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Witch and God Tome 1 Ella la promise

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Ella est une jeune sorcière sans dons, enjouée et pétillante, vivant tranquillement dans le monde des humains. Cette année, elle assiste aux côtés de ses deux puissantes soeurs à la fête de la communauté des sorcières. Mais cette édition est particulière : les sorcières et les dieux ont décidé de faire cesser le conflit qui perdure entre eux depuis des décennies. Pour sceller cette paix, ils organisent un mariage entre un représentant de chaque communauté.Ella est outrée d'apprendre que sa soeur est la sorcière désignée pour cette union ! Et plus encore lorsque le maître des dieux, Zeus, présente le future marié: son petit-fils Deimos, dieu de la Terreur. Froid et arrogant, ce dernier cache une forme aussi sombre que dévastatrice.Mais Deimos bouleverse les négociations en désignant lui-même la promise qu'il a choisie: la sorcière sans dons à laquelle personne ne s'attendait, Ella.

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Chapitre 1
L'été indien a embrasé la nature. Tout est en rouge, mordoré et or. Les arbres du campus de Springfall ressemblent à des feux sans crépitement. On dirait presque qu'ils bataillent pour savoir qui sera le plus flamboyant ! Les érables se sont emmitouflés dans leur robe sanguine avec panache, les bouleaux ont tout misé sur les contrastes, entre le blanc zébré de leur tronc et le jaune étincelant de leurs feuilles. Seuls les sapins, imperturbables, se dressent fièrement dans leur costume d'épines d'un vert sombre et si tendre. La lumière du soleil fait miroiter ce spectacle à la perfection. Je pourrais rester des heures entières à l'admirer. Les nymphes font quand même un super job ! -Ella ! Je détourne les yeux du somptueux tableaux, Madeline et Rachel me font signe un peu plus loin. Avec un soupir heureux, je reprends ma route et les rejoins. Beaucoup aiment marcher dans la neige et laisse des empreintes derrière eux, mais moi, sans hésitation, je préfère soulever du bout du pied le mille-feuille de l'automne qui abandonne, derrière lui, toute la matière fertile indispensable au printemps. -Encore en train de rêver ? me taquine Madeline. -Vous avez vu ce qui nous entoure ? harangué-je avec passion. C'est beau, non ? Je ne peux pas être la seule à le voir ! Mes deux amies échangent un regard complice, main dans la main. Il a suffi qu'elles se croisent aux portes ouvertes des associations, le jour de la rentrée universitaire, pour qu'un coup de foudre les frappe. Depuis, elles sont inséparables. Je partage une chambre sur le campus avec Madeline depuis l'année dernière, mais c'est davantage devenue la mienne au fil du temps, Rachel possédant son propre appartement. Je les aime et je les envie. Elles se sont trouvées si facilement. Tout a été très limpide dés le départ entre elles. Elles ont ce que j'espère vraiment trouver un jour. -On est dans le nord de l'Etat de New York, déclare Rachel avec un haussement d'épaules. L'été indien, c'est comme les anniversaires, ça revient chaque année. J'enfonce mon bonnet sur ma tête et abaisse par la même occasion ma queue-de-cheval rousse. -Quel manque de poésie, grogné-je. -Ce que Rachel ne dit pas, c'est que nous t'avons, et tu te réjouis toujours pour trois, ajoute Madeline avec un clin d'œil. Elle m'arrache un sourire alors que j'étais partie pour faire dignement -et faussement- la tête le temps que nous traversions le parc de l'université. -Chou, ne l'encourage pas, s'amuse Rachel. Notre Ella parle déjà aux plantes. -C'est prouvé scientifiquement que parler à ses plantes leur apporte quelque chose, soutiens-je en levant l'index comme une maîtresse d'école. Mes deux amies éclatent d'un même rire. -Ne mêle pas la science à tout ça, tu perdrais, m'assure Rachel. Cette fois, c'est Madeline et moi qui échangeons un sourire entendu. Nous deux, on étudie les arts, Rachel, elle, est une pure scientifique. Ca nous a plus d'une fois entraînées dans des discussions survoltées autour d'un café ! -A quelle heure arrivent tes sœurs ? me demande Madeline alors que nous apercevons la porte de notre dortoir. -Dans une vingtaine de minutes, je dirais, évalué-je rapidement en regardant ma montre. -Et vous allez faire quoi de beau, ce week-end ? -On a une réunion familiale, rien de très exaltant. -Comme toujours avec ce genre d'événement, grimace Rachel. Mes deux amies me prennent dans leurs bras en guise d'au revoir, Madeline me glisse un à l'oreille, puis elles s'éloignent pour rejoindre leur voiture. -N'oublie pas la ginger beer de ta mère pour la fête de la semaine prochaine ! me lance Madeline de loin. -Promis ! Après un dernier signe de la main, je pousse la porte du bâtiment et grimpe l'escalier pour atteindre ma chambre. J'ouvre énergiquement le placard, sors mon sac et le fourre de mon pyjama, de ma trousse de toilette, d'un jean et d'un pull. J'ai toujours hâte de me rendre à la clairière, au milieu de la forêt de Springfall. Toute ma famille sera là, et j'adore mes sœurs. Pourtant je sais déjà qu'une fois sur place, je déchanterai. A vrai dire, je ne comprends même pas pourquoi ma communauté me convie encore à ce genre de rassemblement. Par gentillesse, j'imagine. Toutes sont puissante, merveilleuses et sans peur, et moi... Moi, je suis la sorcière sans dons. La première de l'histoire. Alors oui, je suis spéciale, quelque part. Mon père me le disait toujours, mais mon père était un humain normal, comme tous les hommes qui nous côtoient. Lui il était content de ma condition. Il est juste parti trop tôt pour que j'en profite pleinement. Lorsque je m'entends soupirer, je secoue la tête pour me reprendre. Je déteste broyer du noir ! Vient toujours un moment où il faut savoir faire taire sa saboteuse intérieure. Ca fait vingt ans que je vis sans pouvoirs, rien ne changera cela, et ma vie est tout de même prometteuse. Mes sœurs sont adorables, ma mère me gâte toujours quand je rentre à la maison, ma communauté m'a payé l'université et fait tout pour que mon futur soit brillant. -Qu'en dit-tu, Norbert ? J'ai une super carrière qui m'attend, n'est-ce pas ? Mon ficus benjamica approuve, lui et ses adorables petites feuilles que j'époussette dés que nécessaire. J'entrouvre les rideaux de ma fenêtre afin qu'il ait de la lumière pour les deux prochains jours et lui mets un peu d'eau comme tous les vendredis. -Pas de bêtises en mon absence et passe un bon week-end ! J'attrape mon sac, enroule mon écharpe autour du cou et ferme la porte derrière moi. Je dévale l'escalier et me retrouve à nouveau à l'extérieure, dans cet été indien qui ne peut que me faire sourire. J'inspire l'air frais à plein poumons. La Clairière va être merveilleuse avec ces couleurs ! Une raison de plus de vouloir rentrer. Je me rapproche de la route en prenant mon temps. L'université de Springfall est modeste, à la fois en taille et en ambition. Reliée à la ville par un bus, elle est entourée de forêts et de montagnes. Je pose mon sac à mes pieds et plonge mes mains dans mes poches en attendant de voir surgir la voiture de mes sœurs. Tout est si calme et désert ici, comme chaque vendredi après-midi. Peu d'étudiants restent sur place le week-end. C'est donc à la fois étonnant et ordinaire de noter la présence, à quelque mètres, d'un chien-loup noir, assis, le regard fixé dans ma direction. Je jette un œil autour de moi, à la recherche d'un maître ou d'une maîtresse, mais personne. Ca ne peut pas être un loup quand même ? On est isolés, certes, mais la ville est vraiment à côté. Je pivote face à lui et l'observe à mon tour. Il a vraiment une allure sévère, avec ses oreille droites et ses yeux jaunes. Son pelage sombre est d'une propreté inattendue pour un animal en vadrouille. Je n'ai pas l'impression de voir un collier autour de son cou. Probablement un compagnon abandonné. -Viens, dis-je en tendant la main. Approche, je ne vais pas te faire de mal. Il se contente de pencher la tête sur le côté. L'expression de perplexité qu'il me renvoie m'interloque. Par Hécate ! Il a vraiment un truc curieux, cet animal, mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Il ne semble pas apeuré ni agressif, juste... fouineur. Le klaxon qui retentit derrière moi me fait sursauter. Le temps de fermer les yeux, une main sur le cœur, et le chien-loup a disparu lorsque je les rouvre. -Ella ! Mes sœurs sortent de la Coccinelle aubergine et se ruent sur moi. Je me retrouve compressée entre elles, les laissant me pincer les joues et m'ébouriffer les cheveux, comme seules des grandes sœurs peuvent se le permettre. Depuis que j'ai quitté la maison pour l'université, on passe moins de temps ensemble. Alors dès que nous sommes à nouveau réunies, tous nos comportements de gamines ont tendance à jaillir. Lorsqu'elles me relâchent, j'ai le visage rouge et la chevelure en bataille, mon bonnet ayant été jeté à terre au milieu des réjouissances. -Alors, comment vas notre petite Citrouille ? lance Circé, l'aînée. Le surnom, lui, ne m'avait pas manqué ! Mais je ne résiste pas au sourire plein de tendresse de Circé. Ses piercings d'argent, ses cheveux courts tirant sur l'auburn et sa veste en jean font d'elle une des personnes les plus cool que je connaisse. Sans compter que Circé, comme son nom l'indique, sera l'une des deux prochaines guides de notre communauté. La vingt-deuxième de Springfall, pour être plus précise. Car toutes les sorcières d'ici sont des descendantes de Circé la Première, fille du Titan solaire Helios, et de sa nièce Médée. Les filles de ces deux sorcières se sont d'abord installées sur Aiaía, l'île méditerranéenne se Circé, et y ont vécu pendant des centaines d'années. Ce n'est qu'au XVIIe siècle que la communauté s'est embarquée pour le Nouveau Monde, reprenant à zéro le décompte des générations. Ça stupéfierait n'importe quel humain d'apprendre tout ça ! -Je vais bien grondé-je en me penchant pour ramasser mon bonnet. Et arrêtez avec ce surnom. Cette couleur de cheveux est une malédiction. -Oh, Citrouille est grognonne aujourd'hui, s'amuse Méroé, la cadette. Son ton apaisant et taquin me pince les lèvres. Je retiens mon envie débordante de trop sourire, sinon je vais leur céder, comme à chaque fois, l'usage de ce surnom révoltant. Mais que j'aime quand même. Méroé me prend le bonnet des mains pour l'enfoncer sur ma tête. Son carré châtain, son tatouage en forme de lotus égyptien, s'épanouissant au coin de son œil gauche et son blouson noir recouvert de patchs sont autant d'atouts attirants que de raisons de ne pas la chercher. En tant que sœur cadette de Circé, ce sera à elle de mettre au monde la deuxième guide, la futur Médée, vingt-deuxième du nom. Mes deux sœurs ne sont pas n'importe qui pour la communauté, et même au-delà. Elles sont deux des plus puissantes sorcières de Springfall. -Tu nous as manque, Ella, ajoute-t-elle en enroulant son bras autour de mes épaules pour mener jusqu'à la voiture tandis que Circé s'empare de mon sac pour le coller au fond du coffre. -Vous m'avez manqué, à moi aussi, réponds-je, une douce chaleur au creux du ventre. On grimpe dans la Coccinelle, Circé et Méroé devant, moi à l'arrière. Le moteur ronronne et nous partons. Mes deux sœurs m'abreuvent d'informations rapides, qui ne demandaient qu'à être sues : pas le temps de passer par la maison, notre mère est déjà à la Clairière, avec les autres. La fête annuelle de la communauté va durer toute la nuit et elle ont hâte. Elles vont pouvoir échanger les dernières nouvelles, deviser sur leurs sorts les plus efficaces et sur l'essence même de la magie, s'intéresser aux revendications des nymphes des forêts et des rivières qui nous voisinent... Tant de conversations qui me perdent la plupart du temps. J'ai parfois l'impression d'être une ethnologue au milieu d'un monde inconnu et familier à la fois, à écouter ici et là des conversations incroyables autour d'un verre de ginger beer - les sorcières raffolent de ginger beer, notre mère est la productrice certifiée de Springfall. -Ella, m'interpelle Circé, m'extirpant de mes pensées. Ce soir, ce sera différent des années précédentes. Méroé adresse un regard surpris mais contenu à Circé. C'est plus sa réaction qui me pique véritablement ma curiosité que l'annonce. Est-ce que Circé n'était pas censée me le dire ? Je suis rarement concernée par les évènements de la Clairière, je ne vois pas ce qu'il serait important de me cacher du coup. -Pourquoi ? -Ce voyeur d'Hermès ne viendra pas seul, marmonne-t-elle en dodelinant de la tête. Méroé se tourne vers moi, les dents serrées pour ne pas rire. Circé et Hermès, le flirt de l'année ! Au printemps dernier, Hermès est tombé inopinément sur ma soeur en pleine séance de bronzette, dans la Clairière. Il faut noter que ma soeur bronze sans haut pour éviter les marques. Dans la panique et la colère - ma soeur a un caractère très fier en plus du reste - , elle a transformé Hermès en porc. Le sort n'a tenu que quelque secondes, on ne manipule pas un dieu comme ça ! Mais ça a suffi à mettre le feu aux poudres entre eux deux. Heureusement pour Circé, Hermès est le des dieux, un diplomate. Il a dû plier sa volonté pour apaiser le choses. Mais depuis, lorsqu'Hermès passe voir nos guides, Circé la Grande et Médée la jeune, la sœur grommelle, et Hermès l'évite tout en la foudroyant du regard. D'après Méroé -son opinion est à prendre avec des pincettes -, leur soi-disant mésentente n'est qu'une manière comme une autre de contenir une tension sexuelle immanquable entre eux. De quoi faire grincer des dents notre communauté : les dieux et les sorcières ne se supportent pas. C'est bien pour cela que Hermès s'aventure ici. Je pose mon menton sur le siège de ma sœur ainée et papillonne des yeux. -Il est mignon comme tout avec ses cheveux chocolat, pourtant ! -Et sa façon de léviter au-dessus du sol, juste à côté de toi, ajouté Méroé. Les joues de Circé se parent de rouge et son front de plis impatients. -Il me semble, dans mes souvenirs, qu'il a un dernière plutôt rebondi, ajouté-je en souriant de toutes mes dents. Ma pique suffit à la faire réagir. - Citrouille dans un coin, n'aura plus qu'un groin, énonce-t-elle en le fixant dans le rétroviseur. Je me replié précipitamment contre le dossier de la banquette et plaque mes mains sur mon visage, qui est en train de changer. La g@rce ! Elle ne m'avait pas lancé ce sort depuis des années ! Depuis que notre mère à mis le holà avec la magie entre sœurs. -Retire-moi ça immédiatement ! rugis-je, furieuse. -Tu l'as bien cherché ! Méroé ricane, car elle ne craint vraiment rien de son aînée. Elle se tourne tout de même vers moi pour lever le sort. - Citrouille dans son coin, n'aura plus de groin. Tout en tâtant avec soulagement mon nez retrouvé, je jette des regards sombres à mes deux sœurs. J'en ai mangé, du , quand on était petites ! Elles n'ont même plus besoin de formuler le sort pour qu'il fonctionne, c'est seulement de la vantardise de gamines. Qui a si bien marché sur moi. Je me souviens de m'être isolée plus d'une fois en récitant des sorts, espérant faire naître quelque chose. Mais il ne se passait rien. -Tout les dieux sont des pervers, c'est connu et reconnu depuis des millénaires, reprend Circé. Ils sont égoïstes, cruels et vindicatifs. Ce soir, on reçoit le pire d'entre eux, ne perdons pas ça de vue. Méroé concède le discours d'un mouvement de tête, mais moi, je reste dans le brouillard le plus complet. -Ce qui on parle, au juste ? La Coccinelle nous secoue alors qu'on s'engage sur une petite route cabossée, au milieu des bois. -Du despote au-dessus de tout les autres, Zeus. Mes paupières s'écarquillent toutes seules. Est-ce que j'ai bien entendu ? C'est vrai, je vis déconnectée des affaires de la communauté puisque je ne peux pas y contribuer. Mais je sais aussi que prononcer ce nom et l'associer à une visite imminente n'est pas du tout quelque chose d'anodin. -Zeus ? Ici ? À Springfall ? Mes sœurs acquiescent. -Ce soir, on va établir les conditions de l'Union, m'expose Circé, comme si je savais de quoi elle parlait. -L'union ? Quelle union ? Méroé pose alors sa main sur le bras de Circé avec insistance. Elle ne semble plus vouloir plaisanter. -Cici. Notre aînée pousse un bref soupir. -Ella saura tout, tôt ou tard. -Je saurai quoi ? insisté-je. L'inquiétude me gagne. Je sens que quelque chose ne tourne pas rond soudainement. Circé est beaucoup trop sérieuse et Méroé trop soucieuse. -Ne t'en fais pas, Citrouille, me rassure cette dernière. L'Union va enfin apporter la paix entre nous et les dieux. Il n'y a que des bonnes choses qui peuvent découler de ce qu'il va se passer ce soir. Je hoche la tête plus par mécanisme que par conviction. Méroé ne m'a jamais donné de raisons de douter de sa parole, mais ces non-dits, cette visite si spéciale, cette tension dans la voiture... tout me porte à croire que quelque chose se prépare et qu'il se pourrait que je sois chamboulée par les évènements. Je crois en la bienveillance de mes sœurs, elles veulent me prévenir uniquement pour éviter cela. Alors qu'un silence pesant a pris en place entre nous, on aperçoit la Clairière, droit devant. Elle est comme je l'avais imaginée un peu plus tôt : pleine de rouge et d'or. C'est comme si les arbres s'étaient écartés au beau milieu de la forêt pour former ce cercle baigné de lumière, où poussent de manière tout à fait hasardeuse des massifs de chrysanthèmes jaunes et des camélias roses. Là, un peu excentrée, se dresse la maison de Circé la Grande et Médée la Jeune, dont le bardage autrefois framboise est à présent recouvert de lierre et de glycine mauve et blanche. C'est un paradis naturel. La seule partie remaniée par les sorcières est le jardin d'herbes aromatiques et médicinales. Mais tout semble pousse en dehors des clous, dans un fouille d'odeurs et de couleurs qui me transporte à chaque fois. Lorsque Circé coupe le moteur, notre mère émerge de la maison avec un large sourire. J'ai à peine le temps de poser le pied par terre qu'elle me serre dans ses bras. -Ma Citrouille ! Oh bon sang, mes sœurs l'ont contaminée ! Avec son débit de paroles bien à elle. Thessa, ma mère, m'assène son habituel interrogatoire qui n'attend pas véritablement de réponses : -Ça va ? Tu mange bien ? Tout se passe bien sur ton campos ? -Campus, maman. Ça s'appelle un campus. Elle m'embrasse bruyamment la joue, me relâche et fait apparaître dans ses mains deux bouteilles de ginger beer avec un clin d'œil. Méroé est peut-être celle qui lui ressemble le plus physiquement : notre mère à les mêmes cheveux châtains et mi-longs. Mais nous partageons toutes les quatre la même couleur d'yeux : un bleu-vert assez clair. -Planque-les dans le coffre avec tes affaires, je te les ai mises de côté avant qu'elles disparaissent ce soir. Avant même que je m'en charge, Circé les attrape et les range. Ma mère m'entraîne avec elle vers la maison. Elles me considèrent encore et toujours comme la petite dernière et ont bien trop tendance à m'infantiliser. C'est réconfortant au départ, mais ça me laisse rapidement. Je crois que vivre par moi-même, au millieu des humains dont je partage finalement le style de vie, m'a fait beaucoup grandir. Je chéris d'autant plus mon indépendance aujourd'hui. Dés que nous franchissons le pas de la porte, le brou-haha des conversations éparses nous engloutit. Toute la communauté est rassemblée dans l'immense hall d'entrée. Les murs sont recouverts de statuettes en terre cuite, posées sur des supports muraux et représentant chacune des anciennes guides de Springfall, de grosses ampoules électriques flottent au plafond, et le feu a été allumé dans les deux cheminées latérales. Une volée de marches en bois mène aux étages ainsi qu'à une tribune sur le pourtour de la pièce. Certaines sorcières y sont perchées, pour des discussions plus confidentielles. Les autres profitent déjà des mes étalés sur des tables et des guéridons en bas, et toutes ont un verre de ginger beer à la main, mais je ne doute pas que l'on finira la soirée avec le fameux gin maison de tante Zelda. La pièce maîtresse du hall est la statue en bronze doré de notre déesse tutélaire, Hécate, dressèe sur son piédestal, contre le mur du fond, et cernèe d'offrandes végétales, de vase et de gâteaux. Un trépied en bronze, sur lequel les sorcières brûlent des fleurs séchées, est posé à ses pieds et laisse échapper un filet de fumée. Avec sa haute tiare cylindrique coiffant sa tête, son péplos aux plis raids, ceinturé sous sa poitrine, et sa torche tenue à la main, Hécate ne m'inspire qu'une inflexible austérité. -Thessa, Circé, Méroé, vous voilà ! Les deux guides se frayent un passage jusqu'à nous. Je ne me formalisé plus qu'on m'ignore. Elles paraissent même surprises de me voir ici. Circé la Grande passe vite de l'étonnement au sourire aimable. Elle doit avoir une soixantaine d'années à présent, elle incarne la sagesse et la protection. Suivant notre ancêtre qui a métamorphosé les hommes d'Ulysse en porcs, Circé la Grande manie surtout la transformation : l'art de changer les choses et les êtres. -Ella, tu es parmi nous, merveilleux, dit-elle d'un ton égal et sympathique. Elle glisse une mèche grise échappée de son chignon derrière son oreille tout en faisant cliqueter les petits anneaux entrelacés de sa boucle d'oreille. Tout est bienveillant en elle, dans son attitude et ses décisions. Mais elle m'a toujours paru distante de nature. D'autant plus avec son haut noir à col roulé et manches longues qui ne laisse aucune place à la fantaisie. Je me rassure en me disant qu'au moins, je ne détonne pas avec mon jean et mon pull émeraude à grosses mailles. Ni mes sœurs d'ailleurs. Si la communauté entretient de très nombreuses traditions qui remontent à l'Antiquité, elle s'est adaptée à la mode vestimentaire au fil du temps. Médée la Jeune, sa nièce, âgée d'une trentaine d'années, sourit beaucoup plus franchement. Ses long cheveux noirs et ondulés retombent en cascade sur ses épaules et son corsage blanc à col Claudine. À l'image de notre seconde ancêtre, Médée, est spécialisée dans l'art des potions et la connaissance des plantes. Elle peut rendre une arme indestructible en l'enduisant d'une solution préparée par ses soins comme endormir une créature monstrueuse en l'aspergeant d'eau sacrée avec une branche de genévrier. Plus badass, c'est quand même difficile ! -Ella, comment va la vie sur ton campos ? -Oh, on dit en fait, corrige aussitôt ma mère, me coupant l'herbe sous le pied. -Je crois que Zelda sera ravie d'avoir de l'aide en cuisine, enchaîne Circé la Grande. Ella, on compte sur toi. Elle ne pouvait pas mieux s'y prendre pour se débarrasser de moi. Je hoche la tête avec un sourire et m'éloigne. Elles doivent sûrement vouloir parler de cette fameuse . Je ne vais pas trop m'en plaindre, je me suis toujours sentie plus à l'aise avec Zelda qui traîne dans la pièce du fond, d'où proviennent toutes les délicieuses odeurs de tourte au potiron, de tarte aux pommes et de confiture de mûres. La cuisine est encombrée de bocaux, de fioles, de marmites et de plantes grimpantes. Une petite porte donne directement sur le jardin aromatique et la forêt. Zelda est d'ailleurs là, mollement adossée contre l'encadrement, un verre entre les doigts. -Ella ! Enfin, te voilà ! -Salut, tante Zelda. Je retire mon manteau, écharpe et bonnet, dépose tout sur une chaise libre et m'approche d'elle. Je lui ressemble beaucoup. Elle aussi, elle a de longs cheveux roux et une petite touche d'originalité dans son comportement décalé. -Tiens, tu vas en avoir besoin, ma dernière cuvée de gin, me dit-elle en me servant un verre. On trinque et je trempe mes lèvres dans sa liqueur au vingt-cinq plantes qui me brûle de l'intérieur. Ma grimace fait rire Zelda, mais j'y retourne quand même. Je sens que je vais passer ma soirée ici, c'est plus calme et chaleureux que l'immense entrée. -Alors, prête à voir le grand méchant Zeus ? Ou peut-être juste jeter un œil sur le puissant maître des dieux. Pure curiosité !

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