(intérieur & extérieur)

562 Words
La nuit enveloppait la ville comme un voile de fumée épaisse, étouffante. Les lumières crues des immeubles projetaient des ombres acérées sur les trottoirs, où les silhouettes se pressaient, échappant à leurs propres démons. Je marchais d’un pas assuré dans ces rues que je connaissais par cœur, chacune d’elles un chapitre de mon histoire — parfois sanglante, souvent violente, toujours dominée par ma volonté de fer. Autour de moi, la ville ne dormait jamais. Elle vibrait, pulsait, respirait au rythme de mon empire. Mais ce soir, quelque chose clochait. Une tension sourde, un frisson d’alerte qui remontait le long de mon échine. Je ne pouvais pas encore mettre un nom sur ce danger, mais je le sentais dans l’air, dans les regards furtifs, dans le silence pesant qui s’était abattu sur mes lieutenants. Je savais qu’il était là, quelque part. Noam. Dix années nous séparaient. Dix ans à bâtir chacun notre monde, à tracer des lignes invisibles entre ce qui avait été et ce qui restait interdit. Je ne pouvais pas me permettre de faiblir, pas maintenant. Dans mon bureau, l’odeur âcre du café froid flottait encore, vestige d’une nuit sans sommeil. Mes mains se crispèrent sur le bord du bureau, mes ongles marquant le bois comme une douleur contenue. Les souvenirs affluaient, plus insistants que jamais. Cette époque où la vie semblait plus simple, même si elle ne l’était jamais vraiment. Quand mon père était encore là, sa voix ferme et rassurante contre les murmures toxiques de ma mère. Quand Noam et moi étions juste deux enfants liés par une amitié indéfectible, une promesse muette. Puis tout avait basculé. La perte. La trahison. La descente aux enfers. Ma mère, perdue dans sa spirale de drogue, vendant sa propre fille pour payer ses dettes. Moi, arrachée à tout ce que j’aimais, jetée dans un monde où la survie était une bataille quotidienne. Et j’avais choisi de ne jamais redevenir cette fille fragile. J’étais devenue la chef, la maîtresse d’un empire construit sur la peur, la violence, et le sang. Pourtant, en dépit de tout, il y avait ce nom qui revenait comme un écho lancinant dans mes pensées : Noam. Je refusais de penser à lui comme à un homme. Pour moi, il restait cet enfant, ce frère d’armes perdu dans le temps. Mais ce soir, le voile était tombé. Je l’avais vu. Là, dans ce coin de la ville où je ne m’attendais pas à le croiser. Et cette vision avait déclenché un séisme intérieur que je refusais de nommer. Je secouai la tête, me forçant à revenir au présent. Mes lieutenants m’attendaient, les visages tendus, les mains prêtes à dégainer. Je levai la main, imposant le silence. « Écoutez-moi bien. Ce que vous avez ressenti, cette tension, elle est réelle. Noam ne fait pas que revenir dans notre territoire, il en est déjà une ombre. » Un murmure parcourut la salle. « Mais c’est notre empire. Personne ne touche à ce que j’ai construit. Pas lui. Pas personne. » Je laissai cette menace suspendue dans l’air, ma voix froide, tranchante comme un glaive. Je savais que la guerre ne faisait que commencer. Et dans cette guerre, il n’y aurait pas de place pour les sentiments, pour les faiblesses. Je suis Thalia. Je suis la tempête qui dévore tout sur son passage. Et ce soir, je me prépare à déchaîner l’orage.
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