Des éclats dans l'éternité

Chapitre 14

Shola était derrière l'écran de son ordinateur au bureau. Elle entrait de nouvelles données dans le dossier de leur nouveau contrat qu'ils avaient obtenu un peu plus tôt. Elle avait passé une journée assez mouvementée et ressentait un léger mal de tête. Elle s'est levée et s'est rendue dans leur infirmerie pour voir Siloa.

Siloa était son amie au travail et en même temps, c'était elle qui assistait le chef médecin de leur société. Ils n'avaient pas trop de raisons d'avoir un cabinet de santé dans leur lieu de service, mais leurs employeurs voulaient que les employés puissent travailler dans d'excellentes conditions de travail afin que rien ne soit négligé ; même pas un léger mal de tête ou des problèmes de santé un peu plus complexes qui pourraient affecter la qualité de leur travail.

Siloa est sortie du rideau qui cachait une partie de la pièce. Elle retenait ses cheveux dans une calotte et portait des gants. Elle avait mis un stéthoscope autour du cou et déposait un thermomètre sur la table. Elle avait de gros yeux, mais jolis et un sourire arborait son visage. Elle n'était pas très élancée, mais possédait une silhouette de corps digne d'une grande diva. Un vrai mannequin, mais un mannequin des piqûres.

- Dis-donc jeune fille, tu as une drôle de tête aujourd'hui. Tu devrais te regarder dans un miroir.

- Je sais Siloa, j'ai une grande migraine. Tu n'imagines pas comment ma journée d'aujourd'hui a été rude.

- Tu es l'héros du jour pourtant, alors de quoi te plains-tu ?

Siloa avait l'habitude de taquiner Shola presque tout le temps. C'était des amies pas comme les autres. C'était grâce à Shola qu'elle avait pu trouver cet emploi dans la société. Elles avaient fait la même école depuis les cours primaires et étaient presque inséparables. Les deux filles se complétaient et elles s'entendaient toujours pour faire les choses d'un commun accord. C'était prévu que Siloa fasse les mêmes études que Shola, mais le décès de quelqu'un qui lui était proche avait changé les choses.

C'était la maman de Shola. Elle était la marraine de Siloa et Siloa l'aimait énormément. Le fait qu'elle soit tombée malade et que Siloa n'ait rien pu faire pour atténuer ses douleurs a poussé Siloa à revoir ses plans et à choisir la médecine comme études universitaires. Elle ne voulait plus qu'un de ses proches tombe malade jusqu'à en perdre la vie. Shola de son côté avait la nausée à la vue du sang et le temps qu'elle avait passé près de sa mère pendant son agonie l'avait complètement traumatisée de manière à ce qu'elle n'avait pas du tout envie de faire la médecine pour rejoindre Siloa.

Siloa venait d'ausculter un de leurs collègues. Il avait du mal à respirer suite à la petite fête qu'ils avaient faite il y a quelques heures plus tôt entre les personnels les plus importants de la société. Le chef de Siloa n'était pas là, mais les deux filles n'étaient pas non plus seules dans la pièce.

- Je ne peux pas tout te dire ici Siloa, mais crois-moi, j'ai de quoi me plaindre. Je suis si fatiguée, et j'ai des maux de tête. Donne-moi des calmants stp.

Elle a passé le revers de sa main sur son front, comme pour vérifier sa température.

- Tu n'aurais pas a***é avec l'alcool tout à l'heure ? Fais-moi voir ta petite tête.

Siloa a fait signe de la main en direction du rideau, signifiant à la personne à l'intérieur de patienter un peu, puis elle a avancé vers Shola pour vérifier rapidement son état de santé avant de dire quoi que ce soit.

- Donne-moi juste les calmants s'il te plaît. Si tu avances tes mains, je vais te mordre sans hésiter.

Siloa a un peu hésité, puis elle a souri avant de donner une petite tape sur la cuisse gauche de Shola.

- Bon, tu vas prendre toute une dose d'éléphant. Assieds-toi là, tu risques d'oublier qui tu es dans quelques instants.

Les deux amies ont ri timidement pendant que Siloa a sorti quelques comprimés et les a tendus à Shola. Elle les a pris et est retournée dans son bureau quelques minutes plus tard après une brève discussion avec Siloa.

Il restait environs 1h pour qu'elle finisse sa journée de travail. Tout s'était bien passé pour elle à quelques détails près et elle avait encore quelques autres courses à faire avant de rentrer chez elle.

Le téléphone sur la table a sonné. Elle a regardé, c'était le numéro inconnu de tout à l'heure ; celui de Sègla. Un message exprimant de nouveau des sensations de regrets et une certaine invitation pour qu'ils se revoient.

Shola avait oublié de lui répondre après avoir appelé Fèmi. Elle lui a laissé un message exprimant que ses excuses devraient surtout être adressées envers Fèmi et elle est restée silencieuse sur l'invitation qu'il lui proposait. Elle n'était pas prête à jouer le jeu de la séduction avec lui, et de toutes façons, elle avait déjà prévu passer chez Fèmi dès qu'elle sortirait du boulot.

Quelques instants plus tard, son téléphone a sonné de nouveau. Cette fois-ci, c'était un appel et c'était Sègla qui appelait. Elle n'a pas décroché. Elle n'aimait pas mélanger la vie privée à la vie professionnelle. Son temps au service, ommis la pause, était pour travailler et uniquement pour ça. Elle pouvait se permettre les messages parfois, mais pas des appels si ceux-ci n'étaient pas urgents.

Après deux tentatives sans suite, Sègla a arrêté d'appeler. Il lui a laissé un petit texto que Shola n'a pas lu. Elle s'est mordue la lèvre, se souvenant de l'arrogance de Sègla et du malaise qu'il avait créé à l'exposition. Elle se demandait si Fèmi avait été blessé par cette altercation ou s'il avait des ressentis qu'il gardait pour lui.

Tout s'est passé si vite qu'elle avait oublié la soirée d'hier. Certes, elle avait gardé de bons souvenirs et n'était pas si en colère contre Sègla, mais il devait revoir son comportement envers les gens, car elle n'appréciait pas cela et elle n'était pas d'accord avec le fait que Fèmi ait été traité comme un moins que rien, malgré que c'était à cause de lui qu'elle avait pu assister à cette exposition. Il n'y avait rien de formel entre les deux, mais elle l'appréciait énormément.

L'heure pour Shola de rentrer avait sonné. Elle a rangé ses affaires et a souhaité une bonne soirée à son patron avant de quitter le bureau. C'était pas fréquent de voir Mr. Lawani au bureau jusqu'à l'heure de fermeture, mais il arrivait quelques fois qu'il tarde avant de rentrer. Généralement, il rentrait une ou deux heures plus tôt. En sortant de son bureau, elle a rencontré Siloa qui revenait de la direction.

- Eh, copine, tu rentres déjà ? Pas de câlins pour moi aujourd'hui ?

- Excusez-moi, qui êtes vous ?

Shola avait la mine renfrognée. Elle fixait Siloa de manière étrange et son regard avait un air étonné.

- Qu'est-ce qui ne va pas avec toi ? Faut pas me faire peur hein. Tu as bu quoi comme ça ?

Siloa observait Shola d'un air bizarre.

- J'ai pris des médicaments qui étaient censés me faire oublier qui je suis. A la place c'est toi que j'ai oubliée.

Shola a éclaté d'un grand rire. Elle avait eu son amie. Siloa a boudé avant de se mettre à rire aussi.

- Tu es vraiment une fille irrécupérable Shola. Tu te sens mieux maintenant ?

- Oui, beaucoup mieux joli coeur. Bon, j'ai des courses à faire avant de rentrer, donc je vais vite bouger. Toi, assure toi de passer tes heures restantes avant de bouger hein.

- N'en doute pas une seconde avec le genre de chef que j'ai.

Les deux amies se sont mises à rire de nouveau, puis Shola a fait un signe d'au revoir de la main à Siloa.

Shola venait de s'enregistrer au portail d'entrée de la société. Elle a mis ses empreintes, puis a signé le cahier avant de sortir. Les agents de sécurité ont rapidement fait une fouille de son sac à main avant qu'elle ne continue son chemin vers la sortie. La société mettait un point important sur les faits et gestes des employés. Ils ne toléraient aucun écart de conduite.

Shola attendait debout devant la société et cherchait un zem qui pourrait la conduire au domicile de Fèmi. Elle ne connaissait pas le lieu exact, mais elle voulait d'abord trouver le zem avant d'appeler Fèmi pour qu'il le lui indique directement.

Elle a mis plus de 5 minutes là à chercher un zem. Généralement, ça ne prenait pas plus de 2 à 3 minutes pour trouver un conducteur de taxi-moto, mais tous ceux qu'elle avait trouvés avaient déjà des clients à l'arrière de leur moto. Elle devrait donc patienter afin de trouver un qui n'aurait pas déjà de client.

Au bout de quelques instants, une moto a klaxonné de l'autre côté de la voie. Shola avait le regard baissé sur son téléphone qu'elle manipulait. Elle a soulevé la tête et a vu le zem qui klaxonnait pour attirer son attention. Elle a fait un signe de tête pour lui dire de venir, puis elle a porté l'anse de son sac à main sur son épaule gauche et a tenu son téléphone portable avec la main droite.

Elle ouvrait l'historique des appels sur son portable quand le zem a tourné et est venu s'arrêté devant elle.

- Bonsoir madame.

- Bonsoir fofo. Vous avez fait un peu ? Je dois me rendre quelque part, mais je ne connais pas bien l'endroit, donc s'il vous plaît, je vais appeler la personne chez qui je vais et vous allez discuter avec lui pour qu'il vous indique l'endroit.

Le conducteur de taxi-moto a acquiescé. « fofo » signifiait grand frère en langue fon. C'est une habitude pour les personnes parlant cette langue d'employer ce mot envers les personnes inconnues pour lesquelles elles voudraient témoigner du respect.

Shola a appelé Fèmi et les deux ont discuté brièvement avant qu'elle ne lui passe le zem. Il a discuté avec le zem et après quelques échanges, celui-ci a confirmé savoir où il devrait conduire exactement la jeune fille. Le zem a repassé le téléphone à Shola qui s'est mise à conclure avec Fèmi.

Au moment où Shola s'apprêtait à monter sur l'arrière de la moto tout en discutant avec Fèmi, un jeune homme s'est avancé vers eux et a appelé son nom tout en lui offrant un large sourire. Shola a tiqué, puis a lancé son regard vers la direction d'où est venue la voix, et elle s'est montrée confuse par rapport à la situation qui se présentait devant elle. Fèmi était toujours de l'autre bout de la ligne.

- Sègla ??