CHAPITRE 4 L’ENCRE ET LES CHAINES

1173 Words
Je ne savais pas où poser mes yeux. Le salon semblait trop vaste, trop silencieux, comme si chaque recoin observait ma présence avec un jugement feutré. Et s’il y avait une ou des caméras cachées qui m’observaient ou plutôt derrière lesquels il m’observait J’étais encore pieds nus, assise sur un fauteuil hors de prix qui n’avait sans doute jamais servi. Mon corps entier criait la fatigue, mais mon esprit, lui, tournait à cent à l’heure. Un contrat. Un p****n de contrat de mariage. Comment m’étais-je retrouvé dans un tel merdier ? Je n’étais pas idiote. Ce genre d’arrangement existait. Dans les séries, les livres, les journaux. Les riches adorent signer des choses. Se fiancer sur papier glacé. Calculer l’amour en retours d’investissements. Mais moi ? Moi, j’étais cette fille qu’on avait toujours appelée “la grosse”, “l’invisible”, “l’inadaptée”. Et voilà qu’un homme comme Alessandro Moretti, sculpté dans le luxe et le pouvoir, me proposait de devenir la moitié d’un mensonge brillant. Je ferais tache sur son décor parfait, lui et moi ne pourrions pas nous accordés sur des notes de piano on était comme deux instruments désacordés dans un orchestre en feu. Je passai mes mains sur mes cuisses nues, embarrassée par leur ampleur, par cette chair qui débordait toujours un peu, même quand j’essayais de me faire toute petite. J’avais tout essayé pour perdre le poids, le régime, les coupe la fin le sport mais il m’était impossible de perdre ne serait-ce qu’un gramme. J’ai porté le poids de ma corpulence toute ma vie, un fardeau imposé par une société qui ne jure que par une silhouette étroite, taillée au scalpel de la conformité. Dans leurs yeux, la femme idéale a des jambes longues et fines, une taille étranglée, un ventre plat comme une page blanche et un visage lisse, sans trace, sans histoire. Elle est silencieuse mais souriante, séduisante mais jamais trop, visible mais jamais imposante. À côté de ce fantasme calibré, manufacturé, je suis tout ce qu’ils rejettent : trop large, trop présente, trop vivante. Mon ventre les dérange, mes cuisses les écœurent, ma poitrine les met mal à l’aise s’ils ne peuvent pas en jouir. Ils appellent cela “santé”, mais c’est du mépris maquillé de bienveillance. Ils me regardent comme un échec esthétique, comme une insulte à leurs normes aseptisées. On ne me demande pas qui je suis, seulement de devenir moins. Moins visible, moins imposante, moins moi. Et parfois, j’ai cru qu’ils avaient raison. Jusqu’à comprendre que leur idéal ne nourrit que leur vide pas ma vérité. Et malgré tout ça, lui, il m’a, il m’avait vue. Pas regardée de travers, à aucun moment, je me suis concentré sur ses expressions faciale à plusieurs reprises pour essayer d’y déceler du dégout mais non, rien il me regardait comme une personne normale et je ne savais pas comment le prendre. De plus il m’avait choisi, pas par amour, non, bien sûr. Mais quand même, il m’avait choisi et il voulait que l’on m’associe à son nom, d’une certaine façon je vais le refléter et ça n’avait pas l’air de le déranger ou il ne s’en rendait pas compte. Je n’avais pas fermé l’œil de la journée. Le soleil s’était couché et j’étais toujours là, à attendre comme une idiote qu’un inconnu vienne me lier à lui pour des raisons qui m’échappaient encore. Je n’avais rien avalé et je n’avais ni pris ma douche ni laver mes dents, rien. Quand il est revenu, la nuit était tombée. Il avait toujours cette allure insupportable. Costume parfaitement ajusté, chemise entrouverte, et ce regard presque las, comme s’il portait le monde sur ses épaules et que je n’étais qu’une diversion parmi tant d’autres. - Le contrat est là, dit-il sans préambule, en posant une pochette en cuir sur la table basse de son salon Je restai figée une seconde. Puis je me levai. Mes jambes fléchirent sous moi, autant de stress que de honte. J’avais passé l’après-midi à me persuader que j’étais capable d’accepter un tel pacte, mais là, face à lui, tout me paraissait absurde. Une signature et faire marche arrière ne sera plus possible. Et si je me trompais ? Tu peux t’asseoir, dit-il doucement. Je ne vais pas te mordre. Du moins sauf si tu me supplie. Je lui jetai un regard sombre. - Pas encore, murmurai-je. Il sourit. Lentement. Un coin de bouche à la fois. Il s’installa à l’autre bout du canapé, jambes croisées, détendu comme s’il était chez lui, ah oui, c’était le cas. Moi, je me repliai sur moi-même, bras croisés, cuisses serrées, comme si je pouvais disparaître dans un coin du tapis. Je pris le contrat. Il était épais. Imprimé sur un papier texturé, signé par un cabinet d’avocats dont le nom respirait l’élitisme. Contrat d’union à but contractuel et commercial entre Alessandro Moretti et Valentina Mariani. Je déglutis. Et il quitta la pièce RÈGLES – Version 1.0 1. En public, nous sommes un couple. Gestes affectueux (b****r caresses câlin) requis si présence médiatique. 2. Nous dormirons dans des chambres séparées. 3. Tu es libre de tes journées, mais certains événements nécessiteront ta présence. Une semaine de préavis sera donnée. Et si tu veux fréquenter un homme que ce soit sans traces 4. Aucune relation sexuelle, sauf accord explicite de part et d’autre. « Mes joues prirent une teinte rosée je ne voie pas ce que faisait cette close là, comment pourrait-il avoir envie de moi ? moi oui mais lui ? » 5. Les interviews doivent être validées par mon équipe. 6. Tu bénéficieras d’un budget mensuel pour tes besoins personnels. 7. Interdiction de divulguer les détails de ce contrat, sauf à ton avocat si nécessaire. 8. En cas de rupture anticipée, des clauses de confidentialité et de non-dénigrement s’appliqueront. 9. Le contrat durera un an, renouvelable une fois. 10. En toute situation, le respect mutuel est exigé. Je relus trois fois. Rien de choquant, rien d’inattendu. Et pourtant, quelque chose me dérangeait. Peut-être cette froideur chirurgicale. Ou le fait qu’il ait pris soin d’anticiper chaque angle, comme s’il avait fait ça mille fois. Je pris une page blanche, et un stylo et j’y fis glissé sur celle-ci Mes conditions – Valentina Rossi 1. J’ai besoin d’un espace pour travailler, de jour comme de nuit. 2. Je veux pouvoir refuser une apparition si cela nuit à ma santé mentale ou à mon intégrité. 3. Je ne veux pas être relookée ou transformée sans mon accord. 4. Je veux avoir voix au chapitre sur l’image publique du « couple ». 5. Si je suis attaquée publiquement, tu devras me défendre. 6. Le respect mutuel implique aussi le respect de mon corps 7. J’ai droit à des pauses. À des silences. À des jours sans justification. 8. En cas de crise, je veux un médiateur. Pas une humiliation. Quand il entra dans la pièce, vêtu d’une chemise blanche ouverte sur le col, les manches retroussées, j’étais prête. Du moins, je le pensais.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD