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Le Porteur de Mort - Tome 2

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Rien ne pourra empêcher le déchaînement de leur destin...

Après 5 longues années d’apprentissage, Seïs rentre enfin auprès des siens. Cependant, l’appel du sabre grandit en lui et, malgré ses sentiments pour elle, Seïs abandonne une nouvelle fois Naïs, pour prendre ses fonctions de Tenshin à la capitale.

Le sacre du nouveau roi est l’occasion idéale pour mettre en action tout ce qu’on lui a enseigné à Mantaore… mais rien ne pouvait permettre de prévoir l’attaque d’envergure fomentée par le Renégat. En dépit de tous ces pouvoirs si durement acquis, Seïs ne peut rien y faire…

Découvrez la suite des aventures de Seïs dans le deuxième tome de cette saga fantasy époustouflante !

EXTRAIT

Fer hocha la tête et considéra de nouveau son cadet d’un air aussi sec qu’une terre sans pluie.

« Alors, ton apprentissage est terminé. As-tu réussi ? » lança Fer avec un sourire mesquin.

La réponse dut venir, mais je ne l’entendis pas. Des frissons glacés s’égayèrent de ma nuque à mes orteils. Une douleur aigüe me traversa d’une tempe à l’autre. La nausée me saisit. Mon regard se figea sur les arbres devant moi, qui devinrent peu à peu flous et indistincts. Mes jambes flanchèrent et je me sentis partir en arrière, dans un immense trou noir.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Un récit extraordinaire qui nous amène sur les rives d'un monde aux milles dangers, aux portes de la guerre. - Clemocien, Babelio

Des personnages plus nombreux, toujours attachants ou détestables. Un monde qui prend aux tripes. Une tension du début à la fin [...] - Blog De fil en histoire

Lecteurs, préparez-vous à bon nombre de péripéties en compagnie de Seïs ! - Blog Les Fantasy d'Amanda

À PROPOS DE L'AUTEUR

Née en 1981 à Brive-la-Gaillarde, Angel Arekin partage sa vie avec sa famille, son boulot, la littérature, le cinéma, les mangas, le web, les amis, et si cela ne suffit pas, avec ses pages d’ordinateur sur lesquelles se dessinent de nouveaux mondes, peuplés de créatures étranges. Passionnée de fantasy depuis sa découverte du Seigneur des Anneaux, diplômée en histoire médiévale et inspirée par les collines verdoyantes de Corrèze, Angel bâtit une épopée fantasy à l’âge de 20 ans qui occupera 15 ans de sa vie. Le Porteur de Mort est né, et à travers lui, de nouvelles histoires brûlent déjà d’être couchées sur le papier.

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Chapitre 1
Les olifants retentirent dans toute la vallée de Shore-Ker et se répandirent au gré du vent en direction des villages reculés. « Dépêchez-vous ! » cria Sirus, piétinant devant la porte d’entrée. Nous sortîmes prestement de la cuisine, Athora dans sa robe de lin bleu, le chignon tiré et l’expression du visage composée. Sirus l’aida à monter sur le banc de la carriole. Je m’assis à l’arrière, au milieu des sacs de grains. Une fois tous installés, les rênes claquèrent et Jo-Lann, la vieille mule de Point-de-Jour, s’engagea sur le sentier. Je regardais les arbres défiler, bringuebalée entre les sacs. Je songeai sottement à l’automne qui commençait à se faire sentir dans les bois de Shore-Ker, aux feuilles des arbres qui se teintaient de jaune, d’orange et de pourpre. Je songeai au vent qui se rafraîchissait. Je songeai à Seïs qui bientôt reviendrait, paré, ou non, d’un titre. Étrangement, je ne pensais pas vraiment aux cors qui tempêtaient à travers toute la forêt. Depuis quelques jours, je ne parvenais plus à me concentrer sur quoi que ce soit. Cependant, Athora me renvoya brutalement à la réalité. « Que se passe-t-il ? demanda-t-elle lorsqu’un nouveau son de trompe perça le silence des bois. — Je n’en sais fichtre rien. On n’a pas entendu sonner tous les cors de la ville depuis la dernière guerre, répondit Sirus en entraînant la mule tambour battant sur le chemin. — Peut-être qu’ils vont officiellement annoncer les nominations des maîtres », avançai-je. Sirus me jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. « Je ne crois pas. La nomination des apprentis est peut-être une véritable foire, mais celle des maîtres passe inaperçue jusqu’à ce que les Tenshins décident du contraire. En ce qui nous concerne, nous saurons bien assez tôt ce qu’il en est. » Athora m’adressa un clin d’œil éloquent. Je lui souris, puis reculai à l’arrière de la charrette. Je me laissai tomber sur les sacs et croisai les bras sous la nuque. Un brouhaha envahit le sentier avant même que l’on ait franchi les dernières broussailles dissimulant la voie royale de Macline. Je me relevai sur un coude. « Bon Dieu, qu’est-ce que tout ce raffût ! » beugla Sirus. La carriole dépassa la rangée de chênes et nous fûmes avalés dans un monstrueux embouteillage de charrettes. Sirus finit par arrêter Jo-Lann sous un chêne centenaire, aida Athora à descendre du banc et rabattit la capote sur l’arrière de la carriole. À peine le pied au sol, je fus avalée par un flot de gens empressés de pénétrer dans la ville. Les questions allaient bon train sur les raisons de l’alerte et les réponses étaient toutes aussi extravagantes les unes que les autres. Tous s’accordaient néanmoins sur un point : ce n’était pas de bon augure. Je pensais avoir passé le plus dur une fois la porte franchie, je me trompais lourdement. Sitôt dans l’avenue des Notables, je fus happée par une cohorte de marchands qui hurlait à la foule de les laisser passer. Dans la bousculade, je perdis très vite de vue Athora et Sirus, et faute de pouvoir quitter la rue, je me laissai entraîner jusqu’à la place des Sept Rois. L’immense esplanade vers laquelle convergeaient toutes les grosses artères de Macline n’était plus qu’un tapis de corps. Les statues des rois se volatilisaient au milieu de la foule. Les demeures mitoyennes grouillaient de spectateurs aux fenêtres. Des gardes de la ville étaient postés à chaque rue et ruelle, alignés en rang, immobiles et l’arme au poing. D’autres gardaient l’estrade. Le bruit était assourdissant et la chaleur était insoutenable. Le soleil brûlait au-dessus de nos têtes. La tension était palpable alors que nous jouions tous des coudes pour nous assurer un brin d’air frais. Le manque d’oxygène me prit à la gorge. Je tentai de grimper sur le rebord de pierre qui entourait un massif de fleurs. Je fus repoussée par un groupe de garçons. Je manquai de tomber, me récupérai cahin-caha et épongeai mon front en haletant. « Naïs ! » Je tournai la tête et mis quelques secondes avant de l’apercevoir. Brenwen était juché sur le piédestal en marbre de la statue de Lyn-Ane et agitait la main. Je tentai laborieusement de le rejoindre. Lorsque je parvins enfin à sa hauteur, j’étais aussi fatiguée que si j’avais couru quinze lieues. Brenwen posa un genou sur le socle et me tendit la main que je m’empressai de saisir. Il me hissa à ses côtés et l’air me parut tout de suite plus frais. « Tout va bien ? » me demanda-t-il. J’opinai et m’agrippai à son bras pour conserver mon équilibre sur le socle. « As-tu une idée de ce qui se passe ? — Pas la moindre, m’avoua-t-il. De nombreuses rumeurs circulent, mais très franchement, je n’ai jamais rien entendu de si stupide. — Tu crois que ça peut avoir un rapport avec les Tenshins ? » Brenwen me jeta un coup d’œil en biais. « Non, ça m’étonnerait. » La foule se fendit soudain par l’ouest pour offrir un passage mouvementé au long cortège de notables et du gouverneur de Macline. Aymeri de Châsse, en tête, avait enfilé l’un de ses plus beaux costumes de parade, richement coloré et gansé d’or et il arborait autour de son cou adipeux un rubis qui étincelait autant qu’une gerbe de flammes. Des protestations émergèrent des habitants massés les uns contre les autres et que l’on forçait à se pousser davantage. Aymeri monta les escaliers et s’avança à l’avant de l’estrade comme s’il y allait pour se faire pendre. Il triturait sa toge d’une main nerveuse. Son visage était grave ; ses sourcils broussailleux soulignaient un regard terne et soucieux et il crispait sa bouche comme s’il voulait roter sans y parvenir. Les trompettes se turent sur un geste du gouverneur. Le silence se fit aussitôt. Flanqué de deux gardes d’Artanbo, Aymeri se racla la gorge et repoussa avec irritation une mèche de cheveux grisonnante qui le gênait. « J’ai un mauvais pressentiment », soufflai-je à l’oreille de Brenwen. Celui-ci hocha la tête et crispa la mâchoire. « Mesdames et messieurs, gens de Macline et de Shore-Ker, énonça Aymeri d’une voix forte et limpide. Me voilà contraint de vous annoncer une nouvelle qui me chagrine. Ce matin, un message d’Elisse nous est parvenu. Calette le Grand… » Il se tut, reprit son souffle. « Calette le Grand est mort voilà quatre jours au palais de Hom-Tar… » Il se racla de nouveau la gorge, puis déclara d’une voix encore plus forte : « Le roi est mort, Vive Clémice d’Elisse ! » Un long silence suivit ses paroles. Un silence sinistre. Aymeri répéta son annonce, persuadé que nous n’avions pas tout compris. Je tournai les yeux vers Brenwen dont le visage demeurait figé dans la pierre. Aymeri hurla derechef : « Calette est mort, vive Clémice ! » Le vieil adage fut noyé sous un brusque haro. Les éclats de voix me transirent. Des femmes se mirent à sangloter, des hommes à crier. Le scandale explosa. Tout alla très vite lorsque quelqu’un s’écria : « On a tué le roi ! On a tué le roi ! » La tribune fut envahie en moins de quelques secondes, laissant les gardes sur le carreau. Aymeri battit en retraite et s’enfuit de l’esplanade. La nouvelle de l’assassinat du roi se répandit comme poudre au vent. J’entendis crier : « À mort l’assassin ! » Tout le monde hurlait. Certains en vinrent aux poings. D’autres juraient après le Lion Blanc. Des épouvantails réservés à la Fête des Remparts firent leur apparition sur la place. On y mit le feu et on les pendit haut et court aux poutrelles des maisons, comme si le meurtrier du roi s’incarnait dans ces vieux démons de paille. « À mort l’assassin ! À mort le Renégat ! » scandait la foule. En quelques minutes, le feu surgit et se répandit. Des cris éclatèrent. Une fumée noire et compacte engloutit l’esplanade. « Au feu ! Au feu ! » Une vague de corps se rua vers les rues bondées de monde pour fuir la place. La fumée obstruait le parvis. Du socle, je ne discernai bientôt plus rien, hormis des cendres épaisses et des visages terrifiés. Puis, j’aperçus les flammes. Rouges. Noires. Gigantesques. Elles gagnèrent les colombages des maisons et des poutres entières disparurent sous leurs caresses. Les cors d’alarme se mirent à hurler de plus belle. Les gens se jetaient à corps perdu dans les avenues engorgées. Ils étaient repoussés aussitôt. Aucun moyen de quitter la place. La fumée montait. « Il faut qu’on sorte d’ici », souffla Brenwen en me tenant la main. Je toussai. Mes yeux me piquaient. Les personnes juchées sur le socle ou sur le parvis étaient en proie à la panique. Elles se poussaient, s’invectivaient et se battaient pour s’enfuir. Brenwen cherchait une échappatoire. À nos pieds, la bousculade régnait. Les trompes de la garde résonnèrent sur la place. Au milieu de la fumée, je ne distinguais pas les soldats, mais je perçus nettement les cris. « Les salauds ! » vociféra Brenwen entre ses dents. Tout Macline semblait avoir perdu la tête. Une femme me saisit soudain par la cheville et tenta de me faire tomber sur les dalles pour prendre ma place. Brenwen la repoussa d’un coup de pied en pleine figure. Il me saisit par la taille et m’obligea à reculer contre le bras de marbre de la statue. Derrière nous, d’autres bondirent sur le socle. Un bref instant, je crus que la statue allait s’effondrer sur les pavés. Je reçus un coup de coude dans les côtes, et soudain, je partis à la renverse, le souffle coupé. « Naïs ! » cria Brenwen en tendant la main. Je fus propulsée au milieu de la foule. Brenwen fut happé parmi les corps qui se battaient sur le piédestal. Je tombai sur les gens amassés. Des mains me saisirent, me portèrent et me rejetèrent violemment. J’essayai de retrouver mon équilibre en m’agrippant à tout ce qui passait sous ma main. Gens, cheveux, bras, vêtements. Je fus brutalement précipitée au sol. Je heurtai les dalles, me râpai le dos et m’égratignai les coudes et les épaules. Je me recroquevillai sur moi-même pour éviter les coups de pieds. La tête me tournait. Je tentai de me relever tandis que la nausée tapissait ma gorge. Je retombai sur les coudes et reçus de nouveaux coups de pied. L’un d’eux me frappa au visage. Une douleur aigüe me perfora le front. Du sang coula sur mes paupières. Je n’y voyais plus rien. Je suffoquais. Les mains tremblantes, je m’accrochai à plusieurs pantalons ou robes. Au bout d’un moment, qui me parut une éternité, je parvins à me redresser et à absorber un peu d’air. La fumée était de plus en plus épaisse. Le sang sur mon visage m’empêchait de discerner la place. Je ne savais plus où j’étais. Je me laissai porter par la foule. Sur ma gauche, un soldat agrippait une femme par les cheveux pour l’obliger à battre en retraite. Un autre fourra la garde de son arme dans les côtes d’un homme. Ils furent avalés par la fumée. Pendant un bref instant, je crus entrevoir Brenwen. Je l’appelai, mais il s’évanouit derrière un rideau de fumée noire. Je voulus le rejoindre. La foule me repoussa comme une vulgaire marionnette. Ma tête était atrocement douloureuse. Je me laissai entraîner jusqu’à l’angle d’une rue. Là, je glissai le long du mur, me faisant la plus petite possible, et je rasai la façade jusqu’à la devanture d’une boutique. Je me tassai aussitôt contre le vantail de la maison. Blottie dans le renfoncement de l’étal, je regardai, apathique, le flot continu des habitants qui tentaient de fuir la place. À terre, l’air était presque plus respirable. De la main, j’essuyai le sang qui me perlait dans les yeux. Des cris perçaient de toutes parts. Les gardes refoulaient la populace à coups de gourdins, pour les plus chanceux, à coups de lames, pour les autres. Les cors hurlaient, ajoutant à la cohue. Les flammes happaient les maisons. Le vent se mit à rugir à son tour, accentuant les odeurs de brûlé, de sang et soulevant la poussière. Soudain, le cortège de gardes recula et libéra un pan de la place. La foule se dispersa. Avec elle, des rafales se levèrent brutalement, rejetant le rideau de fumée qui se disloqua. Le feu décrût aussitôt. Sans poussière ni fumée, la populace commença à se calmer. Les gens ralentirent et je les regardai, ahurie, depuis mon coin de porte. Le ciel se dégageait enfin et le Soleil réapparut. Toute la place parut engourdie, comme après une sieste trop longue. J’eus un hoquet de stupeur. Une brûlure délicieuse et dérangeante dévora mon estomac. D’une main tremblante, j’essuyai de nouvelles gouttes de sang qui coulaient sur mes paupières, pour être bien sûre de ne pas rêver. Un homme marchait au milieu des soldats attroupés, qui le dévisageaient comme s’il revenait de l’Autre Royaume. Il était vêtu d’une tunique noire pleine de poussière. Un sabre était rivé à sa hanche. Ses cheveux bruns étaient retenus en queue de cheval et quelques mèches folles encadraient son visage. Les gardes s’écartèrent pour le laisser passer. Un silence estomaqué sombra sur la place. Le feu s’éteignait au fur et à mesure de ses pas, comme par miracle. La fumée se dissipait et dévoilait le c*****e auquel s’étaient prêtés les gardes et les habitants de Macline dans la folie ambiante. Il n’avait pas l’air fatigué, mais ses traits étaient tirés, sa bouche crispée. Il me regardait fixement. Mon cœur s’affola. Il s’arrêta devant la boutique, jeta un coup d’œil autour de lui. D’une main, il réajusta son sabre et s’agenouilla à mes côtés. Il se tordit la bouche, baissa la tête, puis soupira. Il posa sa main sur ma joue. Je ne me rendis compte que je pleurais que lorsqu’il essuya mes larmes. J’enfonçai mon visage au creux de sa main. « Morveuse, on ne peut jamais te laisser toute seule, hein ? » murmura-t-il. Il esquissa un sourire. Je ris doucement et me jetai à son cou. Il enroula aussitôt ses bras autour de mes épaules et m’attira contre lui. Il sentait l’herbe sèche et l’été. Sa peau avait un léger goût de sel et sa tunique gardait l’odeur familière d’une monture et du cuir. « Ça va aller… Je suis là, chuchota-t-il, en caressant mes cheveux. Naïs… » Sa voix s’étiola. Il raffermit sa prise sur mes reins, puis me souleva de terre comme si je ne pesais presque rien. Il se retourna ensuite face à la place, considéra froidement les gardes et la foule qui l’observaient comme des biches à l’affût d’un prédateur. « Calette est mort et ils crachent déjà sur son cadavre ! » murmura-t-il sans me regarder. Il siffla entre ses dents et s’avança au milieu de la place. Il la traversa, comme un couteau tranche une motte de beurre, sans regarder personne. Pas même les corps qui jonchaient les pavés. Il me fit descendre rapidement l’avenue du Soleil Levant, puis il emprunta l’une des venelles étroites du quartier sud, moins chargées de monde, pour gagner l’avenue des Notables et quitter la ville par la porte sud. Partout où nous passions, ce ne fut que regards intrigués pour les uns, médusés pour les autres. Lorsque l’on s’enfonça dans la ruelle entre les maisons en colombage, sous les balcons envahis de linge, je posai la tête contre son épaule et l’observai en silence. Il avait changé. Plus aucune trace du gamin qui était parti de Macline. Son regard, noir comme un puits, paraissait à la fois plus triste et plus sec. Ses traits s’étaient durcis, sans toutefois effacer les deux fossettes d’espièglerie qui creusaient ses joues. Une barbe de trois jours rongeait sa figure au teint hâlé. Ses cheveux étaient longs et bien coiffés, ils lui conféraient l’allure d’un grand Seigneur. Seïs tourna la tête vers moi et un sourire aussi charmant que malicieux se tailla sur ses lèvres. Une chape de plomb coula sur mes épaules lorsque son regard croisa le mien. J’aurais donné n’importe quoi pour qu’il prononce un mot, un murmure, mais il n’en fit rien. Il se contenta de sourire fièrement. Nous quittâmes la ruelle pour nous enfoncer dans l’avenue bondée. Seïs marcha prestement entre les badauds, puis nous franchîmes la porte sud au milieu d’une cohue sans nom, mais au moins, l’air était plus frais sous les arbres. Une fois au-dehors, Seïs s’immobilisa et examina les innombrables véhicules stationnés pêle-mêle devant les portes. « Ce matin, les gens se battaient pour rentrer, maintenant, il ne leur tarde plus que d’en sortir ! » dis-je. Il hocha la tête. Il paraissait chercher quelque chose du regard, sourcils froncés. Quelques secondes plus tard, il fonça vers une rangée d’arbres, louvoyant entre les charrettes. Derrière les toiles cirées de la capote d’un chariot, Athora était perchée sur le banc de la carriole et se triturait les doigts de nervosité. Elle avait les yeux dans le vide et son visage paraissait aussi vide. Autour d’elle, je ne vis ni Sirus ni Fer. Athora leva la tête, observa autour d’elle la foule qui se précipitait vers leur véhicule, puis s’apprêtait à retomber dans sa morosité lorsqu’elle nous aperçut. Son visage se figea, sa bouche s’arrondit. Elle pâlit comme si elle avait vu un fantôme. Elle nous regarda approcher, droite comme une tour de garde. Quand elle entendit le vieux Pâtis interpeller Seïs en agitant les bras, elle sursauta et descendit d’un bond de la charrette. Elle se précipita vers nous, son sourire grandissant à chaque pas. « Naïs ? murmura Seïs en penchant la tête vers moi. — Je vais bien. Pose-moi. » Il m’adressa un sourire troublé, puis me remit délicatement sur mes jambes. Il eut tout juste le temps d’écarter les bras pour y recevoir sa mère. Elle enroula ses bras fins autour de sa nuque et Seïs embrassa ses joues baignées de larmes. Elle sanglotait et riait en même temps. « Oh ! Seïs, par Orde, tu vas bien. Tu es de retour. Tu es là, mon garçon, mon petit garçon. — Oui, maman. » Elle le couvrit de baisers. Le visage de Seïs me parut étonnamment calme, presque nostalgique. « Bon sang, je savais que je n’avais pas rêvé ! perça soudain la voix caverneuse de Sirus. Il me semblait bien avoir reconnu ce visage de sacripant parmi la foule ! » Seïs reposa sa mère sur le sol et pivota lentement vers son père. L’expression de son visage était redevenue grave. « Tu me connais, là où l’on donne une fête, je m’incruste toujours. » Il se voulait gai, mais son ton ne l’était pas. Sirus secoua la tête, puis partit d’un petit rire. « Tu choisis bien ton moment pour revenir parmi nous », lui dit-il en lui tendant la main. Seïs la fixa assez longtemps pour que son père plisse le nez, avant d’oser la saisir. Dès qu’il eut glissé ses doigts dans ceux de son père, Sirus l’attira contre son épaule. Seïs parut décontenancé et, pendant un bref instant, je crus qu’il allait le repousser. Mais il se laissa faire, un peu raide et maladroit, avant de s’écarter de lui et d’assurer d’une voix sèche : « J’ai la sensation que ce moment était prédestiné, non ? » Sirus cilla, hocha la tête, puis déclara d’un ton plus jovial : « Bienvenu à la maison. » Seïs eut un bref sourire. « Naïs, que t’est-il arrivé ? » s’exclama Athora en apercevant les ecchymoses sur mon visage. Dans la confusion, je les avais presque oubliées. « Ce n’est pas grave. Je ne sens presque rien. » Ce qui était en partie vrai, parce qu’elles me brûlèrent si tôt que j’y repensai. Athora tira un mouchoir de sa poche et épongea le sang qui s’accrochait à mes cils. « Sirus, prépare la carriole. Il vaudrait mieux rentrer, dit-elle. Ici, il n’y a plus rien à voir de toute façon. » Sirus opina et se dirigea vers la charrette. « Seïs, aide donc ta cousine à monter dans la voiture au lieu de bayer aux corneilles », ordonna-t-elle. Seïs m’adressa un sourire amusé. « Ça fait tout de même du bien d’être rentré. » Je protestai. « Je vais bien, ma tante. Ce n’est pas grave. — Que Nenni ! Tu es toute couverte de sang. » Elle tira fermement sur la manche de Seïs pour qu’il se dépêche. Il s’approcha aussitôt et m’ouvrit les bras. « Tu tiens le coup ? me demanda-t-il. — Mais oui. Pas d’inquiétude. Qu’est-ce que tu imagines ? Il m’en faudrait bien plus que ces ramassis d’imbéciles ! » Il éclata de rire et glissa un bras autour de ma taille. Il m’entraîna vers la charrette sans cesser de me regarder. « Alors, ce n’est pas une rumeur ! » Seïs tressaillit de pied en cape et pinça les lèvres. Sans me lâcher, il fit volte-face vers son frère. Fer était accoudé au montant d’une carriole et le dévisageait avec une expression qui tenait plus de la grimace que du sourire. « Comme tu peux le constater », déclara Seïs en essayant de rester calme. On aurait dit deux chats dans une même pièce, toutes griffes dehors. Fer haussa les épaules, puis s’avança vers moi. « Naïs, est-ce que tout va bien ? » me demanda-t-il en prenant mon menton entre ses doigts. Il me contraignit à pencher la tête de gauche à droite, lorgnant la méchante plaie qui devait orner mon front. Seïs crocha ses ongles dans mes reins. Je soupçonnais Fer de vouloir agacer son frère en détournant sciemment la conversation, et cela avait l’air de plutôt bien fonctionner. « Oui, oui, arrêtez tous de me poser cette question. Je devrais survivre ! » Fer hocha la tête et considéra de nouveau son cadet d’un air aussi sec qu’une terre sans pluie. « Alors, ton apprentissage est terminé. As-tu réussi ? » lança Fer avec un sourire mesquin. La réponse dut venir, mais je ne l’entendis pas. Des frissons glacés s’égayèrent de ma nuque à mes orteils. Une douleur aigüe me traversa d’une tempe à l’autre. La nausée me saisit. Mon regard se figea sur les arbres devant moi, qui devinrent peu à peu flous et indistincts. Mes jambes flanchèrent et je me sentis partir en arrière, dans un immense trou noir.

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