La Bête est sur moi. Son poids m’écrase et me comprime la cage thoracique. La douleur du choc pulse encore dans ma poitrine, vive, suffocante.
Bouge… Bouge, merde ! Je hurle intérieurement.
Je me tortille comme je peux mais la Bête ne cède pas. D’un coup sec, il me plaque de nouveau au sol, son corps massif me clouant au plancher comme une proie déjà condamnée.
Mon souffle se brise. Un cri monte, mais il reste coincé dans ma gorge, étouffé par la panique.
Je peux sentir ses griffes à travers le faux cuir de mon manteau. Mon regard s’accroche avec horreur à ses mains qui maintiennent fermement mes épaules au sol. Elles sont recouvertes de poils sombres, épaissies et déformées par une mutation presque surnaturelle. La Bête me surplombe. Ses genoux entravant mes jambes sans ménagement.
Est-ce un homme ?
Non, son apparence humanoïde ne cache pas ses traits bestiaux. Son torse large se plaque soudainement sur mon dos.
Et je sens sa respiration lente dans mes cheveux. Un grognement rauque me surprend près de mon oreille.
Je me fige.
La Bête me renifle.
Furtivement d’abord puis plus lentement, avec insistance. Comme s’il cherchait à capter chaque parcelle de mon odeur, chaque vibration de ma peur. Il effleure ma joue et mon coeur manque un battement. Son visage surgit dans mon champ de vision et je sursaute presque.
C’est un homme… Presque. Une mâchoire plus large, des canines trop longues pour être normales. Et des yeux de fauve, prêts à bondir sur sa proie… Moi.
Nos regards se croisent l’espace d’un moment et je frémis. Une lueur étrange se glisse dans ses pupilles. On dirait presque des yeux de chat. Non… De loup.
Il grogne une nouvelle fois, plus brièvement cette fois.Puis inspire profondément. Ce bâtard est en train de me renifler ou je rêve ?
J’essaie de reprendre mon souffle. Ce n’est pas un rêve, je ressens bien son poids sur moi, m’empêchant de respirer normalement.
- Mais va te faire foutre !! je rugis, sans même réfléchir.
Je me débats de toutes mes forces, réussissant à me libérer suffisamment pour prendre une grande respiration.
- C’est quoi ce délire ?! je hurle.
Il ne répond pas.
Il poursuit son inspection plus bas et je sens son visage descendre dangereusement vers mes reins. Un frisson d’humiliation me traverse. Sa force brute m’empêche de me redresser. Je suis impuissante, contrainte d’endurer son exploration silencieuse. Il semble calme en contraste avec ma panique évidente.
- Eh !! Je te parle ! Qu’est-ce que tu fous ? je crie en sentant sa main chaude se poser sur mes hanches.
Il me retourne comme une vulgaire crêpe, avec une facilité déconcertante. Profitant de cet élan, je griffe, je frappe, je vise tout ce que je peux atteindre. La peur me fait perdre en précision. Mes gestes sont chaotiques, j’ai l’impression d’être un insecte pris au piège. Il évite avec une agilité troublante, m’observant avec une lueur étrange dans son regard.
Il hausse un sourcil, intrigué visiblement. Presque curieux. Comme si j’étais une créature fascinante qu’il découvrait pour la première fois.
Mon gars, c’est toi l’espèce nouvelle ici, je pense, les dents serrées.
- Tu sais pas parler sale clébard ? je lâche entre deux souffles, le ton chargé de mépris.
Il entrouvre la bouche et la referme aussitôt, comme s’il cherchait ses mots. Je me tends, prête à l’attaque.
- Je suis pas un clébard, il articule enfin d’une voix grave.
Sa voix me surprend. Elle est douce, un peu rauque et traînante, ce qui tranche violemment avec la brutalité de son corps. Je grimace, déroutée.
- Pardon ? je souffle à demi-mot. Il sait donc parler.
M’ignorant royalement, il se penche de nouveau et renifle de plus belle.
- Tu es blessée.
Ce n’est pas une question mais une affirmation.
- A qui la faute ? C’est toi qui t’es jeté sur moi ! Je croyais qu’il n’y avait personne dans ce manoir depuis…
Il ne me laisse pas finir. Sa main attrape mon pantalon et tire dessus d’un coup sec. Une certaine confusion mêlée à de la rage m’envahit.
- Arrête, espèce de malade ! je lance mon poing de toutes mes forces vers son visage.
Mais il attrape ma main avec une vitesse fulgurante. Sa main touffue se referme sur la mienne, presque délicatement.
Nos regards s’accrochent. Je reste bouche-bée. Comment peut-il rester aussi calme ?
Puis d’un geste brusque, il retire le haut de mon pantalon. Juste assez pour découvrir ma vieille culotte grise et ma serviette hygiénique qui dépasse légèrement.
Un sentiment de honte me glace le sang. Ma gorge se serre. J’ai envie de disparaître.Ou de le tuer.
Il ne dit rien, son visage est impassible. Je panique et me débats frénétiquement comme une possédée. Mes bras fouettent l’air, mes jambes cherchent une faille. Rien. Soudain, je sens son visage se coller contre mon bassin. Sa chaleur me traverse à travers le tissu. Son nez appuie doucement contre mon pubis. Il inspire profondément et je frémis. De dégoût. D’humiliation. Je l’attrape par ses cheveux fermement, tentant de l’y déloger.
Sans succès.
- Si tu veux me v****r, t’as mal choisi ton jour gros porc ! je crache, en espérant que mes règles le dégoûtent. Ne sait-on jamais.
A moins que ça soit ça son kink : les meufs en sang.
Il s’immobilise et me regarde encore une fois de ce même regard étrange. Comme si mes mots n’avaient aucun sens pour lui. Il fronce les sourcils.
- Tu saignes, dit-il, d’un ton presque clinique, sans émotion.
- Non, sans blague, j’ai envie de rétorquer.
Mais au lieu de ça je lâche :
- C’est toi qui va saigner bientôt si tu me lâches pas.
Mon cutter se trouve dans ma poche gauche. Je gesticule, essaie de le sortir dans une tentative désespérée. Mais avant même de pouvoir mettre en place mon plan ridicule, il tire sur ma culotte. D’un seul geste maîtrisé, il la descend.
Mon corps se fige. Mon cerveau m’envoie des signaux d’alarme en boucle.
Je veux hurler, mais rien ne sort.