Un Beta Avant un Alpha

Point de vue de Lauren   Je ne peux pas m'empêcher de rejouer la scène de ce jour-là il y a un mois dans ma tête. Je suis allongée dans mon lit avec la couverture sur ma tête. J'aimerais que ce ne soit qu'un cauchemar, mais ce n'est pas un cauchemar. C'est ma réalité. Le mois dernier, pour mon 18e anniversaire, j'étais dans la cuisine de la cafétéria de la maison de la meute en train de prendre le petit-déjeuner avec mon frère Julien, avant le travail, à la crèche de la meute. Juste au moment où nous nous asseyions, j'ai entendu un grognement déchirer la pièce. Nous nous sommes tous les deux rapidement retournés, et à ma grande surprise, j'ai vu Nathan - l'Alpha. Le grand corps musclé de Nathan était tendu. Il avait l'air si en colère, mais aussi séduisant.   Pourquoi ne l'ai-je pas remarqué comme ça avant ? Il était toujours beau, mais maintenant, je me sens plus attirée par lui. Ses grands yeux bleus sont magnifiques, bien qu'ils aient l'air en colère. Je réalise soudain qu'il me regarde. Nos yeux sont verrouillés. Il est en colère, et il me regarde ? Pourquoi ?   Sa mâchoire est serrée. Puis soudain, je capte le parfum le plus enivrant ; c'est si doux. Je commence à entendre le mot 'Compagnon' répété dans ma tête. Attends, quoi ? Nathan est mon compagnon ? Je n'en reviens pas ! Je me lève pour aller vers lui, mais il secoue la tête, avec du dégoût sur son visage, et s'éloigne. L'air me manque soudainement. Je ne peux pas respirer, et toute mon énergie est partie. Je m'effondre dans mon siège. "Qu'est-ce qu'il y a ? Que se passe-t-il ?" Julien demande, l'inquiétude visible sur son visage. J'ouvre la bouche, mais rien ne sort. Mon corps commence à trembler, et ma vision devient floue. Je me sens étourdie et comme si mon cerveau ne recevait pas assez d'oxygène.   Julien se met à genoux et essaie de m'instruire pour que je respire. J'essaie d'écouter. Je ne veux pas me sentir comme ça, et je ne veux définitivement pas faire de scène, mais j'ai l'impression que mon corps est complètement hors de mon contrôle. Les taches noires prennent lentement le dessus sur ma vision jusqu'à ce que je perde toute conscience. Je rouvre les yeux, et je suis dans les bras de Julien, et il crie après quelqu'un.   "Julien ?" je dis d'une voix enrouée. Il me regarde, et un soulagement l'envahit.   "Lauren, ça va ? Que s'est-il passé ?" il demande. Je regarde autour de moi, et je suis dans la section hôpital, entourée d'infirmières.   "Je ne sais pas ?" je murmure, mais dès que les mots quittent ma bouche, je me souviens instantanément. Je me rappelle des événements qui m'ont conduite à cette attaque de panique, qui a entraîné mon évanouissement. Ma poitrine se sent serrée, et tout ce que je veux, c'est sortir d'ici et aller dans ma chambre, où je peux m'effondrer sans que tout le monde le sache et me regarde. Je vais rassembler toute la force que j'ai ; juste pour m'y rendre, je me dis.   Je me dégage des bras de Julien. "Je vais bien. Je me sens juste fatiguée. Je pense que je ne vais pas très bien. J'ai juste besoin d'aller au lit et de me reposer," je rassure Julien et le personnel médical qui m'entoure.   "Laisse-nous au moins vérifier tes signes vitaux," un médecin demande.   "Je vais vraiment bien. J'aimerais juste aller me reposer ; je reviendrai si cela s'empire," je les rassure et je commence à partir. Julien est sur mes talons. "Lauren, qu'est-ce qui se passe ?" il demande. "Dans ma chambre," je crie à voix basse.   Je garde la tête baissée, et nous marchons rapidement vers ma chambre. Dès que la porte de ma chambre se ferme, les écluses s'ouvrent, et je pleure sans pouvoir me contrôler. Avant que Julien puisse même me demander ce qui se passe ou la raison pour laquelle je pleure, je me lâche.   "J'ai trouvé… mon compagnon… et … il ne… voulait… pas… de moi," je sanglote.   "Qui ? Quand ?" il demande, les sourcils froncés. J'explique ce qui s'est passé dans la cafétéria plus tôt, et Julien est furieux. Dire que Julien est un grand frère protecteur est un doux euphémisme. Julien est l'un des meilleurs guerriers de notre meute, et il n'a jamais eu peur d'utiliser sa force pour me protéger ou me défendre. Cependant, il ne pourrait jamais gagner contre notre Alpha, donc la dernière chose que je veux, c'est qu'il se blesse, ou pire, à cause de ses instincts protecteurs.   "Promets-moi que tu ne lui diras rien !" je demande. Julien me fixe intensément.    "Je ne peux pas promettre ça. Je peux promettre que je ne dirai rien pour le moment. J'espère que c'est un malentendu et que vous deux allez régler ça... rapidement." Il hoche la tête et me prend dans ses bras.   J'ai passé les trois jours suivants à pleurer dans ma chambre, à me sentir anxieuse et à ressentir une douleur que je n'avais jamais connue auparavant. J'avais informé le travail que j'étais malade. Au quatrième jour, Julien est venu avec le petit-déjeuner.   "Mange, puis prends une douche et mets des vêtements de sport confortables. Tu aimes la salle de sport, et tu as toujours fait de l'exercice pour gérer le stress, alors pourquoi pas maintenant ?" il demande.   "Tu ne peux pas rester enfermée ici pour le reste de ta vie. Tu dois commencer à vivre. De plus, peut-être que c'était juste un malentendu, et si c'était le cas, tant mieux, vous pouvez tous les deux passer à autre chose, et si ce n'était pas le cas... eh bien, tu dois quand même avancer. Tu ne peux pas vivre comme ça éternellement," Julien explique.   Il a raison. Je suis remplie de dégoût pour moi-même, même si je sais que je ne mérite pas ça. J'engloutis mes œufs et mon bacon, puis Julien et moi convenons de nous retrouver à la salle de sport dans 40 minutes. J'ai le temps de prendre une douche et de m'habiller en vêtements de sport.   Après ma douche, je me retrouve à me regarder dans le miroir, observant mon reflet. Je ne peux pas m'empêcher de vouloir décortiquer mon apparence dans le miroir. Mes cheveux châtaigne ne m'avaient jamais dérangée auparavant. En fait, j'ai toujours aimé la teinte brun-roux, mais peut-être que Nathan ne l'aime pas ? J'ai les yeux noisette et des traits doux, et mon corps est tonique. Mes seins ne sont pas énormes, mais ils ne sont pas petits non plus. Mon derrière est plus gros que je ne le voudrais, peut-être que c'est ça ? Peut-être que Nathan veut un corps de mannequin ? Ou des gros seins ? Peut-être qu'il aime les blondes ? Ou les cheveux rouge feu ? Les yeux bleus ? Les yeux verts ? Je mesure 1,63 m ; peut-être qu'il veut une compagne de grande taille ? Je me souviens de son visage ; il était tellement dégoûté par moi. Qu'est-ce qui le répugne tant ? Je ne suis pas une guerrière ; peut-être qu'il voulait une Luna forte ? Ça me tue.   Je dois savoir. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Je dois lui poser la question. Pour que je puisse au moins comprendre ce qui ne va pas et savoir s'il y a quelque chose que je peux faire. Je n'ai jamais pensé que mon compagnon donné par la déesse voudrait me changer ou que je ne serais pas à la hauteur pour lui. Je pensais que j'étais parfaite pour lui. Je n'ai aussi jamais pensé que je voudrais me changer pour quelqu'un. Cela ne me semble pas juste.   ***   Julien avait raison ; faire du sport était exactement ce dont j'avais besoin. Je sens toujours que mon monde s'effondre autour de moi, mais je me sens un peu plus forte en ce moment. Je me suis toujours vue comme forte, et je tiens bon, mais il semble que je ne sois pas moi-même quand il s'agit de Nathan.   Je suis la plus mauvaise version de moi-même. Je pensais que c'était supposé être l'inverse avec les compagnons ? Nous sommes restés à la salle de sport pendant deux heures. Nous avons fait beaucoup d'exercice, mais nous avons aussi eu des moments où nous avons simplement parlé de mes pensées et Julien m'a rassuré qu'il ne me manquait rien. Ma confiance en moi a vraiment pris un coup à travers tout ça, mais Julien est le meilleur grand frère et l'un de mes meilleurs amis.   Julien et moi avons quitté la salle de sport séparément parce que Julien devait se rendre à un cours d'entraînement de guerriers. Je suis rentrée à la maison de la meute pour me préparer, puis je devais rendre visite à ma mère. Apparemment, elle commençait à s'inquiéter pour moi parce que je m'étais enfermée dans ma chambre pendant les derniers jours. J'ai dit à ma mère que j'étais malade, et elle y a cru.   Julien lui a dit qu'il m'apporterait mes repas pour qu'elle ne vienne pas, mais apparemment, elle commence vraiment à s'inquiéter. Elle a mentionné à Julien ce matin qu'elle viendrait me voir aujourd'hui. Je suis perdue dans mes pensées, réfléchissant à si je devrais dire à ma mère ce qui se passe vraiment dans ma vie, quand le son d'un grognement me ramène à la réalité. Je lève les yeux, et à ma surprise, Nathan est devant moi, seul. Je m'arrête en plein mouvement et je fige.   Il est à quelques pieds de moi, et en étant si proche, son parfum divin emplit mes poumons. Rien qu'en le sentant, je me sens bien. Nos yeux sont rivés l'un sur l'autre, et il a encore l'air si en colère. Son corps est tendu, et ses mains sont serrées. Une partie de moi veut tout simplement prendre des risques et le toucher. J'ai tellement envie de le toucher.   Je fais un pas de plus, et il recule rapidement d'un pas. "Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi ne veux-tu pas de moi ?" je demande, essayant de paraître aussi forte que possible, mais ma voix a craqué, et je sais que mes émotions sont écrites sur mon visage.   "Je ne veux pas de compagne. Je ne te veux pas," l'expression de dégoût sur son visage lorsqu'il a dit, "Je ne te veux pas," n'est pas passée inaperçue.   "Pourquoi ?" je demande. Même si mon cœur se brise, et qu'une partie de moi sait que je devrais partir à ce stade, je ne peux pas.   "Les compagnes destinées rendent simplement les Alphas plus faibles. Je vais diriger cette meute comme je l'entends, et je n'ai pas besoin d'une compagne destinée pour me rendre faible et perdre de vue mes objectifs. J'ai accepté un accord avec la fille de l'Alpha Roy, de Blue Moon. Je vais garder la tête sur les épaules, et nos petits seront forts avec les deux parents ayant du sang d'Alpha dans les veines," il admet.   L'entendre parler de quelqu'un d'autre et du projet d'avoir des petits avec elle me fait mal physiquement. Je sens ma poitrine se serrer, et je sens les larmes menacer de couler. Cependant, je ne vais pas le laisser me voir pleurer. Je fais un pas en avant, et d'une manière ou d'une autre, mes jambes semblent instables, et je trébuche sur mes propres pieds. Je sens sa main forte saisir mon bras brutalement et me redresser.   "Fais attention où tu marches," il grogne.   Je ne pouvais pas m'empêcher de le fixer. La sensation de sa main sur mon poignet a envoyé des étincelles tout le long de mon bras. Il a retiré sa main et s'est éloigné d'un pas lourd. Ce n'était pas un malentendu comme Julien l'espérait ; il ne me veut vraiment pas. À ce moment-là, cela semblait tellement définitif. Je n'aurai pas mon compagnon. À ce moment-là, je savais que je devais tout dire à ma mère.