocher, papa m’appelle.
Je n’avais pas menti, mon père était en train de crier mon nom. Je me précipitai le rejoindre dans la salle à manger.
-Papa : Dans la vie, il faut battre le fer tant qu’il est chaud. J’ai parlé avec Souleymane et il est d’accord. Il va parler avec sa famille et nous revenir avec une date. Cependant, pas la peine de festivités, je sors à peine de l’hôpital et j’ai besoin de repos.
-Moi : Papa, tu ne trouves pas que c’est un peu précipité ?
-Papa : Non ! C’est le bon timing. Vous apprendrez à mieux vous connaitre dans le ménage. Et puis comment veux-tu que je tire ma révérence si je te sais seule. Ramata a sa vie, il te faut également quelqu’un.
-Moi : Papa arrêtes de toujours parler de la mort. Tu n’es pas prêt de nous quitter.
-Papa : Nul n’est immortel ma chérie. Et même si tu refuses de l’accepter, il faut que tu saches que tôt ou tard je vous quitterai. Bon, il est tard. Allons dormir.
A chaque fois que j’essayai d’imaginer la vie sans mon père, je me tapais des nuits entières d’insomnie. Il avait joué le rôle de maman et de papa. Il a toujours été là pour nous. C’était notre roc, notre force.
Une fois dans ma chambre, je n’arrivai pas à dormir. Le mariage m’avait toujours terrifiée, surtout avec tous les commentaires négatifs que l’on entendait chaque jour. Ma relation avec Jules se passait tellement bien et je ne voulais pas que les choses changent. Je téléphonai à Maty comme je savais qu’elle était couche-tard. Elle fut étonnée de mon appel aussi tardif :
-Maty : Ma puce que se passe-t-il pour que tu ne dormes pas ?
-Moi : Stressée, angoissée.
-Maty : Que se passe-t-il ? Tu penses encore à ta maman ?
-Moi : Non pas cette fois. Jules veut m’épouser Maty.
Maty éclata de rire :
-Maty : Non mais c’est fou ce que tu m’étonneras toujours. Où est le drame ? C’est une très bonne nouvelle ça.
-Moi : Tu ne comprends pas ? Prends le cas d’Aminata. Tu te rappelles comme ils étaient proches et complices Papis et elle. Où en sont-ils aujourd’hui ? C’est à peine s’il calcule sa femme. Il ne veut rien faire avec elle. Je ne veux pas que ma relation avec Jules change de cette manière.
-Maty : Écoutes tu ne peux pas prendre les mauvais exemples de ménage autour de toi et t’imaginer que le tien se passera de la même manière. Seul Dieu sait et tu ne sauras pas comment les choses se dérouleront tant que tu n’auras pas mis les pieds dedans. En tout cas, une chose est sûre c’est que le négatif appelle le négatif. Alors mets toutes tes appréhensions de côté, et prépares toi à épouser l’homme que tu aimes et qui t’aimes. C’est tout ce que tu dois garder en tête.
Maty savait toujours trouver les mots justes. Elle avait entièrement raison. Pourquoi voulais-je me baser sur les ménages catastrophiques de mon entourage. Elle avait réussi à faire ôter le nuage de négativité qui planait sur ma tête. J’éteignis ma lampe de chevet et décida enfin de dormir.
-Mohamed Diop : Et c’est à quel moment que tu as rencontré sa famille ?
-Moi : Son père était décédé bien avant que l’on ne se rencontre. Il m’a donc emmené le lendemain pour me présenter à ses sœurs et à sa mère.
Donc le lendemain, il m’a téléphoné très tôt pour me dire que sa famille souhaitait me rencontrer avant les hostilités. C’était tout à fait normal d’ailleurs. Je ne pouvais y aller les mains vides. J’avais horreur de ça. Ramata me proposa de passer la prendre afin qu’elle me mette en rapport avec un commerçant qui vend des tissus de qualité. J’en pris pour sa mère et ses sœurs. J’achetai aussi un parfum de classe pour la maman. Je fis mettre les cadeaux dans de beaux sachets individuels. J’allai au salon afin de lisser mes cheveux et faire bonne impression.
Jules vint me prendre à l’heure convenue et nous nous rendîmes chez sa mère. C’était une magnifique villa R+3 qu’il avait entièrement retapée à ses frais. Ils avaient loué le troisième étage à des étudiants étrangers.
Arrivés sur place, nous trouvâmes sa mère assise sur une chaise, un éventail à ma main.
-Jules : Yaye, je t’avais dit d’arrêter de te mettre devant la porte comme un gardien. Tu as la terrasse et la cours si tu veux prendre de l’air.
-Yaye : Je ne suis pas en prison. Je ne vais pas rester H24 enfermée toi aussi. Présente-moi ma future belle-fille au lieu de discuter.
Jules sourit avant de lui dire :
-Jules : Maman voici Dieyna. Tu ne comptes pas nous recevoir devant la porte j’espère ?
Sa mère le tape légèrement avec son éventail avant de se lever de sa chaise. Elle laissa son fils ramener la chaise à l’intérieur puis me prit par la main. Elle me fit entrer dans un magnifique salon et me fit asseoir. Il y avait des photos de Souleymane et des quatre sœurs : Oulimata, l’aînée, Aissatou la deuxième, Amy Collé la troisième, et Coumba la dernière. Yaye prit son téléphone et leur demandèrent de descendre comme j’étais là.
Elle demanda à leur femme de ménage de nous servir à boire et pendant ce temps, elle discuta avec moi :
-Yaye : Jules ne m’avait pas dit que tu étais aussi jolie Ma SHA ALLAH. Enfin on se voit. Mon fils est tellement omnibulé par son travail qu’il n’a même pas essayé de nous présenter avant. J’espère que tes parents vont bien.
J’avais eu tellement d’appréhensions avant de rencontrer Yaye. Il y a tellement de belle-mère mauvaises que l’on a tendance à généraliser. La mère de mon Jules était adorable.
-Moi : Merci Yaye, c’est gentil. Mes parents vont très bien Alhamdoulilah.
-Jules : J’ai toujours eu du gout en matière de femme maman. Je suis le fils à mon papa. N’est-ce pas ?
Jules adorait taquiner. J’adorais ce côté de lui. Il savait détendre l‘atmosphère quand il le fallait. Mes belles-sœurs entrèrent dans le salon une à une. C’est Coumba la cadette qui fut la première. Elle sauta littéralement sur son grand frère avant de venir me faire la bise.
-Coumba : Moi c’est Coumba, ravie de te connaitre. J’espère que mon frère se comporte en vrai gentleman avec toi. Sinon rek tu me le dis. Lui et moi on se connait.
Nous nous mirent tous à rire. Coumba n’avait que 20 ans mais elle faisait plus. Elle était grande et précoce. C’était ma préférée.
Elle s’assit à côté de moi.
Aissatou et Amy Collé m’avaient elles aussi très bien reçu. Figurez-vous qu’Oulimata avait refusé de quitter sa chambre sous prétexte qu’elle ne se sentait pas bien. Son frère était allé la voir pour lui demandait si elle ne voyait pas d’inconvénient à ce que je vienne la saluer comme elle n’allait pas bien mais elle avait refusé en prétextant qu’elle n’était pas présentable. Le plus drôle dans cette histoire c’est que tout le monde savait qu’elle ne voulait pas me voir. Tout ça parce que sa meilleure amie s’en voulait d’avoir trahi son frère et voulait se remettre avec lui. Étais-je fautive de quoique ce soit ? Pas à ma connaissance. Je m’en foutais royalement d’ailleurs. Du moment où sa mère et ses sœurs m’avait très bien accueillie, le reste importait peu. Je remis les cadeaux à chacune d’elles avant de rentrer. Je leur laissai celui d’Oulimata. Yaye était tellement émue. Elle se mit à prier pour son fils et moi.
Une fois dans la voiture, Jules s’excusa pour le comportement irresponsable de sa sœur :
-Jules : Bébé, je suis désolé pour Oulimata.
-Moi : Ne t’en fais pas. Au moins, je sais qu’elle ne m’aime pas.
-Jules : Ne dis pas ça. Tu me mets mal à l’aise en disant cela.
-Moi : Mais c’est vrai. Arrêtons de nous voiler la face.
-Jules : Dans tous les cas, elle n’est nullement un frein à notre projet. Ma famille t’adore. Je ne les ai jamais vu autant appréciées une de mes conquêtes.
Je me mis à le toiser avant de répondre :
-Moi : Je ne suis pas une de tes conquêtes, je suis ta fiancée Souleymane !
Jules se mit à rire.
Je m’arrêtais de raconter puis me mit à pleurer. Maître Diop se sentit un peu mal à l’aise.
-Mohamed Diop : Tu sais quoi, on va faire une petite pause.
Il me servit un verre d’eau puis me laissa seule dans son bureau. Je me suis rappelée ce si beau sourire que je ne reverrai plus jamais. Pourquoi ? Pourquoi lui ?
C’était mon âme sœur. Je restais dans mes pensées environ quinze minutes. Quand Mohamed revint dans son bureau. Je fus prête à continuer.
Il me tint la main puis me dit :
-Mohamed : Dès que tu sens que tu ne peux continuer, stp arrêtes toi immédiatement je comprendrai. Te voir fondre en larme me perturbe.
-Moi : Très bien. Je m’excuse. Certains souvenirs font pleurer.
Donc Jules avait senti que j’étais jalouse, il essaya délicatement de me ramener à la raison :
-Jules : J’adore quand tu me menaces. Oui babe, tu es ma fiancée, celle que j’ai hâte d’épouser.
Je ne pus m’empêcher de sourire. C’était un beau-parleur cet homme. Cela faisait partie intégrante de son charme. Il me déposa chez moi avant de rentrer chez lui…