Mords-moi 3

Je regarde autour de moi, plus rien. Les arbres ont disparu tout comme les fleurs et les lacs. L'air est infect et tout est de cendre. J'avance lentement en toussant, ne pouvant pas respirer l'air irrespirable de cet endroit. Je vois une ombre au loin ; je cours vers cette ombre qui semble s'éloigner. Je crie pour qu'elle s'arrête de bouger, mais je manque de tomber vers une falaise et m'arrête de justesse. Mon regard se porte de l'autre côté : un rubis rouge tombe dans le ravin, et j'aperçois l'ombre d'un homme. Je ne vois pas son visage, mais ses yeux dorés et son sourire démoniaque me glacent le sang. Il disparaît d'un coup. Je regarde le ravin où le rubis brille encore plus, et des rires insoutenables se font entendre. Je ne sais même pas pourquoi il rit. J'ai soudainement peur ! Je me tourne et le vois apparaître. Il marche vers moi. Je recule, mon pied se retourne presque dans le vide. La peur me gagne et mon corps se met à trembler. Il tend sa main vers moi, je recule un peu trop et tombe dans le vide. Je hurle en agitant mes bras. Je me réveille d'un coup, toute en sueur. Je regarde autour de moi et commence à m'agiter. - Encore ce rêve. Je descends de mon lit, sors de ma chambre pour me diriger vers la cuisine et me servir un verre d'eau. J'avale toute l'eau d'une gorgée. Ça fait maintenant 7 ans que je rêve de ce rêve horrible. La fin du monde avec un seul homme responsable, un homme aux yeux dorés. Je m'endors presque par peur de revoir ce rêve, ma tête explose, mais tout ça doit être normal. Je vais me mettre en boule sur mon canapé, je commence à trembler et à transpirer à grosses gouttes. La porte s'ouvre et se referme. Je sens sa présence. - Ella ? Il s'avance vers moi pour se mettre accroupi devant moi. Je suis terrifiée à l'idée de refermer l'œil. Mon frère se précipite vers le meuble, ouvre le tiroir et revient vers moi avec une fiole. - m***e ! Il n'y en a presque plus, annonce-t-il, angoissé. Il l'ouvre et le rapproche de mes lèvres. J'ouvre ma bouche pour laisser le liquide couler dans ma gorge. Il lance la fiole au sol et vient me prendre dans ses bras. Je me laisse aller contre la chaleur de mon frère. C'est bizarre, et lui, il est mon frère jumeau. Nos parents etaient de simple humain contrairement a moi qui suis différente, je suis la seule la famille qui est heritée de ce don, si on peut appeler ça comme ça. Nos parents sont morts alors que nous étions jeunes, et nous ne pouvons compter que l'un sur l'autre. Il pose sa main froide sur mon front avant de se précipiter devant la cheminée. Il fait craquer une allumette et allume le feu. Il vient me prendre dans ses bras et me porte jusqu'au feu, je continue à trembler de froid. Lorsque j'ouvre les yeux, mon frère est allongé au sol à côté de moi. Nous avons passé la nuit devant le feu.Je me lève pour aller prendre une douche. Je me regarde dans le miroir : mes cheveux bruns et bouclés tombent en cascade sur mes épaules, mes iris marron fixent la glace, et ma peau mate brille avec les gouttes d'eau. J'enfile ma tenue de serveuse et sors de l'appartement. J'arrive à mon lieu de travail, commence à nettoyer les tables, puis sers les clients déjà présents. Le loyer de notre appartement est trop cher, donc je travaille de jour et London travaille de nuit. J'aimerais tellement trouver un endroit où nous pourrions être épanouies. Je fixe l'eau pendant que je fais la vaisselle. Je m'arrête en la voyant trembler, je sors mes mains de l'eau et vois du sang. Je recule, prise par la panique, et rentre dans quelqu'un qui fait tomber un plat. - P-Pardon. - Tu ne peux pas faire attention, Walters !? me réprimande ma collègue de travail, une brune aux yeux bleus, ses sourcils sont froncés avec un regard noir. Elle se baisse pour ramasser, je jette un coup d'œil vers l'évier puis vers mes mains. - Walters ! Mon patron me fait signe de le suivre. Je m'exécute, mes deux mains jointes. J'entre dans son bureau, la tête basse, mes doigts liés l'un à l'autre. Il ferme la porte derrière moi, j'entends ses pas se rapprocher. Sa taille vient se poser devant moi, ses cheveux sont noirs avec des mèches grises, toujours impeccables pour un patron d'un petit café. - Ça fait trois fois cette semaine, Walter, dit-il d'un ton agacé. Je sais que je suis un poids pour tout le monde, surtout pour mon frère à cause de ses cauchemars, de ses visions... - Je-Je suis désolé. - Tu l'as déjà dit, Walters. Je me vois dans l'obligation de te mettre à la porte. Je lève la tête, ne croyant pas mes oreilles, j'agrippe le bras de mon patron. Je ne peux pas me faire virer ! Je serais un poids de plus pour mon frère sans ce travail ! - Je t-travaillerai plus dur ! Je ferai n'importe quoi pour garder mon travail ! Donner moi une dernière chance. Ses yeux gris me regardent avant qu'un sourire en coin se forme sur ses lèvres. Il saisit durement mon poignet et me plaque contre le mur. - N'importe quoi vous dites. Son haleine fétide me frappe en plein visage, il déboutonne ma chemise bleue, je me débats pour l'en empêcher. Pourquoi est-ce que ça m'arrive ? Pourquoi personne ne vient m'aider ? - Arrêtez ! Sa main se glisse sous la jupe de mon uniforme. Mon cœur bat si vite que j'ai l'impression qu'il va exploser. - S'il vous plaît ! Les larmes me montent aux yeux, une boule se forme dans ma gorge, je me sens impuissante. Ses lèvres viennent se poser sur mon cou, sa main tente de se frayer un chemin, sa langue glisse sur ma peau. Je suis dégoûtée ! J'ai peur... Mon cœur s'accélère. Au secours ! London ! - ARRÊTEZ ! Mon patron se fait propulser à l'autre bout de la pièce. Il frappe violemment sa tête contre le mur, se redresse quelques secondes, touche sa tête et regarde sa main remplie de sang... Comme je le disais, je suis un poids pour tout le monde... Mes pouvoirs sont un inconvénient parce que... Je suis un monstre. Pourquoi ne puis-je pas être normale ? Je tourne les talons, ouvre la porte et sors. J'attrape mes affaires et me décide à ne plus revenir travailler ici. Je rentre à la maison à toute vitesse, claque la porte derrière moi et colle mon dos à celle-ci. Je sens encore son toucher. Ça me répugne ! Je suis écœurée ! London apparaît. Pourquoi est-ce que je me sens si seule dans tout ça ? - Ella ? - Je... J'ai blessé mon patron. - Il va bien ? - Je... Je n'en sais rien. London... Il... Il a essayé de me faire... Je n'arrive plus à sortir les mots. Je suis un poids dans tout ce que je fais, et lui, il l'accepte. Il me réconforte comme il le fait toujours. Il s'approche de moi et me prend dans ses bras, comme à son habitude. Sa main glisse doucement dans mes cheveux. - Ne t'inquiète pas, petite sœur... Je vais régler tout ça. - R-Régler quoi ? Je suis vraiment un poids. C'est moi qui aurais dû mourir, pas eux. - Ella, ça suffit ! Il prend ma tête entre ses mains, alors que les larmes commencent à couler sur mes joues. - Ne dis plus ce genre de choses. Tu comptes pour moi autant que papa et maman. Je t'aime, petite sœur. - Je suis un monstre ! - Tu n'es pas un monstre, crie-t-il en me serrant contre lui. Je devrais mourir, je ne sers à rien. Plus tard dans la soirée, London a préparé le dîner et est allé travailler. Je déguste mon repas tranquillement, regardant par la porte vitrée la pluie qui n'a pas cessé de tomber. Je me lève de la table, enfile un manteau, des bottes, puis attrape un parapluie pour aller chercher London. Je sors et marche dans la rue, le parapluie à la main, me dirigeant vers son lieu de travail. Des ambulances et la police avec leurs gyrophares allumés passent à côté de moi à toute vitesse. Je ne fais pas attention, car il y a toujours des accidents dans cette ville. J'arrive à une intersection, un groupe de personnes est derrière des b****s de sécurité. Je m'avance pour voir qui est la victime cette fois-ci. Mon sang se glace lorsque je remarque la même veste que London. Ma respiration se coupe à mesure que mes yeux parcourent la scène de crime jusqu'à ce que je vois son téléphone, son collier. Je lâche mon parapluie. Ça ne peut pas être vrai. C'était un rêve ! C'était un rêve. Je passe la b***e de sécurité, les policiers viennent m'arrêter. - C'EST MON FRÈRE ! Ils me laissent passer, je cours vers lui et m'arrête à quelques centimètres. Je me baisse à ses côtés, la main tremblante, je me rapproche de lui, mes mains encadrent le visage de mon frère qui ne donne plus aucun signe de vie. Je regarde mes mains qui sont remplies de sang... Son sang. - L-London. Mes larmes me gagnent à nouveau, je commence à le secouer comme s'il était endormi. Comme s'il allait se réveiller et me donner un signe de vie. Il ne pouvait pas m'abandonner, lui non plus... Pas lui... - London. Ma tête se pose sur son torse, je n'entends ni son pouls, ni ses battements de cœur. Il est inanimé. Je m'effondre en larmes, je crie son nom à m'en faire mal à la gorge.Je force sur sa veste et serre mon emprise. Je viens de perdre tous qui me restais ! La pluie continuais à tomber sur mon dos. ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Après l'enterrement de mon frère, je regarde la pierre tombale de ma famille que j'ai perdue. La pluie n'avait pas cessé de tomber, je me retrouve trempé dans mes vêtements d'enterrement. Je n'ai plus rien... Ni famille. Ni amis. À part des pouvoirs qui ne me servent à rien. Je tripote le collier de mon frère à mon cou. - Qu'est-ce que je fais maintenant ? Vous m'avez laissée. Je dois faire quoi ? Papa ! Maman ! London ? Qu'est-ce que je peux faire sans vous ? Je vois soudainement une ombre se former au-dessus de ma tête, je lève les yeux pour voir un parapluie noir qui me protège de la pluie. Je pose les yeux sur la personne qui le tient : une femme rousse, à la peau blanche et aux yeux marron, elle semble jeune. Elle m'adresse un sourire. - Tu es Ella Walters, c'est ça ? demande-t-elle d'une voix douce et calme. Je ne vois aucune trace de méchanceté dans son regard et me contente de hocher la tête. - Je suis Pénelope et je sais ce que tu es. - Q-Qu'est-ce que vous voulez dire ? - Tu es celle qui va sauvée le monde. - Je... Je ne comprends pas. - Tu n'as rien besoin de comprendre. Si tu veux être toi-même et apprendre à utiliser tes pouvoirs, suis-moi. Sinon... Reste ici dans cette vie. Tu n'as que 17 ans et tu as déjà beaucoup sur tes épaules.Je serais comme une mère pour toi. Je t'aiderai à reprendre ta vie normalement. - Je n'apporte que malheur. - Au contraire, je crois le contraire. Elle tend sa main dans ma direction avec un sourire chaleureux. Je regarde sa main gantée qui est dirigée vers moi ; cette femme inspire la confiance. Je lève ma main, la dirige lentement vers la sienne et, sans aucune hésitation, je prends sa main. Elle la serre dans la sienne. - Tu as fait un bon choix, Ella. Nous entrons dans une forêt. Elle claque des doigts, une barrière s'ouvre. Elle me fait un signe de tête puis avance ; je la suis sans rien dire. Nous entrons dans une sorte de ville cachée dans la forêt. Beaucoup de personnes y vivent, mais ce ne sont pas des personnes normales. Ils ont tous des pouvoirs. Je croise le regard de quelques-uns. Nous prenons un chemin vers les montagnes, une sorte de grotte. Je m'arrête alors qu'elle rentre. Elle s'arrête soudainement pour se tourner vers moi et me sourit. - N'aie pas peur, Ella. C'est ici le meilleur endroit pour t'aider à contrôler tes pouvoirs. - Je... Je ne crois pas pouvoir gérer quoi que ce soit, dis-je en baissant la tête, peu sûre de moi. Elle revient vers moi et pose sa main sur mon épaule. Je lève les yeux vers elle. - Je te l'ai déjà dit, je vais t'aider. Tu as un don et c'est mon rôle de t'aider. Son rôle ? En quoi peut-elle m'aider ? Toutes les personnes qui s'approchent de moi meurent. D'abord mes parents, ensuite, je blesse mon patron et, pour finir, la personne la plus importante, London. - Je crois que tu dois avoir faim et que tu devrais te reposer. Je hoche la tête et finis par la suivre à l'intérieur... Si j'avais su pourquoi elle était venue me chercher... Si j'avais su ce qui m'attendait...