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Lorsque les écrits parlent

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Deux jeunes filles perdent leur bébé à la naissance et quittent ensemble l'Espagne pour la France.

Pilar et Inma font connaissance dans un couvent en Catalogne. Filles-mères abandonnées et pauvres, elles vont accoucher dans des conditions épouvantables pendant le rigoureux hiver de 1955-1956. Aucun de leurs deux bébés ne survivra. Plus rien ne retient alors les deux jeunes filles en Espagne : ni famille, ni emploi, ni argent, ni amour. En revanche, un avenir plus radieux les appelle en France : un oncle et une tante de Pilar acceptent de les accueillir chez eux. Elles y trouveront du travail et l'une d'elles gagnera même le cœur de l’instituteur. Conscientes de leur chance, elles n’en n’oublient pas pour autant leurs nourrissons « repris par le Seigneur », ni les petites tombes blanches jamais fleuries, perdues dans ce lointain cimetière d’Espagne. Le vieil oncle aime leur raconter l’histoire de leurs aïeux, émigrés en France, et elles apprennent ainsi de stupéfiants détails sur leurs parents. La visite inattendue de personnes surgissant justement de ce passé va transformer leur vie. Une histoire aussi passionnante qu’émouvante, largement inspirée du scandale des bébés volés en Espagne – 300 000 enfants subtilisés à leur mère sous la dictature de Franco.

Laissez-vous emporter par ce roman historique émouvant qui vous fera découvrir le parcours de deux jeunes mères au milieu du XXe siècle. Une histoire inspirée du scandale des bébés volés sous la dictature de Franco.

EXTRAIT

— Regarde ! Ça y est, nous sommes en France ! Tu crois pas qu’on…

Inma regarda son amie et s’arrêta, interdite. Pilar pleurait silencieusement, secouée par des spasmes, et elle ne semblait pas porter le moindre intérêt à leur entourage.

— Mais, qu’est-ce que tu as ? J’ai bien vu que tu étais silencieuse depuis un bon moment. Je te croyais seulement fatiguée. Allez ! Dis-moi pourquoi t’es si triste ? La belle aventure commence ici ! Tu te rends pas compte de la chance qu’on a ? Un nouveau pays, une nouvelle vie…

Pilar sanglotait discrètement dans son mouchoir. Elle ne voulait pas que les autres passagers remarquent ses larmes.

— C’est vrai que je suis épuisée, mais ce n’est pas pour ça que je pleure. C’est que je me rends compte tout à coup, peut-être pour la première fois, que c’est vraiment fini ! Rafael est mort ; du moins il a disparu et je ne le reverrai plus. Notre pauvre petit bébé n’a pas survécu. Je n’ai plus rien. Plus personne. Ni même mes gentils patrons !

Comme à chaque fois qu’elle éprouvait une crainte, une angoisse ou une déception, Pilar se mit à toucher le bijou de sa maman, son collier porte-bonheur. Habituellement, le simple fait de le frotter entre ses doigts et de sentir sa douce texture lui apportait un certain apaisement, mais, cette fois-ci, la douleur morale, énorme, menaçait de la submerger.

— À la maternité, tout s’est passé tellement vite, tu te souviens ? Les sœurs nous ont presque bousculées pour qu’on parte ! Après, c’était la paperasse, le voyage à préparer, les quelques adieux à faire. Et puis, allez, vite, vite ! Dans le bus, dans le train… Je n’ai même pas eu le temps de pleurer. Mon amour, mon bébé… mon pays…

Elle paraissait abattue, incapable de continuer. Et pourtant, le train s’était immobilisé. Il allait falloir descendre !

— Mi alma, mon âme, il faut être forte. Tu pleureras plus tard ! Nous reparlerons de tout ça, je te le promets. Mais là, tout de suite, il faut vite prendre nos affaires et suivre les autres passagers pour voir où ils vont et ce qu’ils font. Notre premier problème ne va pas tarder à se présenter. On est en France maintenant et, toi et moi, on parle pas un fichu mot de français !

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Lorsque les écrits parlent-1
La Mercè, ancien hôtel-Dieu et couvent en Catalogne, fin janvier 1956. Deux poêles à bois et à charbon, installés à chaque extrémité du vaste dortoir, dispensaient un semblant de chaleur aux quelques heureuses parturientes qui avaient eu la chance d’être placées à proximité. Cependant la plus grande partie de cette bienfaisante chaleur leur échappait, car celle-ci montait s’engouffrer dans l’obscurité des hauteurs du plafond parmi l’enchevêtrement des poutres noircies par les siècles. La salle de soins et de repos, transformée en foyer et maternité pour filles perdues, avait, à une époque lointaine, abrité des malades, hommes et femmes. Chacun se trouvait alors séparé de son voisin par de larges courtines écrues, confectionnées dans d’épais draps de lin toujours nets et bien tenus. Tout en assurant un minimum d’intimité, ces lourds rideaux amidonnés protégeaient également les patients des courants d’air et du froid mordant de ce pays désolé du Nord de l’Espagne. L’hôpital, devenu obsolète car ne répondant plus aux normes en vigueur, avait été déplacé depuis des années. Dorénavant des infirmières, civiles et diplômées, accueillaient les malades et les blessés des environs dans un établissement moderne et chauffé, situé à une vingtaine de kilomètres, à Lleida. L’ancienne et singulièrement austère congrégation des sœurs du Sagrado Corazón de Jesús qui occupait les murs s’était donc vu attribuer la charge des filles-mères de la région. En effet, selon la loi en vigueur, dès que la grossesse d’une jeune fille devenait apparente, elle devait obligatoirement quitter ses études ou son travail et entrer dans un foyer pour mères célibataires. Elle se trouvait ainsi mise au ban de la société. Par ces temps impies, l’ordre observait, impuissant, le nombre de ses religieuses diminuer comme peau de chagrin. Les moniales, toutes infirmières et sages-femmes formées « sur le tas », n’étaient désormais plus que cinq pour s’occuper de la modeste maternité tombée en désuétude. Les récentes novices et postulantes – surtout les plus jeunes et les moins adroites – se voyaient confier, par manque d’effectifs, des tâches ingrates à la buanderie, à la cuisine et même, pendant la belle saison, au potager, au lieu d’être préparées à devenir assistantes des sœurs accoucheuses. Des femmes du village les secondaient et assuraient également l’entretien du spacieux édifice. En échange, ces dernières recevaient de maigres provisions offertes par la congrégation. Une aubaine dans cette campagne, éloignée de tout, surtout pendant l’hiver ! Elles avaient perdu leur mari ou leur fiancé au cours de la guerre civile de 1936-1939 ou durant les terribles années de l’après-guerre et, à présent, elles étaient seules et n’avaient plus l’âge, ni l’espoir, d’enfanter un jour. Appartenant pourtant au même milieu social que les futures mères, ces chastes femmes de ménage dénigraient vigoureusement les brebis galeuses qui avaient « fauté » et qui se « prélassaient » maintenant dans un lit pendant qu’elles-mêmes s’éreintaient à vider les pots de chambre ou à laver le dallage souillé. « C’est scandaleux de devoir dépenser temps et argent pour soigner des débauchées qu’on aurait dû chasser sur les routes… Elles et leurs misérables bâtards ! » Depuis longtemps elles avaient convaincu les sœurs d’enlever les fameuses courtines, source de travail et d’entretien supplémentaire. Après tout, le manque d’intimité n’allait quand même pas gêner des filles enceintes, éhontées et sans pudeur, prétextaient ces vertueuses dames. De plus, aucun homme n’étant autorisé à franchir la lourde porte d’entrée, le quotidien se passait entre femmes. Qu’auraient-elles eu à cacher, ces vicieuses, maintenant que le mal était fait ? Leur gros ventre ? Le système de rideaux de séparation avait pourtant été efficace en son temps. À présent, le froid et les courants d’air, qui pénétraient dans la salle, circulaient librement, s’infiltraient par bouffées glaciales au ras du sol et augmentaient l’inconfort et la détresse des futures mères. Et cette année-là, l’hiver se révélait particulièrement rigoureux ! Pilar Ruiz se trouvait reléguée au beau milieu d’une des rangées de lits. C’est-à-dire le plus éloignée possible des deux maigres sources de chaleur. Cependant, malgré la température hivernale qui faisait trembler sa voisine de droite, blottie sous sa mince couverture, Pilar avait rejeté à ses pieds cette protection pourtant bien légère. — T’es folle ! Couvre-toi ! Tu vas attraper la crève ! l’admonesta Inma Ortega en claquant des dents. — Mais j’ai chaud ! Tellement chaud que la sueur me coule entre les seins, riposta Pilar, épuisée, les cheveux humides plaqués sur son front brûlant. — À plus forte raison ! Il se peut que tu aies de la fièvre. D’ailleurs, rien que de voir tes yeux creusés et ton visage pâle et luisant, je dirais même que c’est certain ! Inma se hissa péniblement sur son séant et scruta le fond de la salle pour évaluer où en était sœur Nieves, la surveillante qui effectuait sa tournée. — Pardi ! Comme de bien entendu, cette peau de vache bichonne la Maria Calcaserra. Déjà que cette moins que rien est presque collée contre le poêle… Elle risque pas d’attraper froid, celle-là ! Eh ben, maintenant, en plus, c’est tout juste si la vieille pingouine la borde pas dans son lit ! Du coup, à voir la Nieves tellement occupée, je peux te dire qu’elle va pas passer par ici avant un bon moment ! Tout ça parce qu’il paraît que la future belle-mère de la Maria est venue confirmer aux nonnes, qu’en fin de compte, son précieux fils allait épouser cette « brave petite », comme il aurait déjà dû le faire…, dès qu’elle aurait accouché ! Elle aurait fait un don important au couvent et, par-dessus le marché, elle aurait même félicité ces corbeaux pour le travail charitable qu’elles font pour nous, « pauvres filles perdues ». Tu parles ! On peut toutes crever, oui ! Surtout celles qui ont pas d’argent, pas de famille, et pas d’espoir de se faire épouser. Pilar agrippa son gros ventre distendu, releva ses genoux et se tordit de douleur en laissant échapper de sourds gémissements vite étouffés. — Je n’en peux plus, Inma. Voilà des heures que je souffre le martyre. — C’est normal. T’as pas entendu la Générale Asunción ce matin ? C’est ton premier bébé, ton bassin est étroit et le petit, manque de chance, il est gros. T’as sans doute trop bien bouffé pendant ta grossesse. Ma parole, jusqu’à tes chevilles qui sont énormes ! Voilà ce que c’est que d’avoir un patron riche et assez bon pour te laisser manger les mêmes repas que la famille. Pour une fois qu’il en existe un de généreux ! En attendant, Asunción a dit que le travail allait durer des plombes, ma pauvre. Essaye de te détendre et, pour l’amour du ciel, couvre-toi ! Oh ! Et puis, après tout… Tu vas voir ! Je vais aller la chercher, moi, cette femme si charitable… Même si je dois lui arracher son voile pour la faire venir t’ausculter ! Bravant le froid et surtout l’interdiction formelle de se lever avant la fin de la tournée, Inma enfila la vieille robe de chambre en laine qu’elle n’arrivait plus à boutonner sur son gros ventre. Celle-ci était fine et usée jusqu’à la trame mais, une fois étalée sur la couverture, elle apportait un peu de chaleur supplémentaire. Faisant fi de ses propres douleurs, la future mère avança, se balançant comme un canard dodu et déséquilibré, vers le fond de la salle. — Ah ! Señoritas ! Regardez donc qui vient là ! Inma, ou plutôt Inmaculada : notre Vierge et Immaculée Conception à nous ! Cette demoiselle a sans doute fait son enfant toute seule ! Les filles couchées le plus près du poêle pouffèrent sournoisement à cette plaisanterie pourtant éculée depuis des mois. Bien que fautives comme toutes les parturientes, celles-ci étaient au moins de bonnes catholiques pratiquantes. Si les religieuses ne leur pardonnaient pas totalement le péché de chair, les saintes femmes avaient tendance à être un peu plus souples à leur égard, ce qui expliquait les emplacements privilégiés de ces demoiselles. De plus, ces dernières bénéficiaient parfois de quelques douceurs offertes par des paroissiens moins scrupuleux que la moyenne. Malheureusement, Inma, soupçonnée d’être une « rouge » et une athée, ne profitait d’aucun régime de faveur, bien au contraire ! Satisfaite par le rire servile de son public attentif et respectueux, la religieuse poursuivit : — Que faites-vous hors de votre lit señorita Ortega ? Vous connaissez pourtant le règlement, non ? Inma ravala sa colère et, au prix d’un effort surhumain, elle s’adressa avec politesse à cette « ennemie du peuple » : — Ma sœur, je vous en prie, pourriez-vous venir ausculter Pilar qui souffre énormément ? Elle est brûlante de fièvre et, en plus, elle a arraché sa couverture. Peut-être que son bébé, il arrive plus tôt que prévu ! — Allons bon ! Voyez-vous ça ? Parce que, savante comme vous devez forcément l’être, vous êtes également sage-femme ? Les filles qui se trouvaient à proximité gloussèrent avec une complaisance toujours aussi peu sincère. Habituée depuis son arrivée à subir ce genre de propos moqueur, Inma ne releva pas cet énième quolibet, et attendit en silence. La religieuse la scruta en plissant les yeux, espérant entendre une riposte méritant punition. N’en voyant pas venir, elle haussa les épaules et soupira : — Bon, j’arrive. Et vous, retournez vous coucher sur-le-champ ! Le bébé de Pilar s’annonçait assurément plus tôt que prévu. La jeune fille venait de perdre les eaux ! De plus, il s’avéra à l’auscultation que sa tension était très élevée et que l’enfant était mal placé. La parturiente gémissait sans interruption et, à chaque nouvelle contraction, de plus en plus rapprochée de la précédente, elle poussait des cris perçants de détresse et de douleur. Sans un regard vers Inma, qui surveillait ses mouvements avec inquiétude, sœur Nieves s’essuya les mains dans son mouchoir et rabaissa ses larges manches d’un geste brusque. Elle quitta le dortoir d’un pas rapide et emprunta le couloir à la recherche de l’infirmière-chef et mère supérieure, sœur Asunción, secrètement surnommée la Générale. Celle-ci, une virago qui s’était distinguée pendant la guerre civile en soignant des soldats nationalistes aux côtés du Caudillo, le général Franco, entra dans le dortoir d’un pas militaire et assuré. — Allez-vous cesser vos jérémiades, señorita Ruiz ? Il y a dix-sept ans, votre mère hurlait déjà aussi fort que vous quand elle vous a mise au monde. Fille-mère… comme vous, d’ailleurs. Décidément, dans votre famille c’est une tradition ! Vous avez pris du plaisir à le mettre là où il est votre bébé, eh bien, laissez-le donc sortir maintenant sans nous casser les oreilles ! Sœur Nieves, accompagnée d’une consœur, revenait en poussant un brancard. Les trois religieuses eurent vite fait de changer Pilar de lit et elles repartirent avec elle vers une salle de travail. Inma, tout en craignant le pire pour son amie, se concentra à présent sur son ventre et sur d’étranges spasmes dans son abdomen. Les premières contractions se faisaient sentir. Son propre calvaire allait commencer. Dans la salle d’accouchement, Pilar était terrifiée. La violence de ses douleurs augmentait sans cesse, et aucune des trois sœurs ne la rassurait ni ne l’aidait dans son travail. Allait-elle donc mourir comme sa mère en donnant la vie à son enfant ? Qu’adviendrait-il alors de ce pauvre bébé ? Serait-il élevé à l’orphelinat comme elle-même l’avait été ? Elle toucha son collier porte-bonheur ; un petit pendentif en olivier, suspendu à une fine cordelette, le seul objet qui lui venait de sa maman. L’apaisement apporté par la babiole sans valeur fut de courte durée. Une nouvelle douleur, subite et brutale, la fit pousser encore un cri, terrible celui-là, et elle s’agrippa énergiquement aux manches de sœur Asunción. — Je vous en supplie, ma mère, donnez-moi quelque chose pour me soulager ! Je souffre tellement ! L’infirmière-chef se libéra sans ménagement. — Il n’en est pas question ; l’Église s’y oppose formellement. On a beau parler depuis peu d’accouchements sans douleurs, ce n’est qu’hérésie ! Il est clairement indiqué dans la Bible, Genèse 3, verset 16 : Tu enfanteras dans la douleur ! C’est le prix à payer pour le plaisir éprouvé au moment de l’acte sexuel. C’est ainsi, señorita Ruiz, et à plus forte raison lorsque l’acte n’a pas été sanctifié par le mariage ! Pour une primipare comme vous, il faut compter douze heures de labeur en moyenne pour expulser l’enfant. Pour une multipare, cela peut se passer beaucoup plus rapidement. Il s’agit de votre premier rejeton mais, cependant, il me semble que vous entrez déjà dans la dernière phase de l’accouchement. Vous avez de la chance, car votre travail n’aura pas été très long. Remerciez notre Seigneur, dans sa grande mansuétude, de vous épargner quelques heures de pénitence pourtant bien méritées pour vous punir de votre péché ! Toutefois, de longues minutes passèrent encore, ponctuées par les cris déchirants de Pilar, pendant lesquelles les trois sœurs à ses côtés égrenèrent leur chapelet en silence. L’infirmière-chef examina enfin sa patiente et poussa un grognement de satisfaction : — C’est bon, elle est prête. Mais il me faut employer le forceps. Je vais essayer de tourner ce pauvre ange innocent ; comme je le savais depuis le début, il se présente par la face. Ma sœur, appliquez du chloroforme sur un morceau de gaze pour que cette idiote cesse de gigoter et de se débattre comme une forcenée. Elle va me gêner dans la manipulation si délicate que je vais entreprendre. Il s’agit avant tout de ne pas blesser le petit !

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