Chapitre 2

3884 Words
La nuit est tombée depuis une petite heure. Je suis tante Zelda, un plateau sur les bras, slalomant entre les sorcières de la communauté enfin toutes réunies. Zelda propose des bâtonnets croustillants au romarin, et moi je tiens les différentes crèmes aux herbes dans lesquels les plonger. Aussi loin que remontent mes souvenirs, j'ai toujours fait le service dans cette maison. On me félicitait quand j'étais petite, à présent je passe totalement inaperçue. J'ai hâte de trouver un travail dans le monde des humains seulement pour pouvoir dire à ma mère : hy-per importante à préparer. D'ailleurs je m'envole pour San Francisco demain matin très tôt. Trop dommage. L'année prochaine ? » Comment ça que les étudiants du campus semblent se passer sous le manteau. Non. Cependant je reconnais très bien le parfum : du tabac, oui, mais mélangé avec du laurier d'Apollon et du dictame de Crète. Le tabac, je comprends. Je déteste, mais je comprends. Mais le laurier ? Je ne suis pas certaine que ce soit plus sain. J'aurais tellement de questions à lui balancer, là maintenant ! Mais aucun mot ne veut sortir. Mon cœur tambourine violemment ma poitrine. Il va s'en arracher d'un instant à l'autre, si ça continue. Lui, il fume en silence. Sa bouche demeure droite, comme s'il avait oublié d'apprendre à sourire. Minute. J'ai caressé ce type en fait ? Par Hécate ! -Mais vous êtes qui ? parviens-je à dire, l'embarras prenant soudainement l'ascendant sur la peur. Il écrase sa cigarette dans un plat à moitié vide sans me répondre, pousse un soupir las et s'éloigne en direction du hall d'entrée. Je lui emboîte immédiatement le pas, craignant que sa présence ne soit inappropriée. Les sorcières s'écartent toutes sur son passage, toutes avec une appréhension qui me surprend tant elle est rare chez elles. La pièce baigne dans un silence tendu. L'inconnu ne marque aucune pause, il s'avance vers Zeus et lance d'un ton bourru : -J'ai encore une dizaine de ménades en liberté dans l'État, qui foutent un bordel monstre partout où elles passent. Pressons-nous. Et il prend place à la droite du maître des dieux, les bras croisés, le regard fiché sur nos deux guides. Les murmures reprennent autour de moi. Si les deux camps avaient pris une posture de défi au départ, à présent, il règne une confusion sans nom chez les sorcières et une puissante assurance de côté de Zeus. Je cherche des yeux la réaction de ma mère, histoire de me rassurer, mais son visage n'exprime que de la stupeur. Elle agrippe de bras de Méroé qui se tient en avant et qui blêmit à vue d’œil. Elles ont déjà dû la présenter comme la candidate au mariage. Ce qui signifie que ce... ce rustre, qui peut se transformer en chien-loup, est le candidat des dieux. Le promis de ma soeur. Qui semble habitée par la même effroi que moi tout à l'heure. -Ôtez-nous d'un doute, Zeus, fulmine Circé la grande. Nous vous proposons la main de Méroé, sorcière de talents, sœur de Circé et donc mère en devenir de la future Médée, et vous... -Vous ne serez pas en reste, coupe Zeus en croisant les jambes avec sérénité. Je vous offre la main de mon petit-fils et celui d'Héra au Trône d'or, fils d'Arès, Fléau des hommes, et d'Aphrodite, la Céleste. J'ai nommé Deimos, la Terreur. Je frissonne à nouveau. La Terreur. La Terreur ! Je refuse que mma soeur s'unisseà une telle calamité ! -C'est une plaisanterie ! s'exclame Médée la Jeune. Vous pensez vraiment que nous puiserons notre magie dans cet... Elle s'interrompt sans savoir quel mot employer. Deimos, lui, sort paisiblement une nouvelle cigarette et l'allume. -Croyer-vous que je vous laisserai insulter ma propre famille ? reprend Zeus, les étincelles jouant à nouveau dans sa chevelure d'argent. Votre Méroé est... -Je dois t'interrompre, Zeus. La voix rauque de Deimos remplit l'espace. Il la modère beaucoup moins que son grand-père, de toute évidence. Moi qui pensais que cet éraillement n'était dû qu'à son passage entre le chien-loup et l'homme... enfin, le dieu. -Ce n'est pas Méroé que je souhaite épouser. La pièce entière se retrouve pendue à ses lèvres. Et moi, je me retiens de bondir. Oh mais le mufle jusqu'au bout ! Elle n'est pas assez bien pour lui, c'est ça ?! -C'est elle que je veux, ajoute-t-il en désignant du doigt l'une de nous. Il le pointe dans ma direction, je me dépêche de sonder mon entourage pour découvrir de qui il parle. Sauf que toutes les sorcières convergent curieusement vers moi. Je lui jette un œil perplexe et finis par comprendre, avec une incrédulité folle, qu'il me montre bel et bien.
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