Chapitre 17

3134 Words
On ressort de la clinique tous les deux. Comme si on était devenus timides, aucun de nous n'ose parler le premier. Deimos s'en veut peut-être d'avoir fait la démonstration de toute sa vulnérabilité. On fait quelques pas et on prend le temps de respirer. On a quitté Phobos avant que le sort se lève, sa folie n'a pas disparu. -Merci, Ella. Ça signifie beaucoup pour moi. -De rien, dis-je, le cœur battant langoureusement. Bon sang, ces sentiments naissants ne sont vraiment pas une bonne idée ! Je dois les oublier. Si je veux mettre un terme à ce mariage, je ne peux pas tomber amoureuse de lui. Deimos s'est conformé à cette union, il est prêt à partager mon lit pour que je tombe enceinte, prêt à s'investir au point de me respecter et d'essayer de bien s'entendre avec moi. Ce mariage a été motivé par de bonnes raisons, pour lui comme pour moi, mais aucune ne concerne l'amour. -Deimos, je vais rentrer avec mes sœurs quelques jours, lui annoncé-je alors. Une coupure, histoire de garder la tête froide, ne me fera pas de mal. Mon époux semble surpris mais qu'à moitié. -Tu as besoin de réponses, devine-t-il. J'acquiesce avec un sourire. Je suis limpide, décidément ! -Je veux demander à Circé la Grande et Médée la Jeune pourquoi je rayonne et si elles ont une explication pour ce qu'il s'est passé avec la panthère. -Je comprends. Il planque ses mains dans ses poches et paraît préoccupé. -Le fait que les satyres s'en soient pris directement à toi m'inquiète. -Je serai à la Clairière, c'est l'endroit le plus sûr du monde, lui assuré-je. -Mmh. Mais tu ne seras pas avec moi. S'il t'arrive quelque chose, je m'en voudrais, grogne-t-il. Sa confiance en nous, sorcières, reste à construire. -C'est toi qui as fini blessé, lui rappelé-je d'un ton léger. Il me jette un petit regard en coin qui me fait sourire de plus belle. Puis il tend la main vers moi et deux objets apparaissent au creux de sa paume : une plume d'un blanc immaculé et une fiole au contenu doré. -Une plume d'Hermès et de l'Ambroisie, garde-les toujours sur toi. Ils te permettront de te rendre sur l'Olympe et d'y rester un moment. Il y a toujours Athéna ou Apollon sur place. Je les glisse au fond de ma poche. Je n'ose pas lui répéter que je n'en ai pas besoin. Ça doit le rassurer quelque part, au milieu de toute sa culpabilité pour l'état de son frère. -Promis. Dis, ton pouvoir te permet d'invoquer n'importe quoi ? -Oui. -Donc, là, si j'avais envie d'une bière, il te suffirait de la faire venir à l'instant ? Il affiche un sourire moqueur tout en opinant, puis il se penche vers moi et dépose un b****r suave sur mes lèvres. -Mais tu n'as toujours pas l'âge de boire, me rappelle-t-il d'un ton malin. De bonne guerre. Je voulais lui changer les idées, je pense que c'est gagné ! -Tu veux que je conduise ? lui proposé-je alors qu'on rejoint sa voiture. -Hors de question, refuse-t-il catégoriquement. Je risque d'être encore plus énervé. On rentre au manoir dans une atmosphère heureusement détendue. Je parviens même à faire parler Deimos de son frère. Deux ou trois anecdotes franchissent ses lèvres : leur complicité sur le champ de bataille - ce qui pourrait être adorable dans un autre contexte -, les bagarres de gosses avec leurs deux autres frères jumeaux sur l'Olympe, ou encore les balades avec leur père sur les nuages d'orage que Zeus formait rien que pour eux. Une fois devant le manoir, on peine à sortir de la voiture. J'ai des papillons partout dans le ventre, ça devient n'importe quoi. Il faut arrêter ça tout de suite ! -Je vais passer la nuit avec mes sœurs, je dois leur parler de ce qu'il s'est passé à Central Park. Je pense que nous partirons à l'aube. Deimos affiche une grimace chagrinée tout en retenant ma main. On s'était dit qu'on partagerait le même lit dorénavant, mais je ne peux pas me laisser entraîner sur cette pente. Je doute de tout sauf de mon désir pour lui. Je veux bien croire qu'il en ressente aussi pour moi - la chouette d'Athéna l'avait déjà repéré mais étant donné son histoire, je comprends qu'il peine à lâcher prise, même sur ce terrain-là. -Comment te convaincre de monter avec moi ? grogne-t-il. J'ai envie de rire en lui affirmant qu'il n'a même pas à lever le petit doigt pour ça. Mais je bloque tout ça au fond de ma gorge pour trouver la meilleure excuse qui soit : -Tes frères sont là. Sa mine s'assombrit. Il a l'air autant perdu que moi, On a peut-être tous les deux besoin de recul. Il m'attire à lui et dépose un b****r sur mes lèvres, tendre et résigné. -Bonne nuit, Ella. Et il s'éclipse. Me séparer de lui me fend le cœur. Lorsque je grimpe les marches, chamboulée jusqu'aux tripes, regrettant de ne pas l'avoir suivi et expérimentant une poussée de fièvre sortie de nulle part, je serre les poings. Je fais bien de m'éloigner. Vraiment. L'opération peut commencer. * Quand la Coccinelle de mes sœurs s'arrête devant la maison de la Clairière, j'éprouve un étrange retour aux sources. Ça ne fait que quinze jours que je suis mariée et j'ai l'impression que ça fait une éternité ! Ma mère se jette sur ma portière pour l'ouvrir au plus vite et me serrer dans ses bras. Sans pouvoir prendre le temps de profiter de l'extérieur, ni des arbres qui commencent à se dénuder, je me retrouve aspirée à l'intérieur. -Ella ! Circé la Grande et Médée la Jeune m'interpellent aus- sitôt. Moi qui ai l'habitude de me réfugier dans la cuisine auprès de Zelda, me voilà encerclée par les sorcières et devenue le centre de l'attention dans le hall. -Thessa, nous te rendons ta fille tout à l'heure, s'engage Circé la Grande en me prenant le bras. Ma famille proteste pour la forme mais rien ni personne ne pourrait arrêter les deux guides. On s'installe dans le petit salon adjacent. La fenêtre entrouverte sur les jardins me fait frissonner de plaisir. J'ai hâte de parcourir la Clairière sauvage et ses couleurs sans craindre de croiser un s****e. -Alors, où en es-tu? s'impatiente Médée la Jeune. Mes mains recouvertes d'ichor me reviennent à l'esprit. J'inspire lentement en repoussant ce souvenir coupable. Il faut que je choisisse bien mes mots. Je suis toujours déterminée à ramener de l'ichor ici, mais pas de n'importe quelle manière. Je ne veux pas trahir au point de traîner un poids mort derrière moi, qui me ferait sûrement sombrer bien trop bas. Je veux pouvoir me regarder dans un miroir sans éprouver de honte. Il faut juste que je trouve comment m'y prendre ! Je leur raconte donc mes tentatives nocturnes et mes observations en demeurant la plus neutre possible : Deimos travaille beaucoup, passe énormément de temps au Siège et est très souvent entouré de ses Érynies et Semés. Il est quasi intouchable. Circé la Grande et Médée la Jeune écoutent attentivement. Elles ne me paraissent pas si inquiètes. Elles me disent même que ça ne fait que quelques jours. Leur sérénité m'étonne. Peut-être que je me suis mis trop de pression sur les épaules. -Il y a autre chose, finis-je par dire alors que Médée la Jeune nous sert une tasse de thé. -Nous t'écoutons. -Voilà... je rayonne. De temps en temps. Je les cloue sur place. Médée la Jeune a à peine le temps de relever le bec de la théière, mais elle reste penchée en avant, ses longs cheveux noirs glissant de son épaule. Circé la Grande allait attraper sa tasse et ses doigts se sont figés à quelques centimètres de l'anse. -Tu quoi ? s'interloque-t-elle. -Il m'arrive de luire, ça ne dure jamais, mais ça fait plusieurs fois. Médée la Jeune se redresse et partage un regard avec Circé la Grande. Plus ça va, et plus je suis convaincue qu'elles communiquent par la pensée, toutes les deux. Elles se fixent, les traits crispés, m'excluant de leur dialogue intérieur. Bon sang, mais qu'est-ce qui se passe ? -C'est grave ? demandé-je, de plus en plus angoissée. Les deux guides se rassoient. -C'est surtout inattendu, déclare Circé la Grande. Tu sais que nous sommes des descendantes du Titan solaire Hélios ? Pourquoi je n'ai pas fait ce rapprochement évident moi-même ? -Il est possible que ta nature de sorcière soit en train de s'éveiller. Mon cœur manque un battement. Ma ? -Q-quoi ? -Tes pouvoirs s'éveillent, si tu préfères, précise Circé la Grande. C'est ce que nous voulions avec cette union, puiser la magie dans un Olympien. Cette fois, ma cage thoracique se serre douloureusement. C'est vrai que chaque fois que j'ai rayonné, j'étais près de Deimos ! Nous pensions que ça éviterait de nouvelles générations de sorcières sans pouvoirs, mais pas que ton cas était... -Réversible, termine Médée la Jeune. Elles semblent tout autant stupéfaites que moi ! -Je suis en train de devenir une sorcière avec des dons ? J'ai pu repousser une panthère sans l'aide de la Stilla ! m'aperçois-je alors. -Comment ça, une panthère ? relève Circé la Grande, abasourdie. -J'ai été attaquée par des satyres et une panthère à Central Park, mais Deimos a... -Quoi ? Tu as été attaquée ? Les deux guides se mettent à bouillir sur place ! -On ne va pas laisser passer ça ! Les dieux devaient contrôler leurs créatures, ça fait partie des termes de cette union ! -On va convoquer Hermès et lui remettre un message pour Zeus, confirme Circé la Grande. -Mais je m'en suis sortie, insisté-je, paniquée par l'escalade soudaine de tension. -Là n'est pas la question, me coupe Circé la Grande. C'est toi qui as été visée par cette attaque, ce n'est pas rien. -Je vais m'en charger, dit Médée la Jeune en se levant et en sortant. Bon sang, je n'en ai même pas parlé à mes sœurs... Je sens que la journée va être longue ! -De mon côté, je vais battre le rassemblement. Ce soir, nous célébrons ton entrée dans notre communauté en tant que sorcière. Ça me semble si confus ! Et impossible ! J'ai peut-être rêvé tout ça ? -Tu es sûre? Circé me sourit avec confiance. Elle me prend les mains et on se lève, face à face. Elle ne dit rien mais je sens une chaleur émaner d'elle et me parcourir les bras. Ma peau se met à nouveau à luire, avec plus de force encore que les dernières fois. Un bouillonnement m'enflamme le ventre et se diffuse jusqu'au bout de mes doigts. -Tu es une fille d'Hélios, m'assure-t-elle d'une inclinaison de tête. Émue, j'acquiesce à mon tour. C'est tout ce que j'ai toujours voulu. Depuis que je suis enfant. * Mes sœurs ont sauté partout et ma mère a pleuré. Toutes se sont réjouies pour moi, Zelda, nos guides, les sorcières de passage à la Clairière, et toutes ont commencé à se rassembler, des petites filles aux sorcières confirmées. J'ai l'impression de revivre la journée de mon mariage : la préparation, l'attente et la stupeur. Je flotte dans un autre univers sans parvenir à toucher le sol. Je suis folle de joie et d'excitation, et la seconde d'après je plonge dans un océan de questions. Pourquoi maintenant ? C'est vraiment Deimos qui a réveillé mes pouvoirs ? Est-ce que je deviens ? Qui suis-je, même ? Je me suis construite pendant des années avec cette unique identité : la Sorcière sans dons. Qui est-elle à présent ? Vais-je beaucoup changer ? Enterrer la personne que j'étais jusque-là ? Ou est-ce que rien ne va bouger ? Dans ma tourmente intérieure, je me rends compte que je suis encore et toujours isolée. J'ai l'air d'être la seule à me poser autant de questions et à douter de qui je suis. La réjouissance de mes propres sœurs finit par m'interroger. Est-ce que je n'étais pas assez bien jusqu'à présent pour susciter désormais un tel enthousiasme ? Me voilà à nouveau au centre de l'attention, au milieu de la Clairière, dès la nuit tombée, dans une robe légère rouge, les cheveux lâchés. Les sorcières ont entonné des chants anciens en tapant dans leurs mains. Des vasques enflammées projettent sur elles des lumières tremblotantes. C'est plus bruyant et mystérieux que je l'imaginais. La cérémonie d'accueil est normalement réservée aux fillettes de sept ans, lorsqu'elles débutent leur initiation Je m'en souviens encore, alors que je n'y ai pas assisté. Je devais faire acte de présence à la Clairière, mais sans pouvoir participer. Ma mère m'a laissée dans une pièce de la maison, avec de quoi m'occuper, et le rite s'est déroulé dehors, sans moi. Me retrouver ici, ce soir, me déroute. Une part de moi refuse d'y croire. Parce que ça fait vingt ans que je souffre de l'exclusion qui s'est naturellement imposée et qui s'est insidieusement installée en moi. Je fais tourner l'anneau noir que je porte à l'index. J'avais fini par oublier cette forgée par les Olympiens. À cet instant, au milieu des chants de ma communauté, elle est la seule chose qui me raccroche à ma vie sans dons. Les sorcières s'écartent et laissent un passage à Circé la Grande et Médée la Jeune. Les deux guides s'immobilisent devant moi, chacune avec une coupe dans la main. -Ella, fille de Thessa, sœur de Circé et de Méroé, entame la première. Ce soir, tu rejoins notre communauté en tant que sorcière. Née du Soleil, tu es la Terre. Circé la Grande enduit ses doigts d'un ocre rouge liquide contenu dans sa coupe et les passe en travers de mon visage. -Si tu veux être puissante, sois puissante ! Si tu veux être courageuse, sois courageuse ! Si tu veux être forte, sois forte ! L'assemblée pousse une nouvelle exclamation. J'ai les jambes qui flanchent ! Le souvenir qui déboule dans ma mémoire me fait sourire et renifler tout à la fois. Quand j'avais sept ans, j'ai passé la soirée d'accueil de mes camarades seule dans une pièce. Mais lorsque nous sommes rentrées à la maison, mes deux sœurs m'ont prise par la main et nous avons trouvé refuge dans le jardin. Je me rends compte seulement maintenant qu'elles avaient mis en scène cette cérémonie, en me disant la même chose, et en me tartinant de ketchup. Je me tourne vers Médée la Jeune, impatiente de réentendre les mots que Méroé avait prononcés. -Ella, fille de Thessa, sœur de Circé et de Méroé. Ce soir, tu rejoins notre communauté en tant que sorcière. Née du Soleil, tu es la Terre. Elle me tend la coupe pour que je boive une gorgée du liquide parfumé qui la remplit. C'est une sorte d'infusion douçâtre, à la rose et au miel. Un peu comme le Nectar, mais sans l'alcool. Mes sœurs, elles, avaient bien évidemment misé sur la ginger beer de notre mère. -Si tu veux être féroce, sois féroce ! Si tu veux être savante, sois savante ! Si tu veux être sauvage, sois sauvage ! Toute la Clairière se met à nouveau à pousser des cris de joie. Je me sens ragaillardie, émue et pleine de reconnaissance. Je ne sais pas pourquoi j'ai laissé tant de place à mes idées noires encore une fois ! Tout le monde m'entoure mais je ne veux prendre dans mes bras que mes sœurs. Elles ont l'air aussi heureuses que moi, me glissant à l'oreille que leur cérémonie était quand même plus rigolote. Ma mère, elle, semble plus... attristée. Ou confuse. -Ça va, maman ? -Oui, oui. C'est vraiment étrange, je perçois même un fond de colère ou de rancœur. Peut-être parce que j'ai passé tant d'années isolée et que soudainement les choses changent. -Thessa, intervient Circé la Grande. Nous voudrions qu'Ella reste avec nous quelques jours. On doit lui apprendre les bases, elle sera plus concentrée en s'installant ici. Le corps de ma mère se tend, mais elle acquiesce. -Ça va aller, lui dis-je alors, inquiète. Elle m'attrape les mains et les embrasse. -On reste avec elle, décident mes deux sœurs, interpellées elles aussi par ce chagrin. Notre mère accepte volontiers avant de rejoindre Zelda pour l'aider à servir des verres de gin ou des tisanes infusées. -T'en fais pas, elle perd juste sa petite moldue, me taquine Méroé. Je la fusille du regard et tente le tout pour le tout : -Méroé dans son coin, n'aura plus qu'un groin ! Je m'attends à ce que son nez se transforme, mais rien ne se passe. Mes sœurs croisent leurs bras en faisant les malignes. -Bien essayé, fillette, mais tu ne maîtrises pas encore tout. Je grimace, déçue. -Et c'est long ? Elles dodelinent de la tête, puis m'embarquent avec elles pour fêter ça. On échange, on trinque, et chacune de mes compagnes me fait une démonstration de son sort favori : la création d'une lumière, l'éclosion d'une fleur, ou la transmission d'une émotion inattendue. Tout est plus doux que ce que je croyais. Au fur et à mesure, je me rends compte qu'elles sont soulagées de voir que mon cas est réversible. Je fais tout pour retenir cette nouvelle pensée sombre qui émerge : je devais être réparée. Ce n'est pas volontaire de leur part, c'est inconscient. Mais ça me heurte. Je vais changer, c'est certain, et j'ai même hâte de devenir une vraie sorcière comme je l'ai toujours espéré. Mais je ne veux pas perdre de vue ce que j'ai vécu jusque-là. Je profite de l'inattention de mon entourage pour leur fausser compagnie. Je sors de la Clairière et m'enfonce dans la forêt. Est-elle encore là ? La cabane dans l'arbre que ma mère avait fini par m'installer ? Mon refuge d'enfance, quand mes sœurs suivaient les enseignements des guides et que je devais m'occuper loin d'elles. Elle est bien là, une forme sombre au bout d'une échelle, dans la nuit. Je grimpe les barreaux et me hisse à l'intérieur. J'ai grandi, mais je tiens encore assise à l'intérieur, au milieu du silence et de l'obscurité. C'est vrai que c'est un soulagement. Je suis contente qu'aucune petite fille n'expérimente ce que j'ai vécu. Je m'allonge sur le dos et ferme les yeux. Et puis... Et puis, il y a lui. Mon crush impromptu. L'époux auquel j'essaie de ne plus penser, mais qui est là. Je joue avec l'anneau à mon index. Il m'a choisie parce que je n'avais aucun pouvoir, que va-t-il penser maintenant ? Je me sens bien avec lui. Et confiante. La lumière qui émane de mon corps éclaire l'intérieur de la cabane et me fait sourire.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD