Le rejet et la chute - Un Alpha inconnu

1302 Words
La nuit avait étendu son voile sombre sur la forêt, un drap d’encre que le vent faisait frissonner entre les branches. Le murmure des feuilles ressemblait à des voix anciennes, des prières oubliées que la terre chuchotait encore. Elena avançait lentement, le souffle court, appuyée contre l’écorce d’un arbre moussu. La douleur dans ses côtes s’était apaisée, mais le souvenir du combat restait vif, gravé dans sa chair. Et lui… il marchait juste devant, à quelques pas à peine. Son ombre glissait entre les troncs comme un prédateur en chasse. Pas un craquement sous ses pas, pas un souffle trop fort. Il se mouvait avec une précision presque surnaturelle. Depuis l’attaque, il ne l’avait jamais quittée des yeux. Ses gestes étaient mesurés, précis, mais chargés d’une retenue étrange — celle d’un être conscient de la puissance qu’il porte, et du danger qu’elle représente. Elena le suivait, fascinée malgré elle. Chaque fois qu’il tournait légèrement la tête, la lueur du clair de lune accrochait son profil : une mâchoire ferme, un regard sombre, un air impénétrable. Son silence était plus éloquent que n’importe quelle parole. Il avait cette aura… cette présence qui imposait le respect sans effort. Et pourtant, derrière cette force, il y avait quelque chose d’autre, une solitude qui se devinait dans chacun de ses gestes. Le vent glacial se leva soudain, serpentant entre les arbres et fouettant les cheveux d’Elena. Elle frissonna, resserrant les bras autour d’elle. Mais ce n’était pas seulement le froid. Un pressentiment s’était installé dans son ventre, lourd et persistant. Cet homme, ce sauveur tombé de nulle part, n’était pas celui qu’il prétendait être. Elle hésita avant de parler. Sa voix tremblait, mais sa curiosité fut plus forte que sa peur. — Tu n’es pas… de notre meute, n’est-ce pas ? Il s’immobilisa. Le silence qui suivit fut si profond qu’elle crut entendre le battement de son propre cœur. Les ombres autour d’eux semblèrent se figer, comme si la forêt elle-même retenait son souffle. L’homme ne répondit pas immédiatement. Il resta là, immobile, son dos tourné vers elle, les épaules légèrement contractées. Puis, lentement, il se retourna. Ses yeux, d’ordinaire sombres et calmes, s’éclairèrent d’une lueur dorée — une lumière presque animale, brute, indomptée. Il inspira profondément, comme pour rassembler son courage, et ses mots tombèrent enfin, lourds, mesurés. — Non. Je ne suis pas de votre meute. Je n’ai jamais appartenu à aucune d’elles. Sa voix vibrait d’une autorité naturelle, d’une force tranquille que même les plus anciens des Alphas auraient enviée. Ce n’était pas une déclaration… c’était une vérité, une affirmation de ce qu’il était. Elena sentit son cœur s’accélérer. Les pièces du puzzle commençaient à s’assembler dans son esprit, mais l’image qui se dessinait la terrifiait. Si cet homme n’était pas des leurs, s’il n’appartenait à aucune meute, alors il venait d’ailleurs. D’un monde qu’elle ne connaissait pas. — Alors… si vous n’êtes pas des nôtres, pourquoi me sauver ? Pourquoi risquer votre vie pour une inconnue ? Ses mots se perdirent dans le bruissement des feuilles, mais il les entendit. Il leva lentement le regard vers la lune, comme si elle seule méritait de recevoir sa réponse. Quand il parla enfin, sa voix s’était adoucie, presque mélancolique. — Parce que ce n’est pas seulement toi que je protège… C’est ce que tu représentes. Elena fronça les sourcils. — Ce que je représente ? Il tourna de nouveau vers elle ce regard doré, et un frisson lui parcourut la peau. — Si je te laisse tomber, alors tout ce qui est en jeu sera perdu. Ces mots la laissèrent interdite. Ils résonnaient en elle, lourds de sens et de mystère. Tout en lui semblait appartenir à un autre monde, un univers où chaque mot avait un poids, chaque promesse une valeur. Le vent s’intensifia, balayant la clairière d’un souffle froid. Elena observa la façon dont il se tenait, droit, fier, presque royal. Une puissance invisible se dégageait de lui, une énergie brute qu’elle sentait vibrer dans l’air. Son cœur battait plus vite, partagé entre crainte et fascination. Ce n’était pas un simple homme. Ni même un simple loup. C’était un Alpha. Mais pas n’importe lequel. Un Alpha sans meute. Un chef sans royaume. Un être libre, sauvage, guidé par un instinct que nul ne pouvait dompter. Elle murmura, presque pour elle-même : — Un Alpha… inconnu. Le mot sembla flotter entre eux, comme une étincelle prête à embraser la nuit. Il soutint son regard, sans ciller. Dans ses yeux, elle lut la fierté, la douleur, et une solitude si profonde qu’elle en eut le souffle coupé. — Oui, répondit-il enfin. Et ce que tu dois comprendre, c’est que mon allégeance ne se prête à personne. Ni à ta meute, ni à un autre Alpha. Mais je ne peux pas ignorer ce qui est juste. Il y avait dans ses paroles une noblesse sauvage, une vérité ancienne, comme si le sang même qui coulait dans ses veines portait les souvenirs d’une lignée disparue. Elena le regarda longuement. Elle se rendit compte qu’elle ne craignait plus seulement ce qu’il était, mais ce qu’il faisait naître en elle. Une attirance troublante, dangereuse, qu’elle refusait de nommer. Son instinct la poussait à fuir, mais son âme, elle, voulait comprendre. — Et moi ? demanda-t-elle d’une voix presque inaudible. Pourquoi moi, parmi toutes les autres ? Il se rapprocha lentement. Le sol craqua sous ses pas, et la lueur lunaire révéla une cicatrice qui barrait son cou — ancienne, profonde, comme le souvenir d’une trahison. — Parce que tu n’es pas comme les autres, Elena. Tu portes quelque chose… que même ta meute ignore encore. Elle sentit son souffle se bloquer dans sa gorge. — Que voulez-vous dire ? Il hésita, puis détourna le regard. — Ce n’est pas à moi de te le révéler. Pas encore. Elle voulut insister, mais il leva une main, lui intimant le silence. Un grondement lointain s’éleva dans la forêt, grave, résonnant comme le tonnerre. Les loups. Sa meute. — Ils te cherchent, dit-il calmement. Et ils ne te trouveront pas tant que tu es avec moi. Il tourna légèrement la tête vers le ciel. La lune pleine baignait la clairière d’une lumière presque irréelle. Les ombres s’allongeaient, et dans ce jeu de lumière, il semblait plus grand, plus fort, presque inhumain. Elena sentit son cœur battre à tout rompre. Le monde qu’elle connaissait — celui des lois de la meute, de la loyauté, du sang — se fissurait sous ses yeux. — Qu’êtes-vous vraiment ? murmura-t-elle. Il la fixa longuement, et un sourire imperceptible effleura ses lèvres. — Quelqu’un que ta meute aurait voulu effacer. Quelqu’un qui n’aurait jamais dû exister. Ses mots étaient à la fois une confession et une menace. Un nouveau grondement résonna, plus proche cette fois. Les arbres tremblèrent, des silhouettes bougèrent dans la brume. L’Alpha s’approcha d’elle, si près qu’elle sentit la chaleur de son corps contre le sien. Son regard la transperça. — Si tu veux vivre, fais-moi confiance. Peu importe ce que tu crois savoir. Elena hésita, le souffle court. Tout son être criait le danger, mais une autre voix, plus profonde, murmurait autre chose : il disait la vérité. Alors, lentement, elle hocha la tête. Un sourire fugace passa sur son visage, et il recula d’un pas, prêt à affronter ce qui approchait. Le grondement se mua en hurlement. La nuit vibra, et la forêt entière sembla retenir sa respiration. Elena comprit, dans un éclair, que rien ne serait plus jamais pareil. Cet homme n’était plus un simple sauveur. Il était une énigme vivante, un secret ancien, un Alpha sans meute… et désormais, son destin à elle était lié au sien. Et dans le lointain, les hurlements des loups se mêlèrent au vent, comme un chant d’avertissement que la nuit elle-même semblait écouter.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD