03

3906 Words
Au poste de la brigade criminelle, je fais rebondir nerveusement mon talon sur le sol, n’étant pas totalement sereine dans cet endroit, quand on sait ce qui m’attend dehors. Je tire nerveusement la peau autour de mes ongles et quand enfin, on m’appelle à venir, je me lève d’un bon pour suivre le jeune qui m’amène au bureau de Monsieur Mickaël A. Martin. Le jeune referme la porte dans mon dos, me laissant seule face au frère de Xavier. – Bonjour, il me dit. Qu’est-ce qui t’amène ? Le cambriolage de ton appartement ? Je m’assieds sur une chaise à peine confortable qui doit avoir dix ans et qui a dû en connaître, des fesses tendues. Sans réellement conscience de mes faits et gestes, je continue de m’arracher la peau autour du pouce. Mike me regarde les mâchoires serrées, ses cheveux attachés en queue totalement négligée. Des mèches blondes aux racines noires lui tombant sur les joues. – Comment tu sais, pour l’appartement ? Je demande. – Je sais qu’on a dû mal à communiquer entre brigades, mais je me tiens informé de ce qu’il se passe dans ton quartier, me répond Mickaël. – Est-ce que tu en fais une histoire personnelle ? Je questionne. – Je suis réduit à rester dans ce bureau toute la journée, me dit Mickaël. Je n’ai pas le droit d’intervenir sur place, il me confie. Justement parce que j’en ferai une affaire personnelle, il précise. Je prends l’information en hochant la tête. J’avale ma salive et je regarde mon pouce puisque soudainement, il picote un peu. Je me rends compte que j’ai trop tiré sur ma peau. Je saigne légèrement. – Est-ce qu’il y a du nouveau sur le cambriolage de la bijouterie ? Je demande. – Non, il me répond. Écoute, Marion, je suis conscient de ce que tu représentais pour Xavier et je n’ai pas envie de te prendre par les sentiments pour que tu me vendes le fameux Aziz, mais la peur que je vois dans tes yeux depuis que j’ai croisé ton regard me laisse penser que tu as des choses à dire, mais que tu ne peux pas les dire sûrement parce qu’il te menace derrière. Je ne veux pas que tu sois en danger par ma faute, surtout que je ne peux pas intervenir dans ton quartier ou alors, je mettrais en jeu mon métier et je ne suis pas sûr que ce serait intelligent de ma part de me prêter à ça. – Il m’a demandé de te faire rentrer dans le quartier en l’échange du nom de celui qui a tiré sur mon patron, je lui confie. Mickaël rit jaune. Il croise ses bras sur son bureau vieux de l’an quarante, puis il me regarde les mâchoires de nouveau serrées. – Je lui ai répondu que je ne travaillerais jamais pour lui, je précise. Il m’a dit que je le faisais déjà en ayant menti sur le cambriolage, je souffle. Le frère de Xavier ne me dit rien. Il me regarde juste. – Je crois que je suis en danger, là-bas, je confie. Ils croient que je travaille pour vous. – Prouve-leurs que non, il me conseille alors. – Comment ? Je demande. J’ai peur qu’ils s’en prennent à mes parents, je dis. Je sais qu’ils n’y toucheront pas le temps que Farid sera là, mais… Je hausse les épaules en secouant la tête parce que j’ai envie de pleurer. – Mais… je reprends, ils ont tendance à agir sans son consentement, je souffle. Hier, dans mon appartement, je crois que ce qu’ils envisageaient, c’était me tuer ou alors me faire assez peur pour que je ne vienne pas ici donner des informations qui pourraient les compromettre. – Tu es là, pourtant, souligne Mickaël. Je ne dis rien. – Je ne peux rien faire pour toi, il me dit. Pour engager des procédures telles que la protection d’un témoin, il faut que tu me donnes des informations. Je ne réponds pas. – Une planque, un squat, un nom, un rendez-vous… – Je n’ai rien, je dis. – Alors… fais en sorte de l’obtenir, il me souffle. Couche avec Farid, s’il faut. Je secoue la tête pour exprimer une négation, me mettant à pleurer. – Je suis bloquée ici, je dis. Et je vais me faire tuer d’avoir été au mauvais endroit au mauvais moment… Je ne trouve pas ça juste. – Trouve où Farid se planque, dis-le-moi, et je te sors de là. Je refuse encore. – Il ne te fera rien, tu le sais, tu serais déjà morte, sinon, dit Mike. Je secoue de nouveau la tête pour refuser. – Marion… fais-le pour toutes les victimes, il me dit. Fais-le pour Xavier, fais-le pour les grands-mères qu’il a fait tabasser parce qu’elles ont osé venir se plaindre au poste. Fais-le pour son frère et sa sœur… – Non, je souffle. – Tu seras plus en sécurité s’il croit que tu l’aimes à la folie, que si je te donnais une adresse dans une autre ville, ils te retrouveraient toujours. Je sèche mes larmes. – Fais-le pour Hector, il me souffle. Pour sa femme et ses trois enfants. Je renifle un peu. – Je te donne de quoi me contacter, ajoute Mike. Et dès que tu as une info, tu me bipes et on se rejoint à une adresse que je te donnerai en temps voulu. Je ne dis rien. – Tu veux que ça s’arrête ? Demande Mickaël. – Il me fera suivre partout où j’irai, je dis. Je ne pourrais jamais te rejoindre sans qu’il sache que je le fais. – Je vais réfléchir à un plan et je reviendrais vers toi quand je l’aurai peaufiné, il me dit. Je te convoquerai au poste, il n’aura pas le choix que te laisser venir. Je hoche la tête. – Je veux sa planque, Marion, il me dit. Si j’ai deux trois noms en bonus, c’est très bien, mais je veux savoir où il se cache, il souligne. Je veux savoir où il fabrique sa merde. Farid ne vit pas dans la tour. Ça lui sert de couverture, mais il ne vit pas dedans. Il sait que sa sœur s’occupe très bien de leur petit-frère et il s’est arrangé avec la voisine pour qu’elle s’occupe de l’école et des devoirs de Mohammed, ainsi, il peut vivre dans sa planque et venir à l’appartement quand ça lui chante de le faire. Je prends sûrement un très gros risque à accepter de faire ce que me demande Mickaël, mais si ça peut avoir un impact sur la terreur qui règne dans le quartier, je dois essayer. – Je te protégerai à partir du moment où tu accepteras le deal, il dit. Et si tu fais en sorte qu’il te protège aussi, tu ne risqueras rien, il faut juste que tu sois très forte. Je hoche la tête. – Ne lui parle jamais de moi. Ne lui parle jamais de Xavier. Ne pose pas de questions trop ciblées, d’ailleurs ne pose jamais de questions, il me conseille. Laisse-le parler tout le seul et si c’est dans un moment de panique, c’est là que tu devras attaquer en le bombardant de questions. Sache que toi, tu ne risqueras rien. Tout ce qu’on fera semblant de faire contre toi, si on doit en arriver là, ce sera que pour qu’ils y croient, mais tu ne risques rien, ok ? – Ok, je dis. Je serre les mâchoires, n’en pouvant plus de pleurer. – Et si je n’apporte rien de concret ? Je demande. Si je n’arrive pas à savoir ce que tu me demandes ? – Farid est loin d’être bête, Marion, me dit Mike. Il se fait passer pour un idiot pour que les gens qui lui tournent autour croient qu’ils sont tout-puissants à côté de lui, mais il est loin d’être aussi bête qu’il le laisse croire, il souligne. Il ne prendra jamais le risque de t’emmener à sa planque. Il ne prendra jamais le risque d’en discuter. Il faut que tu fasses un travail d’enquêteur, il me dit. Que tu fouilles, que tu regardes par-dessus son épaule… Je hoche la tête pour lui faire comprendre que j’enregistre les directives. – Il ne te dira jamais qu’il a fait torturer mon frère pendant cinq jours, souffle Mickaël. – Tu connais les raisons derrière tout ça ? Je demande. – J’étais sur Farid depuis qu’il est sorti du lycée, me dit Mike. Malheureusement pour moi, Xavier a été imprudent en jouant au plus malin à crier sur tous les toits qu’il serait de ceux qui essayeraient de mettre un terme à la violence dans les quartiers et en plus, il ne se cachait pas d’être mon frère, il devait se sentir intouchable. – C’était une tête brûlée, je dis. Au lycée, ils se battaient souvent, avec Farid, je précise. – Je sais. – Ils ne s’entendaient pas, je souligne. J’étais avec Farid et je crois que ton frère voulait me sauver de l’avenir qu’il me réservait… Il semble avoir déjà entendu l’histoire, comme si Xavier lui avait tout raconté. – Ce ne sont que des suppositions, finalement, je souffle. On ne sait pas qui a fait ça. Farid est le suspect numéro un que parce que tu es persuadé que c’est lui. – Il n’est pas suspecté, me dit Mickaël, il ne serait pas dehors à terroriser le quartier, s’il l’avait été. Il croupirait en cellule dans l’attente de son jugement. Je ne dis rien. – Et si je suis dans ce bureau aujourd’hui, à écouter ses victimes me déposer des plaintes toute la journée, c’est parce que j’en faits une affaire personnelle et que mon chef trouve que je prends des risques inutiles qui mettent en danger mes coéquipiers. Je ne suis pas là parce que je rêvais d’être dans mon bureau pendant que mes collègues sont sur le terrain à se faire dénigrer par une b***e de bras cassés qui ont arrêté l’école à douze ans pour devenir les guetteurs d’un mec qui lâchera leur nom s’il se fait prendre un jour. Je me lève, maintenant. Je pose mon sac sur mon épaule, un qui ne contient rien puisqu’on m’a tout volé hier au soir. – N’oublie pas la feuille, me dit Mike. Tu vas en avoir besoin pour refaire tes papiers. C’est vrai. À la base, je venais déposer plainte et normalement, je n’aurais pas dû le faire avec lui, c’est juste que comme il m’avait dit de le demander à la moindre chose que je peux voir, entendre ou vivre, je l’ai fait et il m’a reçue. – Quand tu auras un numéro sur lequel te joindre, tu me le feras parvenir et on fera ça à deux, il me dit. Personne ne doit être au courant, ok ? Je hoche la tête en pliant ma feuille en deux pour la ranger dans mon sac. Je marche vers la porte du bureau et je regarde le flic trente secondes avant d’oser sortir pour me retrouver dehors. Je marche en direction de l’arrêt de bus puisque je n’ai pas récupéré ma voiture à la boutique. J’ai une journée chargée. Je dois aller refaire mes papiers, je dois aller m’acheter un téléphone, ouvrir une ligne téléphonique, je dois récupérer ma voiture, aller chez le médecin pour me mettre en arrêt, voir le psychologue que l’on m’a demandé de voir à la suite du braquage. Je dois aller voir mes parents pour être sûre qu’ils ne sont pas en danger par ma faute. Je dois – Monte ! Je sors de la pensée alors que je vois Farid dans son Audi RS3 noire et aux vitres teintées. Il ouvre la portière en me hurlant de monter encore. – Monte parce que si je descends te chercher, tu vas savoir qui je suis ! Il menace. Je monte alors. J’ai à peine le temps de fermer la portière qu’il reprend la route en trombe pour faire le tour du rond-point au bout afin de partir Dieu sait où. – Tu foutais quoi au commissariat ? Il demande. – Je déposais plainte pour pouvoir refaire mes papiers sans payer, je dis. Tout en gardant un œil sur la route, il lance son bras sur la banquette arrière pour attraper quelque chose qu’il me jette dessus. C’est le sac que m’ont volé les cambrioleurs hier soir. Je n’ose pas fouiller dedans et je décide d’attacher ma ceinture parce qu’il roule trop vite et qu’il emprunte la deux voies. – Comment tu l’as récupéré ? Je questionne. – Ne pose pas de questions, il me dit. Il semble se calmer, comme si, plus il s’éloignait de la cité, plus son cœur s’apaisait. Quand il me donne l’impression d’être là où il voulait m’emmener, il arrête la voiture dans un hangar désaffecté pas loin du port de la ville. D’ici, on a une vue intégrale sur tout ce qu’il se passe sur le port. J’imagine que c’est son spot préféré. – Ce serait vraiment dommage que tu bosses pour eux, Marion, me dit Farid. Je n’ai pas envie de te faire du mal, tu sais, il souffle. Je détache ma ceinture pour cogner mon épaule sur le dossier de mon siège afin de lui faire face. – Est-ce que tu te rends compte que pour une simple erreur que tu as commise, deux de tes collègues sont à ma recherche ? Je demande. – Ils ne le sont plus, maintenant, me dit Farid. Je m’en suis occupé, il précise. Il te manque quelque chose ? Il demande en pointant du regard mon sac. Parce que si oui, c’est sûrement perdu à jamais. J’étouffe un souffle, regardant dans mon sac pour voir qu’il ne me manque rien à part ma carte bancaire et le liquide que j’avais dans mon porte-monnaie. Le silence se met à régner et j’en profite pour regarder Farid. La barbe bien taillée, les cheveux en dégradé noir charbon, la peau métissée et les yeux verts, il regarde ce qu’il se passe sur le port. – Je ne bosse pas pour la bac, je souffle. Je ne ferai jamais rien contre toi, je prétends. Je ne suis pas d’accord avec tout ce que tu fais et je ne suis absolument pas fan de l’idée que tu puisses être un meurtrier, mais je ne veux pas être mêlée à tout ça. Je rêve de me réveiller au jour du cambriolage et que tout soit différent. Farid me regarde le crâne posé sur l’appui-tête et le genou replié contre le volant de sa voiture. Il est affalé. Je pense qu’il veut s’apaiser après avoir débuté une journée sur des choses sales comme il dirait. – Que tu te rendes compte que c’était bête de t’y risquer, je dis. Que je serais sûrement là. Que ta petite sœur n’était sûrement pas prête pour le job… – Je n’ai pas fait ça pour moi, il me souffle. – Peu importe, je chuchote. Hector est mort et… comment je suis censée aller voir sa femme et ses enfants en sachant que tu es le responsable, que je le sais, mais que je ne dis rien ? – Tu n’es pas obligée de faire ça, me dit Farid. Je ne lui réponds pas. Il étale sa main sur ma cuisse repliée sur le siège. Je regarde son membre sans un mot. C’est parfois étrange de savoir comment il est v*****t et comment il me touche, quand il est juste celui que j’ai toujours connu. – Ta sœur est au lycée ? Je demande. – Non, ce sont les vacances, il me dit. Ils n’ont pas école pendant deux semaines. Je n’arrive pas à croire que je vais vraiment faire ça, mais je le fais. Je m’installe à cheval sur lui, respirant dans ma panique que j’essaye d’étouffer. Farid se redresse sur son siège et comme si c’était tout ce qu’il a toujours souhaité que je fasse, il pose ses mains sur le creux de ma taille. Il referme sa bouche sur ma mâchoire, puis dans mon cou. – Tu les tués ? Je questionne au sujet des types qui sont entrés chez moi hier soir. Il arrête de m’embrasser pour que son regard plonge dans le mien. – Tout ce que tu as besoin de savoir, c’est que tu es en sécurité, maintenant, dit Farid. Il n’avouera jamais, Mickaël a raison. Farid ne prendra jamais le risque de dire quoique ce soit, surtout si je cherche à lui faire avouer. Il n’est pas bête. Il ne l’a jamais été. Il aurait pu faire de grandes études, mais faute de moyens et aussi de motivation, il a préféré partir dans les choses plus accessibles qui l’ont menées à être ce qu’il est aujourd’hui. – Tu me ramènes chez moi ? Je demande. J’ai besoin de dormir, je n’ai pas dormi de la nuit et j’ai rendez-vous chez mon médecin à quinze heures. Il regarde sa montre puis il me regarde. Je n’ai pas l’impression qu’il se rend compte que je suis en train de le manipuler. Il a l’air si amoureux de moi que je pourrais tout lui faire faire, si j’étais bonne qu’à ça. À me réduire à toutes les femmes qui n’attendent que ça, qu’il les regarde. – Je te protège, hein, souffle Farid. Si… si tu as la chance de te balader dans la cité sans te faire siffler ou… – Je sais, je dis. – J’ai confiance en toi. Je hoche la tête et comme si je voulais qu’il continue d’y croire, qu’il ne se laisse pas le temps d’imaginer que je puisse me liguer contre lui, je referme ma bouche sur la sienne, respirant dans mon élan de panique qui monte. – Ramène-moi chez moi, je suggère. Un long silence se met à régner, ses yeux cherchant dans les miens quelque chose dont je n’ai pas conscience. Je décide de me rasseoir sur mon siège et d’attacher ma ceinture. Lui, il démarre la voiture pour reprendre la route en silence. Une fois aux tours, je regarde celle de mes parents, trois tours plus loin que la mienne. – Je sais que tu ne veux pas de l’argent, mais je peux te faire partir d’ici, me dit Farid. Avec tes parents, tu n’es pas obligée de leur dire que… que c’est de l’argent sale. Je ne lui réponds pas. Il sait très bien que ça ne sert à rien d’insister sur ce sujet. Je préfère être pauvre que vivre de son argent sale. – Qu’est-ce qui t’amène au quartier ? Vient lui demander quelqu’un. Comme la vitre est ouverte, Farid tape son poing dans celui du type qui vient l’importuner. Je profite de ce moment pour récupérer mes affaires et sortir de la voiture. J’en fais le tour sous les yeux de Farid qui ne me lâchent pas. Je marche sur le chemin de terre qui mène à la tour de mes parents. – Hé ! Me court dessus Mohammed. Mon ballon ! S’il te plaît ! Marion ! Le ballon me passe à côté puisque je n’ai pas eu le temps de percuter ce que me voulait le petit frère de Farid. Je reviens sur mes pas pour tenter de lui tirer la balle, mais comme je le fais comme un pied, il s’en va courir à l’opposé pour le récupérer. Il le prend dans ses mains puis il s’approche de moi. – Tu étais avec Farid ? Il me demande. – Oui, je confirme. Pourquoi ? Comme j’entends une portière claquer au loin, je regarde dans mon dos. Farid est sorti de sa voiture et son petit frère lui court après. Je vois Samia s’approcher, mais tout en passant à côté de moi, elle décide de regarder le sol, sûrement par culpabilité. – Sam, je la retiens. Excuse-moi pour hier soir, je… j’étais en colère. – Ce n’est pas grave, elle prétend. Elle s’en va rejoindre son frère et moi, je reprends ma marche pour aller chez mes parents. Je souris de voir Irma, la vieille du rez-de-chaussée de la tour 2. – Mon Dieu, Marion, souffle Irma. Comment tu vas ? Elle demande. Je m’approche de sa fenêtre, puisqu’elle y est accoudée. – Tu devrais faire attention à ce type, tu sais, elle me dit. Il n’est pas fréquentable. – Il m’a juste déposée, je prétends. – C’est bien malheureux qu’il soit capable de semer la terreur et se montrer généreux envers toi juste après, elle souffle. – Comment ça ? Je demande. – Le bruit court que c’est lui qui a cambriolé la bijouterie, répond Irma. C’est lui, effectivement. Seulement, je ne peux rien dire, si je ne veux pas mourir accidentellement au petit matin. Je cogne mon épaule sur les briques du mur de la fenêtre d’Irma. Elle regarde dans la rue, puis elle me regarde. – Il a bien changé depuis le lycée, elle me dit. Il était adorable, c’est normal que tu sois tombée amoureuse de lui, toutes les filles de la cité l’ont fait aussi, mais… il n’est plus comme ça. Si ses parents le voyaient aujourd’hui, ils ne voudraient plus jamais qu’il approche la famille. Tu devrais faire attention à toi, Marion. Tu es jolie et tu as toute la vie devant toi, je suis sûre que tu peux t’en sortir et partir d’ici, partir ailleurs… elle souffle. Ne le laisse pas te faire croire qu’il peut tout t’offrir parce que même si, ce sera au prix de la vie d’innocents. Je le sais très bien et ce n’est pas comme si j’avais l’intention de finir ma vie avec Farid. J’ai d’ailleurs l’intention de le faire mettre en prison, donc… – Comment tu te sens ? Demande Irma. Tu ne m’as pas répondue. – Il dit qu’il n’a rien à voir avec ça, je prétends au sujet du braquage. – Sûrement qu’il sait ce qu’il risque si tu apprends que c’est lui. Je le sais et il risque quoi, finalement ? Il se balade dans la cité en toute impunité. Il est libre comme l’air. Personne ne l’empêche de se pavaner ici. Personne n’ose le défier. Il est là, il respire, il fait son business et tout le monde ferme les yeux, donc, ouais, il risque quoi finalement ? Je n’ai rien dit aux flics. Je le protège alors que je devrais hurler sur tous les toits qu’il est responsable de la mort d’Hector. Qu’il a sûrement dû tuer un tas de gens et que s’il est dehors aujourd’hui, c’est seulement parce que les flics veulent démanteler son réseau, pas le mettre en prison pour ses crimes. Ils veulent la gloire, les gros titres, les éloges du chef de l’État. Ils ne veulent pas se contenter d’attraper le dealeur pour ses meurtres, ils veulent le mettre à genoux. Lui pisser dessus en riant entre collègue. C’est ça, qu’ils cherchent. Sinon, Farid ne serait pas au quartier quand ça lui chante de venir. Il ne se sentirait pas puissant à ce point. Il ne se baladerait pas là où il a conscience qu’on peut le trouver. Il sait qu’il est intouchable. Il sait que le temps que sa planque restera planquée, personne ne l’atteindra jamais. Il a adopté une stratégie plus sournoise que les autres dealeurs dans son genre. Lui, il vit une vie totalement normale et il gère son business du coin de l’œil. Il est plus doué qu’on ne le pense.
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