Chapitre 9

874 Words
Chapitre 9 : Draven. — **Un cadavre a été découvert avant le lever du soleil, Alpha.** La voix de Jeffery fendit l’air, sèche et tendue. Je n’avais pas encore bougé. Mon reflet, figé dans le miroir, me renvoyait un visage impassible alors que mon valet ajustait les boutons d’or sur ma tenue d’apparat. Le tissu lourd, noir et carmin, semblait peser autant que le devoir lui-même. Jeffery s’approcha davantage, son ombre rejoignant la mienne. — **Même signature. Le cœur a été arraché.** Mes doigts s’immobilisèrent sur la veste. Un frisson de colère, froid et précis, traversa mon corps. — Où ? Il tira un dossier de son manteau et me présenta une photographie. Le sang séché dessinait sur la pierre un motif presque artistique. Le torse ouvert, les côtes écartées avec une précision chirurgicale. Aucun signe de lutte. Aucun désordre. Une exécution. Je rendis la photo, la mâchoire contractée. — Mon frère ? — Il a déjà renforcé les rondes. Il attend vos directives. Je pris le temps de respirer avant de répondre. — Qu’il verrouille la ville et fouille chaque recoin. Personne ne doit quitter les frontières sans mon autorisation. — Bien, Alpha. Et pour nous ? — Nous rentrerons après les festivités. Deux jours, pas plus. Jeffery hocha la tête, mais resta planté là, mal à l’aise. — Meredith ? Je répondis sans détour : — Madame Béatrice s’en charge. Je me tournai à nouveau vers le miroir. La veille, je l’avais laissée seule au dîner. Pas par cruauté. Par négligence, peut-être. Les discussions avec mes chefs de guerre avaient duré bien plus que prévu, et quand Jeffery m’avait rappelé l’heure, la nuit était déjà tombée. Je me demandais si elle avait attendu longtemps, si elle avait claqué la porte, ou simplement juré mon nom entre ses dents serrées. Cette femme ne savait pas se taire. Même épuisée, elle trouvait le moyen de se dresser. Je revis son visage quand je l’avais revue pour la première fois. Gary la tirait du sol, aussi sale qu’un animal capturé. Sa robe déchirée, ses cheveux en désordre, son regard pourtant… fier. Mon loup avait grogné sans que je le contrôle. Non contre elle, mais contre la honte qu’on lui faisait subir. Elle avait refusé de m’obéir, avait défié mes ordres, m’avait fait face alors que tout autour d’elle s’écroulait. Et moi, idiot que j’étais, j’en avais presque ri. Je l’avais laissée gagner sa petite bataille. Sa chambre, son espace, sa solitude. Qu’elle monte donc les cent marches du manoir pour rejoindre ses pénates. Peut-être, à présent, comprenait-elle à qui elle avait affaire. — Fini, Alpha. Mon serviteur me tendit une boîte de velours rouge. À l’intérieur reposait le blason des Oatrun, un loup doré dressé sous la lune. Il l’épingla sur ma poitrine, ajustant soigneusement le métal. Je jetai un regard critique au miroir. — C’est de travers. Le malheureux devint livide et s’empressa de rectifier l’erreur. La porte s’ouvrit sans frapper. Je n’eus même pas besoin de lever les yeux. La température de la pièce chuta d’un degré. Randall Oatrun. Mon père. Sa présence imposait silence et tension. À sa droite, Oscar Elrod, mon conseiller, calme et rigide comme un couteau dans son fourreau. — Draven, annule ce mariage. Sa voix claqua comme un ordre. Je serrai la mâchoire. — Nous avons déjà réglé ce sujet. — Non. Tu as simplement refusé d’entendre raison. Il s’approcha, ses prunelles sombres étincelant d’une colère contenue. — Les Anciens ne t’appuieront pas. Ils considèrent cette union comme un risque pour la meute. Je soutins son regard. — Les Anciens ne sont qu’un ramassis d’hommes qui tremblent devant les ombres. — Ils feront tout pour l’empêcher, Draven ! Tu mets le feu à la poudrière. Un sourire sans joie étira mes lèvres. — Qu’ils essayent. Il perdit patience. — Tu t’apprêtes à couronner une femme sans loup, maudite de surcroît ! Tu veux jeter notre nom dans la honte ? Quel roi ferait ça ? Je pivote lentement vers lui. — Celui qui n’a de comptes à rendre à personne. Une onde de puissance envahit la pièce. Même Jeffery recula. Mon père pâlit, mais resta campé. — Tu joues avec la survie des meutes ! Oscar intervint enfin, sa voix calme contrastant avec la tension ambiante. — Randall, il ne s’agit pas de folie. C’est de stratégie. Mon père se tourna vers lui, surpris. — Explique-toi. — Si Draven épousait la fille d’un Alpha influent, les autres clans y verraient une provocation. Le sang coulerait avant la fin de la lune prochaine. Oscar s’approcha, ses mots pesés comme des pierres. — En épousant Meredith, une femme sans pouvoir, il coupe court aux rivalités. Aucune meute ne se sentira menacée. Il gagne du temps. La pièce tomba dans un silence grave. Tout devint limpide. Ce mariage n’avait jamais été une question de cœur. C’était un calcul. Une manœuvre pour contenir les ambitions des cinq grandes meutes royales, chacune prête à s’entre-déchirer pour un trône vacant. Randall garda le silence. Puis, lentement, ses traits se détendirent. Il comprenait. — Alors, fais ce que tu crois juste, mon fils. Mais ne viens pas dire qu’on ne t’avait pas prévenu. Je levai la tête. — J’assume chacun de mes choix. Toujours. —
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