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Inspirant grandement l’air froid de ce matin-là, Sydney Carlyle passa les portes coulissantes des urgences du Westside London Hospital.
Arrêtée au seuil, elle regarda le vaste hall au carrelage blanc immaculée et fut tout de suite assaillie par l’odeur de solution salin et de désinfectant. Une odeur tellement familière qu’elle n’y prêtait plus attention.
Serrant la main sur la lanière de son petit sac à main qu’elle avait en bandoulière sur l’épaule, elle chercha la réception où elle trouverait tous les renseignements. Elle commençait son nouveau travail aujourd’hui.
C’était son premier jour et elle était quelque peu anxieuse. Ce n’était pas la première fois que s’était son premier jour dans un hôpital mais ce serait la première fois à Londres et en Angleterre.
Elle se mordilla par réflexe la lèvre inférieure. Elle, n’aimait pas se sentie ainsi. Elle ne s’était plus aussi sentie perdue et désemparée depuis son entrée au collège de Sydney, à l’autre bout du monde, il y a maintenant quinze ans. Aujourd’hui, elle est de retour dans son pays. Un retour empreint de bien de souffrances.
Il ne fallait pas s’appesantir sur ses tristes souvenirs. Pas en ce moment.
Soufflant, elle se dirigea d’un pas leste vers l’accueil quand soudain elle entendit quelqu’un l’interpeller par son nom, ce qui la surprit car elle ne pensait connaître personne ici.
− Sydney ! Entendit-elle à nouveau, plus proche cette fois.
Se tournant, elle reconnut tout de suite sa voisine de chambre, une jeune femme noire avec les cheveux coupés ras sur la tête, court, de l’auberge où elle résidait depuis son arrivée, un mois plus tôt, vêtue d’une tenue d’infirmière. Elle ne savait pas que celle-ci travaillait ici. Comme elle, la plupart des résidentes travaillaient dans le domaine médical et elle savait juste que Mia était infirmière comme elle, sans plus.
Avant son arrivée, elle s’était bien sur renseignée sur comment obtenir du travail et avait été heureuse d’apprendre qu’elle n’aurait pas besoin de trop de temps d’adaptation. Alors, dès son arrivée, elle avait postulé dans plusieurs hôpitaux à Londres et sa banlieue car elle voulait tout de suite trouver du travail et ne pas perdre trop de temps. Elle avait peu d’argent sur elle, ses maigres économies lui permettraient de tenir encore cinq semaines tout au plus.
Elle avait donc été si occupée qu’elle n’avait pu ou eu le temps de faire la connaissance de la plupart de ses pensionnaires de la petite auberge que la semaine dernière. Dont la belle jeune femme souriante qui venait vers elle, Mia Bloom.
Vraiment pathétique de sa part !
− Mia ! dit-elle surprise mais heureuse de rencontrer un visage familier.
− Ça alors ! Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu ne te sens pas bien, Sydney ?
− Non, oh non, dit-elle, dit-elle ne revenant encore pas de surprise. En fait, j’ai été engagée ici comme infirmière et c’est mon premier jour. Tu travailles ici ?
− Oui, depuis deux ans. Je suis restée après mon internat.
Elle eut un sourire nostalgique et pencha la tête.
− C’est vrai que Mme Sheppard nous avait bien annoncé hier qu’une nouvelle infirmière avait été engagée et qu’elle commençait bientôt. Je ne me serais jamais doutée que c’état toi. Même si tu ‘avais confié avoir postulé dans plusieurs hôpitaux et que c’est moi qui t’ai parlé de cet hôpital, dit-elle avec un piète rire. Mais, je suis bien contente qu’il s’agisse de toi. On va donc travailler ensemble.
− Et oui ! dit-elle quelque peu apaisée de savoir qu’elle allait en effet travailler avec Mia
Celle-ci avait un an de moins qu’elle mais était très sympathique. Elles s’étaient tout de suite liées d’amitié après leur rencontre car elles s’étaient trouvés de nombreux centre d’intérêt. Elle l’appréciait vraiment, surtout sa joie bon enfant.
− Au fait, on m’a demandé de chercher la surveillante Grace Maxwell dès mon arrivé et je m’apprêtais justement à demander où la trouver.
− Mme Maxwell ! S’exclama-elle avec une moue qui ne lui échappa. Elle est en ce moment en tournée dans les boxes de consultation avec les élèves-infirmières. Je peux t’y conduire si tu veux ?
− Non, je ne veux pas te prendre plus de temps. Indique-moi juste le chemin
− Tu es certaine ? Cela ne me dérange pas, tu sais. C’est génial que tu travailles ici, dit-elle avec son enthousiasme contagieux. On va bien s’entendre j’en suis certaine.
Hochant la tête, Sydney suivit la jeune infirmière qui lui indiqua le chemin à prendre pour se rendre aux box de consultations avant de se retourner à ses occupations sans doute. Avec un sourire, elle regarda la jeune femme s’éloigner. C’était vraiment bien qu’elle ait à travailler avec quelqu’un avec qui elle s’entendait bien car c’était déjà très difficile pour elle de se retrouver dans cette ville sans personne vers qui se tourner en cas de pépins.
Malgré les précisions de Mia, elle dut toutefois encore demander son chemin. Ce n’était pas pour le dire mais l’hôpital était grand. Alors qu’elle passait près d’un box, la voix affolée d’une jeune femme l’interpella. D’instinct, elle s’y dirigea et aperçut une jeune élève-infirmière paniquée près du corps inerte d’une jeune femme allongée dans un lit. Celle-ci était très effrayamment pâle.
− Excusez-moi mais est que ça va ? Demanda-t-elle d’un ton posé pour ne pas effrayée plus la jeune fille.
− Pas du tout, dit la jeune femme après un moment en la regardant, le regard voilé d’inquiétude, pâle. La patiente, elle ne respire plus.
Sans hésiter, Sydney se pencha sur le corps inerte et l’ausculta rapidement puis se mordit la lèvre inférieure. La situation était grave. Quelle m***e !
− Elle est en arrêt respiratoire, dit-elle en retirant son sac à main en bandoulière et se mettant déjà en état de situation. Impossible de savoir depuis quand elle ne respire plus. Appelez l’équipe de réanimation. Et j’aurai besoin du chariot de réanimation.
− Vous… vous êtes médecin ? Demanda-t-elle, une note d’espoir dans la voix.
− Non, infirmière confirmée. Faites vite.
Alors que la jeune infirmière revenue de sa panique faisait ce qu’elle lui avait ordonné, Sydney commença par faire du bouche à bouche à la patiente pour l’aider à respirer. Il fallait l’intuber le plus vite. Heureusement que l’élève infirmière revint au bout d’un court instant avec le charriot de réanimation. Elle enfila rapidement des gants puis se penchant, procéda à une intubation par des gestes précis et qu’elle connaissait par cœur maintenant. Très délicatement, elle fit glisser le tuyau dans sa gorge puis insuffla de l’air dans les poumons de la patiente à l’aide de la poire reliée au tube endotrachéal.
− Mais, qu’êtes-vous en train de faire ? Lança la voix imposante d’un homme qui venait de surgir derrière.
Sydney se retint de justesse de sursauter et gardant son calme, leva la tête pour voir qui l’interrompait dans son entreprise et tomba sur le regard le plus sombre et magnétique qu’elle ait vu. C’était un médecin à en juger par sa blouse blanche. Elle lui jeta machinalement un regard noir.
− Mon travail, dit-elle en baissant la tête sur la patiente.
− Dr Rivalti, intervint Mia qui était elle aussi venait d’apparaître comme par magie et regardait d’un œil critique ce qui se passait. C’est Sydney Carlyle, elle est infirmière et commence aujourd’hui.
Elle entendit le médecin murmurer quelque chose mais elle continua à presser la poire.
Au bout d’une bonne minute à insuffler l’air, un temps qui lui parut une éternité, elle vit enfin la patiente commencer à reprendre des couleurs.
Poussant un soupir de soulagement, elle sourit. Elle venait d’éviter une catastrophe et d’un cheveu.
− Poussez-vous maintenant et laissez-moi faire, lui instruit le fameux Dr Rivalti.
Quelle arrogance ! pensa-t-elle.
Hochant la tête, elle lui laissa toutefois la place ainsi qu’à l’équipe de réanimation.