Chapitre 5: Simon

2476 Words
Imagine, Je fais tous les soirs le même rêve, Où je suis au bord de ce pont. À côté de moi, tu es là, et pourtant, je ne te rencontre qu’aujourd’hui. Je ne suis pas retourné dans mon cours d’histoire géo après avoir ramené Luna au sien. Pour cinq minutes, sérieux. J’ai hésité un moment à l’idée d’attendre devant sa salle, mais je me suis dit que j’en fais trop. Calme-toi, Simon, tu ne la connais que depuis aujourd’hui. Enfin, en quelque sorte. Depuis bien plus longtemps dans mes rêves, je ne sais pas pourquoi car je ne l’avais pas croisée avant… Je pense trop. Je décide d’attendre Mathis, mon meilleur ami, devant sa salle. Ça au moins, ce n’est pas bizarre, ni en faire trop. Il n’empêche, l’ami de Luna – je ne me souviens plus de son nom, j’ai vraiment honte – a dit qu’elle a beaucoup parlé de moi. Enfin, elle a dit que ce n’est pas vrai. Je ne sais pas ce qui est vrai du faux. Arrête de trop penser, Simon. Elle a quand même quelque chose de particulier. Je suis toujours perturbé par les dix minutes durant lesquelles elle est restée blasée, les yeux grands ouverts, à regarder le vide. On aurait dit qu’elle se remémorait toute sa vie de A à Z. J’arrive devant la salle d’espagnol au moment où la sonnerie retentit. Pile dans les temps. Pour une fois. La porte s’ouvre, et par je ne sais quel miracle, Mathis est le premier à sortir. Je lui souris de pleines dents. — Alors, ton cours ? — Je rêve ou tu as séché ? Pourquoi tu es déjà là ? — Hum…il se peut que j’ai eu un petit problème, que j’ai dû m’éclipser, puis que j’ai croisé la fille dont je t’ai parlé, qu’elle avait un problème, que je ne pouvais pas retourner en cours en la laissant comme ça, et qu’au final, il ne restait que cinq minutes, donc j’avais...un peu la flemme. Il lève les yeux au plafond. — Ça ne m’étonne pas de toi ! — Ah au fait, ce midi, on va manger avec Luna et son ami. — Luna, la fille dont tu m’as parlé ? — Oui. — Tu n’es pas sérieux ? Je devais réviser mon contrôle de maths, ce midi. — Tranquille, Mathis, on a le temps ! On ira au CDI après, si tu veux. — Mouais, dis ça pour toi. Pour ceux qui se demandent si j’ai bien pris mon sac de cours, oui, je l’ai pris avant de disparaître à jamais de mon cours d’histoire géo. Mathis et moi descendons les escaliers. — Et on doit les retrouver où, au juste ? — Aucune idée. — Tu ne pourrais pas organiser les choses correctement juste une fois dans ta vie ? — Désolé, je n’y arrive pas. Ne t’en fais pas, on va les retrouver. De toute façon, ils ne se sont pas évadés du lycée. Enfin normalement. Il me regarde en plissant les yeux. Qu’est-ce qu’il peut avoir mauvais caractère, des fois. — Qu’est-ce que tu as fait à ton tee shirt ? — Ça fait partie du problème que j’ai eu. Tu vois, Otis a été pris d’une gastro, et il a commencé à gerber de partout. Donc j’ai dû l’accompagner à l’infirmerie. Et il se trouve qu’il m’a gerbé dessus. — Beurk. — Comme tu dis. — Ne m’approche pas trop, en fait. — Oh, ça va ! Nous arrivons dans le hall. Luna et son ami attendent en plein milieu, entourés d’autres personnes. Je commence à me diriger vers eux. — Tu ne m’avais pas dit qu’il y aurait autant de gens ! se plaint Mathis derrière moi. — Je ne savais pas ! je réponds. Nous ne tardons pas à les rejoindre. Ils sont six en tout, et huit, avec Mathis et moi. — Ah, salut Simon et... ?! s’exclame l’ami de Luna de tout à l’heure en me voyant. — Mathis, je réponds. Je me sens...très observé. Même pas juste observé. Fixé, analysé de détail en détail, balayé de la tête aux pieds. Je cache mon embarras. — Et donc, vous êtes… ? je demande aux autres. — Moi c’est Raphaël. Après il y a Sophie, Hugo, Valentine, et Victor, me répond le grand brun en me désignant chaque personne. — Oui enfin on s’est déjà croisés tout à l’heure, ajoute le dernier. Ah, voilà, il s’appelle Victor, donc. Mon regard se pose sur Luna en même temps que ses yeux me dévisagent. Je lui souris et nous nous fixons un long moment. Elle finit par détourner le regard. — Bon, on y va ? s’impatiente Victor. Les autres approuvent et ils commencent à partir vers le self. Mathis et moi restons en arrière. — Tu pourrais parler, tu sais, t’exprimer, je lui fais remarquer. — Tu sais très bien que je suis en incapacité de m’exprimer devant autant de gens. — Tu y arrives, avec les autres, pourtant. — Parce que ce sont mes amis. Là, c’est différent. Je soupire pour simple réponse. Mathis et moi sommes très différents, et c’est ce qui nous rapproche. Il a sauté une classe et est très timide, alors que moi…bah, c’est moi. Luna nous rejoint dans le rang des derniers du groupe. — Tu rejoins le côté obscure de la force, là, je lui dis. — Je me suis lassée de l’autre côté. Je lui souris. Je vois mieux ses joues rosir, d’ici. Je pose ma main sur la tête de Mathis. — Je te présente Palpatine. Il a une infinité de connaissances et ne supporte pas de voir la tête des gens dès huit heures. Ah, aussi, il veut nous quitter pour réviser son prochain devoir. — N’importe quoi ! soupire l’intéressé, exaspéré. Ça fait rire Luna. Mathis retire ma main de sa tête. — Tu es à côté de Dark Vador. Insupportable, vient te faire des blagues dès huit heures, oublie toujours tout et ne sait pas s’organiser, riposte-t-il. — Ce n’est pas de ma faute ! — Pour faire des blagues dès huit heures ? — Enfin ça, si, et encore tu ne me vois pas souvent dès huit heures. — Il faut que je sorte mon téléphone pour te rappeler tous les messages que tu m’envoies chaque matin en me faisant des blagues ? — Non, ça va, ça ira. Je m’avoue vaincu. — C’était bien, les cinq dernières minutes restantes de ton cours ? je demande à Luna. — J’ai connu pire, et toi ? — Tu parles, il n’y est même pas retourné ! Je suis à peine sorti de ma salle, le premier en plus, qu’il était là, répond Mathis à ma place. Luna rigole. C’est agréable de voir que Mathis n’a aucun problème pour discuter avec Luna. Nous arrivons devant la cantine. Nous suivons les autres lorsqu’ils rentrent dans le bâtiment. Lorsque je balaie des yeux le self, je ne remarque qu’une chose : la mozzarella. — Il y a de la mozzarella ! se réjouit Mathis, également fan de mozzarella – un de nos points communs. — Beurk, répond Luna. Nous nous tournons vers elle en même temps avec un regard surpris. Elle nous dévisage longuement. — Quoi ? Je n’aime pas le fromage. — J’ai du mal à y croire là, j’ai dû mal entendre, répond Mathis. — Non, tu as bien entendu, malheureusement, je confirme. — Aïe, j’ai mal. — Tu détestes les sorbets citrons, donc ce n’est pas mieux, je riposte. — En plus tu la défends ? Les sorbets citrons, ce n’est pas pareil, c’est infect. — Mais c’est trop bon ! répondons Luna et moi en même temps. Mathis arrête de débattre lorsque nous prenons un plateau. Nous nous servons chacun en silence avant de s’installer à table. — Vous avez quoi comme cours après ? demande..la fille blonde. Oui, j’ai un sacré problème pour retenir les noms. — J’ai physique chimie, répond la brune à sa droite. — Anglais, je dis. — SES, ajoute le grand aux cheveux noirs. — Français, dit celui aux cheveux châtain. — Maths. Et toi, Mathis ? demande Victor – j’ai retenu son nom, à lui. Six paires de yeux se tournent vers mon meilleur ami. Je pouffe de rire lorsqu’il crache subitement l’eau dans sa bouche. Il déteste être fixé comme ça, le pauvre. — Euh, maths aussi, répond-il en essuyant les dégâts. Je toussote pour attirer l’attention et dégager les regards insistants sur mon meilleur ami, ce qui marche car j’ai maintenant l’impression d’être examiné dans les moindres détails. — Bon, et bah, bon appétit, lâche Luna. Ils se ressaisissent tous et commencent à manger lentement. — Tu m’as sauvé, me chuchote Mathis. — C’est normal. Il garde la tête baissée sur son assiette pendant que Victor lui lance des regards étranges. — Et donc, Simon, tu es où, exactement, dans l’internat ? me demande la brune. — Au premier étage, de l’autre côté du couloir où Luna est. — Ah, d’accord. Je vois où c’est. Il y a vraiment un malaise. — Il t’arrivait quoi, en histoire géo, Luna ? demande soudain Victor. L’intéressée lève les yeux de son assiette et croise mon regard avant de se tourner vers Victor. — C’est Clay, il a dit n’importe quoi. Enfin, tu devrais t’en douter. J’ai l’impression qu’une ambiance glaciale pèse sur la table. Est-ce que c’est de ma faute ? Luna et Victor ont l’air assez agacés. J’ai manqué quelque chose ? — Tu as quand même pris du temps… — C’est de ma faute. On s’est croisés, j’interviens. Victor ne me regarde même pas. — Comme par hasard, je l’entends bougonner. Je reste perplexe face au silence pesant qui règne. Ils se sont embrouillés juste avant ? Les autres n’ajoutent rien, le visage concentré sur leur repas. Mathis, à ma droite, a l’air très mal à l’aise, pendant que Luna, à ma gauche, soupire avant de lever les yeux vers moi, de croiser mon regard, puis de retourner à son assiette. Je ne sais pas quoi leur dire, étant donné que je ne comprends pas la raison de la mauvaise humeur qui plane au dessus de la table. Au bout d’un moment, Mathis se lève. — Je dois aller au CDI, dit-il. Je lui souris puis me lève avant de poser ma main sur son épaule. — Je viens avec toi, ne t’en fais pas. Luna se lève. — Je peux venir ? — Ah, moi aussi, je veux venir ! ajoute Victor en se décalant pour se faire remarquer. Mon meilleur ami, à côté de moi, soupire. Je l’ignore. — Aucun problème, je réponds. Je sais qu’après ça Mathis râlera une fois que nous serons tous les deux et qu’il m’en voudra en me répétant qu’il a besoin de réviser et non de la compagnie. Je tiens quand même à ce qu’il sociabilise un peu, même si je le laisserai réviser, bien sûr. — Bon bah, on se reverra à l’internat, me dit la brune – je vais la surnommer Salade, parce que j’en ai marre d’oublier les noms, même si je déteste la salade. — C’est ça, je réponds. — Bon après-midi, ajoute le grand brun – je vais l’appeler Perche parce qu’il est immense. — Merci. À vous aussi. — Avec plaisir, me répond la blonde – son surnom sera Pissenlit. Le dernier – qui s’appellera Lunettes parce qu’il en a – ne dit rien, les yeux rivés sur son assiette. Je leur souris poliment avant de partir à la suite de Mathis, suivi par Luna et Victor. Nous allons débarrasser nos plateaux avant de sortir du self. — C’est parfait, j’ai besoin de réviser un contrôle pour demain, dit Victor. — Tu pourras réviser avec Mathis, comme ça, je lui réponds. L’intéressé me fusille du regard, ce qui signifie : « On aura une discussion, après ça, je sais que tu fais exprès. ». Nous nous dirigeons vers le CDI, bâtiment A, premier étage. — C’est quoi comme contrôle ? je demande à Victor. — Maths. — Comme Mathis, c’est parfait ! Je contiens mon rire. Mon meilleur ami me donne un coup de coude dans les côtes. — Arrête tout de suite, me chuchote-t-il. Je lui réponds par un large sourire. Il lève les yeux au plafond. Nous arrivons au CDI. Il n’y a presque personne, tout est silencieux. Mathis insiste pour que nous nous installions à l’étage, loin du peu de gens qu’il y a. Nous nous asseyons à une table de quatre, Mathis face à Victor, et Luna à côté de Victor. — Et donc, c’est qui, le surveillant de l’internat, aujourd’hui ? je demande à Luna pendant que les deux autres sortent leurs cahiers. — Ulysse. C’est un peu comme si personne ne nous surveille, en fait, parce qu’il passe son temps au bureau à lire, écouter de la musique, enfin tu vois le genre, quoi ? me répond-elle. — Je vois. — Hum hum, on révise, là. Allez ailleurs, pour parler, nous coupe Mathis. Je soupire. — Ce n’est pas grave, on a qu’à marcher un peu ? me propose Luna. Je hausse les épaules et finis par accepter. Je n’arrive toujours pas à me faire l’idée que pendant tout ce temps, elle était dans mes rêves, mais je ne la rencontre que maintenant. Et elle est exactement comme dans mes rêves. C’est comme si on se connaît depuis longtemps, toujours même. Elle se lève et je la suis lorsqu’elle commence à s’éloigner. — Je suis pratiquement sûr qu’ils ne vont même pas réviser, au final, je lui dis. Elle rigole. — Fais attention, Victor va essayer de le draguer. — Oh, je ne me fais pas de souci pour Mathis. Ça lui fera du bien, de sociabiliser un peu. — J’en ai bien l’impression. Nous traversons plusieurs rayons, en passant par les documentaires, des romans biographiques, jusqu’aux pièces de théâtre. — Est-ce que ton livre est au CDI ? je demande. — Nos étoiles contraires ? — Oui. — Je n’en sais rien. — On va le découvrir, alors. Elle se dirige vers le rayon « Romans pour adolescents » puis parcourt des yeux la rangée des auteurs en G. Elle finit par relever les yeux et secoue négativement la tête. — Aucun livre intitulé Nos étoiles contraires, ici, lâche-t-elle. — C’est bien dommage. J’aurais aimé essayer de le lire, finalement, je réponds. — Je peux te prêter mon exemplaire, si tu veux. — Avec joie. — Et toi, tu as un livre préféré ? Je réfléchis. — Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee. — Jamais entendu parler. — Sérieux ? C’est quand même connu. Elle hausse les épaules. — Il serait peut-être temps que j’arrête de lire en boucle le même livre. Je lui souris.
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