Kylian DOUYA
Où ai-je bien pu mettre cette clé USB ? J’étais pourtant certain de l’avoir prise sur le lit. Je me demande en ouvrant la porte de ma chambre. Heureusement que je m’en suis rendu compte avant d’être trop loin.
— Eh ! Qui êtes-vous ? s’écrie Yvette, ma cuisinière, en s’adressant à quelqu’un que je ne vois pas.
Au même moment, une femme surgit dans ma chambre.
— Où sont les toilettes ? Où sont les toilettes ? répète-t-elle en arrachant sa perruque qu’elle jette derrière elle. Ses chaussures suivent avant qu’elle ne disparaisse précipitamment dans ma salle de bain. Je reste figé, déconcerté.
— Qui est... Seigneur ! m’exclamé-je avant de sortir en trombe de la chambre.
Je manque de bousculer Yvette, qui accourt vers moi. Je m’apprête à lui demander qui est cette folle débarquant chez moi à huit heures du matin pour saccager mes toilettes.
— Désolée, Monsieur, dit Yvette en me voyant rendre mon petit-déjeuner dans les parterres entretenus du jardin.
— Mais enfin, qui est cette femme ?
— Je ne sais pas, Monsieur. Je pensais que vous étiez venu avec elle.
— Tenez, Monsieur, dit mon chauffeur en me tendant une bouteille d’eau que je prends avec reconnaissance.
— Pouah ! lâche-t-il en fronçant le nez face à l’odeur pestilentielle qui me retourne à nouveau l’estomac.
— Monsieur, venez plutôt au portail, ce sera mieux.
Je ne me fais pas prier et m’éloigne de la maison en courant. Je déteste les mauvaises odeurs. Mais qui est cette femme ?
Shelby SABA
Je ne me suis jamais autant soulagée de ma vie. Quel soulagement ! La tisane de la vieille est vraiment efficace, peut-être même un peu trop... L’odeur pourrait réveiller un mort. Moi-même, je peine à respirer et je tire la chasse d’eau encore et encore.
Depuis mon enfance, j’ai de sérieux problèmes de digestion. Impossible d’aller à la selle sans cachets ou sans une cure de fruits pendant des jours. Mais j’aime trop manger pour respecter ces règles... Même en consommant des fruits régulièrement, le problème persiste.
Après plusieurs tentatives désespérées pour évacuer les dégâts, je me nettoie, mais je ne me sens toujours pas propre. En sortant ma tête de la salle de bain, je remarque qu’il n’y a plus personne dans la chambre. Juste un sac sur le lit, mes chaussures et ma perruque éparpillées sur le sol carrelé.
Bon, s’il m’a laissé la chambre pour que je me soulage, il doit être gentil. Je vais abuser un peu de sa gentillesse et prendre une douche rapide, me dis-je en retirant ma robe et mon soutien-gorge. La salle de bain est bien équipée pour un homme. Le dressing entrouvert le confirme. Je me lave avec un gel douche à l’odeur fruitée. J’adore.
— Madame ?
Je sursaute en entendant la voix d’une femme.
— C’est ici ? demandé-je, hésitante.
— Oui, avez-vous terminé ?
— Un instant, je me rince.
— D’accord, je vous attends ici avec la serviette.
— Merci, dis-je, un peu rassurée.
Quelle gentillesse ! Je suis touchée de voir qu’on a compris ma situation embarrassante. Je termine ma douche et demande la serviette. La femme me la tend sans entrer.
— Merci.
Je m’essuie rapidement et enfile mes vêtements. Je passerai ma crème dans le taxi. Soudain, une femme légèrement plus âgée que moi me fixe sévèrement.
— Désolée pour mon intrusion chez vous.
Elle me dévisage de haut en bas sans un mot. Je ramasse mes chaussures et ma perruque.
— NON ! crie-t-elle quand je m’assois sur le lit pour enfiler mes chaussures.
— QUI ÊTES-VOUS ?
Je sursaute et tourne la tête vers l’entrée où se tient un homme imposant.
— Bonjour... Je suis désolée, c’était urgent, je ne pouvais vraiment pas me retenir, bredouillé-je, intimidée.
Je fuis son regard et rase le mur pour sortir.
— À droite ! ordonne la femme quand j’hésite au bout d’un couloir à double sortie.
Je m’exécute et me retrouve sur la terrasse où trois hommes me regardent en ricanant discrètement. Rouge de honte, je me chausse et m’éloigne sans un regard.
Arrivée au portail, je découvre mon chauffeur agacé.
— Un problème avec la voiture ?
— Une crevaison. Je ne pourrai pas vous déposer.
— Comment vais-je faire ?
— Hèle un taxi sur la voie principale, dit-il en me tendant mon sac.
— Je vous dois combien ?
— Le double du tarif de départ.
— Pardon ? Vous me laissez ici et vous exigez le double ?
— Savez-vous combien de temps vous avez passé à l’intérieur ?
Je m’apprête à répliquer quand le propriétaire de la maison surgit. Je ravale ma réplique.
— Monsieur, je vous présente encore mes...
Bam !
Le claquement de la portière coupe ma phrase. Sa voiture démarre en trombe. Je fouille mon sac en quête de mon portefeuille. Je l’ai oublié à la maison. Paniquée, je compose le numéro de Carène pour lui demander un transfert. Mon entretien est fichu : j’ai déjà plus de trente minutes de retard.