Prologue
Point de vue de Alisson
Olympe, Lota, vendredi, 18 c°
Demeure des Murray
« Il fut un temps où notre monde était dit comme paisible. Les peuples s'entendaient à merveille, mais ce temps est révolu. Ce même monde nous a affaiblis. Il a fait de mes frères des faibles. » Ces mots tournent dans ma tête depuis la dernière annonce de ce matin. « - Et de nos sœurs des traînées. » Je répète machinalement ce discours pitoyable. « - Je ne suis pas une traînée... » Je tente de me convaincre. « - J'aurais tellement aimé vivre à l'époque de nos défunts parents. » Je bougonne alors que je passe le dernier coup de serpillière.
Mes frères sont au travail, alors je m'occupe en attendant leur retour. Je me suis occupée des courses, du ménage... pour une fois. Ils vont être fiers de moi. Bon, j'avoue que j'ai besoin d'argent. On fait comme on peut, les temps sont durs. Il me faut une nouvelle robe, il y a une soirée dans trois jours. Je veux être la plus belle. Je veux qu'il ne remarque que moi. Je suis sûre qu'on fera un très beau couple ensemble.
Je souhaite me marier. Je ne veux pas finir vieille fille comme ma tente. Si je ne me marie pas, ils me verront comme une femme de joie, alors que je n'ai jamais rien fait. Ils se diront qu'aucun homme ne veut de moi car je suis une femme aux mœurs légères. Malheureusement, nous sommes dans une ère où les femmes retrouvent leur réputation salie juste à cause de rumeurs. Je ne veux pas que l'honneur de mes frères soit bafoué. Donc, je dois me marier avant mes 23 ans sinon, je suis destinée à finir seule. Je ne veux pas vivre éternellement aux crochets de mes frères.
Mon ménage fini, je vais vite me préparer de quoi m'alimenter. Je me dirige vers la cuisine tout en sautillant de joie tout en m'imaginant dans ma nouvelle robe. Alexandre va être raide dingue de moi. Nous ferons un mariage incroyable. Il y aura une grande allée de fleurs et je serai accompagnée de mes frères. Nous aurons des enfants... juste un enfant, c'est déjà beaucoup. Flemme de me coltiner une armée d'enfants juste pour le plaisir des autres.
Enfin en cuisine, je me dirige vers les placards. Je sors un paquet de pâtes, une boîte de sauce bolognaise bon marché. Je me tourne vers le réfrigérateur pour récupérer la viande hachée que j'avais mise de côté pour mon repas. Je me hâte à la préparation de mon déjeuner.
Alors que je coupe un oignon que j'avais pris dans la foulée pour donner un peu plus de goût au plat, on toque à la porte. Je me tourne immédiatement vers l'horloge qui habille le grand mur de la cuisine. Je fronce les sourcils en comprenant que ce n'est sûrement pas mes frères qui sont de retour du travail.
Toc-Toc !
"- J'arrive !"
Je rince vite mes mains avant de courir presque vers la porte d'entrée. Je pose ma main sur la boule qui sert de poignée à la porte. Je n'ouvre pas immédiatement. Je jette un coup d'œil vers l'extérieur à travers l'œil-de-bœuf. Je retiens mon souffle en reconnaissant la couleur de l'uniforme de notre chère armée.
Je déteste cette couleur. Je déteste le jaune moutarde. Je déteste l'armée. Je déteste notre gouvernement. Je déteste leurs lois. Je reprends mes esprits en ravalant ma colère. J'ouvre lentement la porte. Je serre les dents en voyant l'emblème de notre patrie sur la petite poche du veston de ce soldat.
"- Je me trouve bien chez les Murray ?" Me demande ce pion sans même prendre le temps de me saluer.
"- Oui, pourquoi ?" Je le questionne alors que mon pouls s'accélère.
"- Je vous prie de transmettre ces courriers à vos frères à leur retour." Il me tend deux enveloppes rouges.
Comment sait-il que mes frères ne sont pas là ?
"- Non... Ce n'est pas possible." Je refuse de les prendre en main.
"- Je vous prie de transmettre ces convocations à vos frères. S'ils ne se présentent pas à la présélection, ils seront exécutés pour trahison et désertion." Il ne laisse pas vraiment le choix.
"- Vous êtes des monstres !" Je m'empare des convocations. "- Vous envoyez les hommes de nos familles se faire tuer pour le plaisir de la haute société." J'explose en me retenant de lui cracher au visage.
"- Je vous prie de garder votre calme, sinon je serai dans l'obligation de vous arrêter pour injure envers le gouvernement." Il me fait vite comprendre que je n'ai plus vraiment le choix.
"- Vous voulez que je transmette à mes frères des convocations qui les mèneront à une mort certaine." Je cède aux larmes.
"- Ils n'auront qu'à remporter la partie." Il conclut avant de me tourner le dos.
"- Mais personne n'a jamais réussi..." Je sanglote alors qu'il disparaît de mon champ de vision.
Le gouvernement m'a déjà retiré mes parents et maintenant ce même gouvernement souhaite me retirer mes frères.
Ma seule famille.