Chapitre 7 :
Meredith.
— Ta famille se présentera à Fourrures Mystiques demain, avant la cérémonie, déclara Draven sans lever la voix, mais chaque mot résonnait comme un verdict. Ton avis ne m’intéresse pas, Gabriel. Ce n’est pas une demande.
Mon père serra la mâchoire, les poings crispés le long du corps, mais il ne répondit rien. Son silence était celui d’un homme qui venait de perdre.
Et moi, j’étais la mise en jeu.
Draven attrapa mon bras sans ménagement et m’entraîna loin d’eux. Aucun membre de ma famille ne bougea. Pas même un mot, pas même un regard. Ils me laissèrent partir comme on referme la porte sur un passé embarrassant.
Le trajet jusqu’à Mystic Furs se fit dans un silence étouffant.
Je fixais la route qui s’étirait sous la pluie, les doigts enfoncés dans le tissu de ma robe, espérant que ce simple geste pourrait calmer les battements affolés de mon cœur. Draven conduisait sans un mot, concentré, impassible, chaque mouvement précis et maîtrisé.
À côté de lui, je me sentais minuscule. Prisonnière d’un destin qu’on m’avait imposé.
Les paroles de mon père résonnaient encore dans ma tête — *Pars, et ne reviens jamais.*
J’avais cru que ses colères passeraient comme toujours, mais cette fois, c’était définitif. J’étais bannie, rejetée, et pire encore : livrée à un homme dont je ne savais rien, sinon qu’il ne connaissait pas la pitié.
Lorsque la voiture s’engagea enfin sur les terres de la meute de Draven, mon souffle se bloqua.
Mystic Furs n’avait rien de semblable à Moonstone. Là où ma meute vivait dans la simplicité, celle de Draven respirait la puissance et la discipline. Des bâtisses de pierre sombre, des murs imposants, une forteresse qui semblait respirer la guerre. Les silhouettes qui se tenaient à l’entrée étaient droites, synchronisées, prêtes à répondre au moindre signe de leur Alpha.
Quand je posai le pied au sol, je sentis aussitôt le poids des regards.
Tous s’inclinèrent devant Draven, certains saluèrent son Beta, Jeffery, avec un respect calculé. Mais lorsqu’ils m’aperçurent, leurs visages changèrent.
Une ombre de dégoût passa dans leurs yeux. Certains murmurèrent, d’autres me jaugeaient ouvertement. Pas un sourire, pas un mot d’accueil. Seulement ce jugement muet, froid et tranchant.
Je serrai les dents et baissai la tête, honteuse de ressentir la brûlure dans ma poitrine. Sans m’en rendre compte, je me rapprochai de Draven, comme si son ombre pouvait me dissimuler à leur mépris. Et je haïssais cette faiblesse.
Draven, lui, ne sembla pas remarquer le malaise. Il gravit les marches du château avec la même assurance qu’un roi regagnant son trône. J’essayai de suivre son rythme, étouffée par le murmure hostile qui montait derrière moi.
Les lourdes portes s’ouvrirent à notre approche. Un homme à l’allure stricte, vêtu d’un costume sombre, s’inclina aussitôt devant Draven. Son port droit et ses gestes précis trahissaient un rang élevé — sans doute le majordome ou un Gamma.
— Alpha, tout est prêt, annonça-t-il d’une voix douce, mais parfaitement maîtrisée. Les chambres ont été préparées.
Son regard glissa brièvement vers Jeffery, qu’il salua d’un signe respectueux, puis il détourna les yeux. Il ne daigna même pas m’accorder un regard.
Je sentis ma gorge se serrer. Invisible. C’était donc mon nouveau statut ici.
Draven hocha la tête et pénétra dans le grand hall sans un mot. Le son de ses pas résonna sur les dalles, puissant, méthodique. L’air sentait la pierre fraîche et le bois ciré. Chaque détail de ce lieu criait la richesse et la force.
J’aurais voulu disparaître, mais ma voix, éraillée, franchit mes lèvres avant que je ne puisse l’en empêcher.
— Je veux… ma propre chambre.
Draven s’arrêta, se tourna lentement, son regard doré planté dans le mien.
Je soutins ses yeux, refusant de flancher. — Je ne partagerai pas ton lit.
Le silence tomba. Puis, un léger rictus effleura ses lèvres.
— Tu crois que je brûle d’envie de t’avoir contre moi, petite maudite ? murmura-t-il d’un ton presque moqueur. Tu n’as aucune idée de ce que je veux.
Il fit un pas vers moi. Instinctivement, je reculai, mais il s’était déjà tourné vers le majordome.
— Installe-la dans l’aile des invités. Qu’elle s’y plaise… si elle peut.
L’homme acquiesça d’un bref mouvement de tête avant de s’éloigner pour exécuter l’ordre.
Je restai figée, partagée entre le soulagement et la colère. Une chambre séparée, oui… mais dans une cage.
Draven fit quelques pas, puis s’interrompit à nouveau. Sa voix, plus basse, se chargea d’un ton glacial.
— Oh, et encore une chose. Si tu penses pouvoir t’enfuir, détrompe-toi. Mes soldats ont reçu l’ordre de tirer sans sommation.
Je crus d’abord à une plaisanterie, mais ses yeux ne laissaient aucun doute : il était sérieux. Terriblement sérieux.
Une vague de panique remonta dans ma poitrine. Je n’avais même pas songé à fuir, mais il venait de m’enchaîner sans chaînes.
— Sois à l’heure pour le dîner, ajouta-t-il calmement. Je déteste attendre.
Et il s’éloigna, accompagné de Jeffery, sans un regard en arrière.
Je demeurai seule, tremblante, le cœur battant à tout rompre.
Les murs du château se refermaient sur moi comme des serres invisibles.
Sous le règne de Draven Oatrun, il n’y avait ni choix, ni liberté.
Seulement l’obéissance.