Chapitre 11

860 Words
Shelby SABA — Tata Alicia, désolée... — Il faut vraiment que tu te prennes au sérieux, Shelby. Tu n’es plus une gamine. Tu as 24 ans. Ta sœur, à ton âge, était déjà indépendante sur tous les plans. Il est temps de grandir. — D’accord, grande sœur. — Suis-moi. Alicia est la seule amie que notre père a toléré pour Carène. Oui, même nos amies sont choisies par lui. Je la suis docilement pendant qu’elle me présente les lieux et mes possibles futurs collègues. Elle énumère les exigences et les règles de son patron, qui semble être un homme particulièrement strict. Je comprends pourquoi les employés semblent si rigides, même dans leur posture. J’espère m’en sortir. Je suis du genre à avoir du mal avec les règles, peu importe le domaine. Mais ce boulot, je dois l’avoir. — Madame, il est là. — Le patron est arrivé. Tu restes ici jusqu’à ce que je vienne te chercher. Je reste plantée dans la cuisine et observe le cuisinier intérimaire. Une collègue ne tarde pas à venir me chercher. À peine ai-je fait un pas derrière elle que mon ventre gargouille bruyamment. — Vous avez des maux de ventre ? Oh non, elle a entendu... — Oui... Désolée. — Gardez vos distances avec le patron, sinon vous n’obtiendrez jamais ce poste, dit-elle en ouvrant la porte du bureau. — Merci. — De rien. J’entre et balaye la pièce du regard. Mon regard se pose sur le patron. Non... ce n’est pas possible ! Il me fixe brièvement avant de reporter son attention sur Alicia, qui commence à lui parler. Je recule discrètement, me cachant derrière les autres. — Qui est-elle et que fait-elle ici ? demande-t-il en interrompant Alicia. — Qui ? Ah oui, Shelby ? Les employés devant moi s’écartent, m’exposant au milieu de la pièce. — Bonjour, Monsieur, dis-je en soutenant son regard. — Avance, ordonne Alicia. Mon ventre gargouille encore. Seigneur, quelle journée ! Le patron détourne le regard et fixe Alicia. — C’est la nouvelle cuisinière. — Pardon ? — La nouvelle cuisinière. Le gargouillement sonore de mon ventre attire tous les regards. Je ferme les yeux, honteuse. — Désolé, Monsieur. C’est une excellente cuisinière. J’ai goûté ses plats à de nombreuses reprises. — Qu’elle reste loin de cet établissement. — Je vous en prie, Monsieur, elle a vraiment besoin de ce travail. C’est une faveur que je vous demande. — Grourourourour ! — Sortez de mon bureau ! dit-il sèchement. Je m’exécute, les rires moqueurs de l’assemblée résonnant derrière moi. Je récupère mon sac et sors sans demander mon reste. Je n’ai jamais autant détesté mon propre corps. Je m’affale sur la chaise d’un restaurant croisé en chemin. Il faut toujours que les choses tournent mal avec moi. J’imagine déjà les reproches de ma mère et de Carène, m’accusant de tous les maux. C’est toujours comme ça quand j’essaie d’avancer. Je suis fatiguée de lutter contre des forces invisibles. Je sors mon téléphone et appelle une amie. Je vais passer la journée chez elle, voire y dormir. Je ne veux pas entendre les sermons incessants de ma mère et de ma sœur ce soir, encore moins pour quelque chose que je ne pouvais pas contrôler. Une demie-heure environ plus tard, j’aterri chez mon amie. — Non, ce n’est pas vrai ! s'exclame Lucie, pliée de rire. — Ce n’est pas drôle, répliqué-je, vexée. Son rire redouble, jusqu'à en pleurer. Je lui raconte mes mésaventures de la journée, et elle ne fait que se moquer. Je n'ai jamais eu aussi honte de ma vie. — Mais pourquoi ton ventre ne gargouille plus depuis que tu es ici ? — Comment je pourrais le savoir ? Je dois être maudite, ce n’est pas possible. — Ça peut arriver à tout le monde. — Plus jamais je ne boirai cette fichue tisane. — Et si tu étais entrée dans la maison d’un ritualiste ? — Vous seriez déjà en train de me pleurer. — Ce qui m'étonne, c’est que tu aies osé prendre un bain chez un inconnu ! — Avais-je vraiment le choix ? J’étais en sueur et... — Stop, garde les détails pour toi ! — Idiote. Lucie éclate de rire. — J’imagine ta tête quand tu t’es retrouvée face à ce monsieur une seconde fois ! — La honte aurait pu me tuer. — Gagagaga ! Mon ventre ! — Je te jure, il n’a pas osé se manifester avant que je quitte la pièce, comme il me l'avait ordonné. — J’aurais tellement voulu assister à la scène ! — J’avais juste envie de disparaître. Jamais je n’ai eu autant honte de ma vie. — Vraiment désolée pour toi. — J’espère ne plus jamais revoir aucun d’entre eux. — Tu ne pourras pas éviter Tata Alicia. — Elle, je n’ai pas le choix. Il faudra bien que je l’affronte. — Ça ira, ma chérie. Tu vas trouver un autre boulot. — J’espère bien. Je reste à papoter avec elle jusqu’à l’heure du déjeuner. Nous mangeons ensemble, et je finis par m’endormir, mon téléphone toujours éteint. Je l’ai éteint dès que j’ai quitté l’établissement où je m’étais ridiculisée.
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