Prologue I
Respirer... Puis expirer lentement, être sûre de sa cible, ne jamais faire l'erreur d'objectif. Si on en fait, c'est que nous sommes voués à l'échec.
Je me regarde dans le miroir, glisse le rouge à lèvres de couleur rouge sur ma lèvre du haut puis sur la lèvre du bas. Je le fais descendre puis lui mets son bouchon avant de le remettre dans ma pochette.
Je mets en valeur ma poitrine qui est enfermée dans une belle longue robe noire en corset, avec fente sur le côté. Elle montre ma jambe gauche, le tissu de la robe met mon corps en valeur.
J'attrape ma pochette, marche en direction de la sortie, je dandine mon bassin, ce qui attire le regard de plusieurs hommes, sauf que moi, je suis intéressée par un seul homme en cet instant. Mon charme ne lui est pas indifférent.
William Bayley, un homme de la cinquantaine, patron d'une célèbre entreprise de dentition. Très marrant, ça. Il est aussi élégant que son costume, qui coûte trois millions pour une simple soirée caritative.
J'attrape un verre de champagne qui passe devant moi sur un magnifique plateau en argent. Je ramène le verre devant mes lèvres sans jamais boire une goutte. Je veux attirer le regard de cet Apollon.
Je sens que mon charme lui fait tourner la tête puisque ses yeux n'arrêtent pas de loucher sur mon décolleté. J'ai choisi la bonne robe.
Première chose : ne jamais montrer à un homme que vous voulez l'approcher. Tout intérêt disparaîtra dès l'instant où il verra un peu trop d'intérêt pour lui.
Je me tourne face à un tableau, le regardant avec intérêt, mais franchement, cela ne m'intéresse guère. Cet homme derrière moi est plus intéressant.
Je l'entends approcher lentement, je sens l'eau de Cologne assez chère sur lui. Il se place à côté de moi.
Il n'y a rien de plus dégoûtant qu'un homme qui se laisse appâter de cette façon alors qu'il est marié et qu'il a une fille qui a pratiquement mon âge.
Je continue de regarder le tableau en tapotant mon index ganté sur le verre. Il reste silencieux, mais je sais qu'il a envie d'engager la conversation.
— C'est un joli tableau, dit-il doucement afin que je sois la seule à entendre.
Je souris doucement, de la façon la plus charmante qui soit.
— Oui, il est magnifique.
Il me regarde brièvement de haut en bas, je peux même sentir son regard s'attarder sur mon décolleté. Je tourne mon regard sur lui puis souris avec mes dents blanches.
— Vous ne ressemblez pas à une personne qui aime l'art.
— Pourtant, j'ai des millions de tableaux.
— Vous me surprenez. Mademoiselle ?
— Qui a dit que c'était Mademoiselle ?
Son regard se pose sur ma main gauche. Mes doigts fins sont piégés dans les gants noirs qui sont parfaitement assortis à ma robe.
— Vous ne semblez pas mariée.
— Je ne semble pas... ou je ne le montre pas ? Ce sont deux choses différentes.
J’incline ma tête sur le côté, je tourne lentement mon regard sur l’horloge qui est située au-dessus de la porte de sortie.
Je verse discrètement le contenu de mon verre dans la plante à côté de moi. Je place le verre devant mes lèvres et fais comme si je le terminais en entier.
Je me tourne face à William, lui donne le verre qu'il prend sans hésiter.
— Je ne peux pas rester plus longtemps. Merci de la compagnie.
Règle numéro deux... Toujours faire en sorte d'être une femme en détresse, cela fera que votre appât fera n'importe quoi pour vous.
Je fais semblant de trébucher contre lui, il me rattrape, ses mains posées sur mes épaules dénudées. Je lève mon regard sur lui avec un air désolé.
— Pardon... J'ai oublié que l'alcool ne me réussissait pas.
— Vous... vous avez besoin d'être raccompagnée ?
Je place ma main devant mes lèvres.
— Je ne veux pas vous déranger.
— Non, vous ne me dérangez pas.
Je m'accroche à sa veste, presse ma poitrine contre lui puis chuchote :
— Je me sentirais mieux si je me reposais dans une salle.
Je le vois complètement absorbé par mon décolleté, les hommes comme lui sont tous pareils. Ils sont incapables d'être fidèles à leurs femmes. C'est un grand service que je leur rends, justement.
— J'ai justement un endroit qui serait parfait pour vous, dit-il avec un sourire en coin.
— Ah oui ? dis-je en souriant, le voyant mordre à l'hameçon sans même hésiter.
Il pose le verre que je lui ai donné sur le plateau vide qui passe, puis me fait signe.
— Suivez-moi.
Il passe sa main autour de ma taille, je le suis en faisant semblant d'être saoule. Je sens sa main qui descend sur mes fesses comme un porc.
Je monte les escaliers avec lui, nous nous éloignons de la soirée. Nous arrivons dans un bureau, il ferme la porte derrière lui.
Je remarque le bar qu'il y a puis me lève, un sourire jusqu’aux oreilles.
— Cela vous dit de boire avec moi ?
— Mais vous n'êtes pas déjà saoule ?
Je me rapproche de lui comme une prédatrice qui est prête à tout pour coucher avec lui. J'attrape sa cravate et la range doucement.
— Je croyais que vous aviez vu clair dans mon jeu ?
Je m'éloigne, m'approche du bar, pose ma pochette, saisis une bouteille de vin que j'ouvre en sortant deux verres.
— Je tiens à m'amuser avec vous.
Je verse de l'alcool dans chacun des verres, sors un petit flacon de mon décolleté que j'ouvre et verse deux gouttes dans l'un, avant de le remettre à sa place.
Je prends les verres dans mes mains, me tourne face à lui et lui fais signe de venir sur le beau canapé en cuir rouge.
Il sourit, flatté de ma drague. Je m'installe sur le canapé, lui tends ensuite un verre qu'il n'hésite pas à prendre avant de s'installer.
Je croise mes jambes l'une sur l'autre, le bout de tissu glisse pour laisser ma peau à nu. Il avale difficilement sa salive.
— Je ne pensais pas qu’un jour je trouverais mon idéal.
— Je suis votre idéal ? J’ai pourtant l’âge d’être votre père, me dit-il en souriant, sans lâcher ma jambe dénudée du regard.
Ah, parce que tu t’en es rendu compte, gros porc ? Je rigole.
— L’amour n’a pas d’âge.
Je lève mon verre, il trinque avec moi puis boit une gorgée. Il se penche ensuite vers moi, ses lèvres se rapprochent dangereusement des miennes.
J’ai le temps de détourner ma tête pour sentir ses lèvres poser un b****r mouillé sur ma joue. Dégueulasse.
Je pose mon doigt sur ses lèvres...
— Terminons nos verres d’abord.
Je rapproche mon verre de mes lèvres, il fait de même et boit d’un trait. Je pose le verre sur la table sans y toucher.
Je le vois froncer les sourcils en regardant partout, je me lève.
— Qu’est-ce... qu’est-ce qu’il y avait dans le verre ?
Je le regarde, il regarde le verre comme s’il pouvait savoir ce qu’il y avait dedans.
— Assez pour vous tuer, répondis-je en me dirigeant vers le bureau.
J’entends le verre se briser, je me tourne pour le voir se lever et tomber au sol à quatre pattes.
Je fouille dans les dossiers du bureau et finis par trouver ce que je suis venue chercher.
— Qui... qui es-tu ?
— Hm... Je suis plusieurs personnes à la fois. Ce soir, je suis juste une demoiselle en détresse. Mais sinon, on m’appelle Papillon.
J’insère la clé USB dans l’ordinateur et commence à tapoter.
Je connais les identifiants de William Bayley, tout comme son mot de passe. Il n’y a rien que je ne sache pas.
Je copie tout ce qu’il y a sur la clé dans mon téléphone que je relie à l’ordinateur.
Je regarde la barre de pourcentage augmenter.
Vite !... Vite !... Bingo.
J’enlève mon téléphone puis envoie à la boîte principale. Je remets la clé dans le tiroir.
— Qui... qui vous a envoyée ?
Je prends ma pochette, marche en direction de la porte sans lui adresser un regard. Il essaie de me retenir, mais je n’ai que faire. Je ne le connais même pas, ce type.
— Dites-moi au moins... Qui veut me tuer ?
Je m’arrête devant la porte, le regarde au sol, couché sur le côté, la tête levée vers moi.
Je souris en inclinant ma tête sur le côté.
— Hm... Je ne pourrais les compter. Soyez juste heureux que c’est moi qui vous ai tué.
Je sors en fermant la porte derrière moi. Il va mourir sous peu.
J’emprunte la porte à l’arrière, la pousse et descends les escaliers en tenant ma robe pour éviter de marcher dessus.
Il manquerait plus que je me casse la figure.
Je marche jusqu’à l’Audi noire garée sur le parking. Je sors les clés de ma pochette, déverrouille les portières et monte dedans.
Je balance la pochette sur le siège passager, j’insère ensuite la clé et démarre.
J’active la marche arrière, recule puis la marche avant et quitte les lieux.
Je sors mon téléphone, saisis le numéro et mets mon oreillette.
— Papillon... Tu termines tard ce soir, résonne la voix dans mon oreillette.
Je lève les yeux au ciel, sentant qu’il a dû passer une soirée peinard.
— Je croyais avoir dit que je ne voulais pas draguer ? Je déteste jouer la chaudasse !
— Mais tu t’en es bien sortie, si tu m’appelles, non ?
Il n’a pas tort. Je fixe la route du regard.
— Tu as reçu les informations ?
— Oui, j’ai tout sous les yeux.
Je m’arrête à un feu rouge, puis regarde mon téléphone posé sur ma pochette.
— Je vais prendre des vacances après ça. Je le mérite, dis-je en regardant le feu qui risque de passer au vert à tout moment.
— Vraiment ? me demande Rodéo à travers mon oreillette.
— J’en ai marre de tuer.
— Toi ? Marre ? Depuis quand ?
— Depuis que tu me donnes que des tripoteurs.
Rodéo rigole à travers l’oreillette devant ma plainte.
— Bien... Rentre. On parlera de ton congé demain matin.
— Hé ! Mon argent !
— Oh là là... Que tu es impatiente.
Mon téléphone vibre, je le regarde et fixe les zéros que je trouve très satisfaisants à regarder. Un sourire apparaît sur mes lèvres.
— Je suis contente de travailler avec toi, Rodéo.
— De même, Papillon.
Je retire l’oreillette de mon oreille et la balance sur le siège passager.
J’arrive chez moi, je gare la voiture dans le parking privé, j’attrape ma pochette et mon téléphone puis descends.
Mes talons claquent sur le béton jusqu’à devant l’ascenseur. J’appuie sur le bouton d’appel.
J’ai hâte d’enlever cette f****e robe. Je déteste la porter comme je déteste ces foutus talons. La prochaine fois, j’irai nue devant ma cible, ce serait plus facile.
L’ascenseur se présente, je pénètre à l’intérieur puis appuie sur le numéro d’étage de mon appartement.
Je regarde les numéros défiler, impatiente de me détendre sur mon canapé.
Les bras croisés, j’ai qu’une envie : prendre un bon bain chaud moussant.
J’attends que les portes s’ouvrent puis descends. Je marche en direction de mon appartement, sors les clés de ma pochette que j’insère dans la porte.
Je rentre dans mon penthouse, je balance les clés dans le pot à l’entrée, retire mes chaussures d’un coup de chaque pied, ce qui les fait voler contre le mur.
Je m’approche du plan de travail de ma cuisine, je pose ma pochette, me verse un verre d’eau d’une bouteille dans un verre.
Je bois une grande gorgée.
Une ombre apparaît derrière moi. Je balance mon verre sur celle-ci en me retournant rapidement.
Il s’écarte de justesse, puis se redresse et lève les mains pour se rendre.
— Comment tu vas... Luna ?
La seule personne qui ne m’appelle pas par mon nom de code, c’est…
— Maître ? dis-je surprise de le voir ici.
Il sort de l’ombre et s’avance dans la lumière, un sourire aux lèvres. Je soupire, allume la lumière et me dirige vers le mini-bar. J’en sors une bouteille de vin.
— Comment tu es entré ? je demande en versant du vin dans deux verres.
Il rit devant ma question. J’entends une chaise se tirer. Quand je me tourne, il s’y est déjà installé. J’approche, les deux verres à la main, et lui tends l’un d’eux.
Maître s’appelle en réalité John. C’est l’homme qui m’a recueillie quand j’étais dans la rue, en train de chercher à manger à cause d’une mère ignorante.
— Comment tu vas, Luna ? me demande-t-il gentiment en prenant le verre.
— Je pensais que tu étais en mission en Russie.
— Je l’étais, mais je suis revenu à cause d’un cas particulier.
Je m’adosse au plan de travail, intriguée. John ne quitte jamais une mission sans raison.
— Je t’écoute, dis-je en croisant les bras.
Il réfléchit à ses mots, bras croisés.
— Je n’ai pas le droit de venir voir mon élève préférée ?
— Je t’ai déjà demandé d’arrêter ça. Ça m’agace que tu entres chez moi sans invitation.
John sourit devant ma plainte. Il ne le prend pas mal, bien au contraire. Il porte son verre à ses lèvres.
Je ne sais pas pourquoi il est là, mais je ferais vraiment n’importe quoi pour John. Il m’a traitée comme sa fille pendant onze ans. Même si j’avais une mère, elle préférait sa dose à moi. Je ne me suis jamais sentie seule, parce qu’il était là. C’est lui qui a fait de moi “Papillon”.
— Allez, Maître, tu n’es pas venu pour boire un verre.
— Je t’ai dit de m’appeler "John" quand nous sommes seuls.
Je lève les yeux au ciel, puis m’installe à côté de lui autour de la table, posant mes avant-bras sans lâcher mon verre.
— Peu importe. Tu veux quelque chose. Tu ne quitterais pas une mission dans la précipitation pour rien.
Il boit une gorgée, repose le verre et pousse un long soupir.
— C’est Rocket.
Je m’arrête net. Ce nom… Max. Mon ex. On n’a jamais vraiment collé. Lui, c’était la lumière ; moi, l’ombre. Il attirait le soleil, moi la foudre. On était trop différents, mais on est restés amis.
— Que se passe-t-il ?
John s’approche de la porte vitrée, les mains derrière le dos, le regard perdu sur la ville.
— Il y a quelques mois, j’ai chargé Rocket d’une mission d’enquête.
J’en ai entendu parler. Ces missions sont confiées aux tueurs à gages qui n’ont pas les épaules pour tuer. Ils enquêtent sur une cible, récoltent des infos, et nous, on s’occupe du reste.
— Et donc ? je demande en portant le verre à mes lèvres.
Je ne le montre pas, mais son ton me trouble. Quelque chose ne va pas.
— Cela fait un mois que je n’ai plus de nouvelles de lui, dit-il.
— Un mois ? répété-je en reposant mon verre. Et tu t’inquiètes seulement maintenant ?
John se retourne vers moi, l’air coupable.
— Je ne m’inquiétais pas, parce que c’était risqué qu’il réponde.
Je m’approche de lui, le regard planté dans le sien.
— Qui était la personne que Max devait enquêter ?
John passe une main dans ses cheveux grisonnants. Mon impatience monte.
— John !
— Ernest Stone, murmure-t-il.
Je reste figée.