Une danse pour Gaby

L'Orient possède un parfum spécial à lui, cela Djamel en était certain. L'odeur de la gelée sur le sable les nuits, la senteur des épices dans la cuisine, et l'effluve des fleurs qui défient la nature en poussant. Ce que Djamel préférait le plus était de sentir l'odeur du soleil dans les cheveux de Gaby! Gabrielle! -Elle te manque déjà! Assis dans un fauteuil de velours au coin de la cheminée, Djamel releva ses yeux du bois qui crépitait dans le feu et les posèrent enfin sur Amir qui venaient d'entrer dans le bureau. -C'est le cas, répondit-il d'une manière lasse. Amir s'avança dans la pièce cherchant une place libre où s'assoir confortablement. Du haut de ses soixante ans, il avait encore le tact qu'il fallait pour faire parler Djamel, malgré ses humeurs. -Les enfants, commença Amir. Ils ont de quoi nous garder prisonniers de leur amour pour toujours. Djamel, les yeux rivés sur Amir, émit un petit rire semblable à un gloussement de contentement, ce qui permit à Amir de poursuivre. -Je me souviens encore de sa naissance, une bouffée d'air frais pour le palais tout entier. La princesse que tout le monde espérait. -Mon rayon de soleil, compléta Djamel avec humour. Heureux de voir que Djamel quittait peu à peu sa solitude, Amir ne perdit pas de temps. Le vieil homme le connaissait parfaitement, il savait de quoi il devait parler, afin de le faire réagir. -Je me souviens encore de comment tu la berçait, ses rires qui éclataient dans les couloirs du palais. Tu as toujours fait son bonheur Djamel, dit Amir d'une voix qui se voulait convaincante. Djamel quitta son fauteuil pour aller se servir un verre au bar. Son visage fermé était la preuve qu'il avait de nouveau perdu son humeur. -J'ai échoué lamentablement, vu que maintenant ma fille est malheureuse, dit-il en portant son verre à ses lèvres. Je suis le pire des pères qui puisse exister. -Je t'ai vu grandir, devenir un cheikh, un mari et un père, et crois-moi Djamel je n'en ai pas vu de mieux que toi ailleurs. Debout près du bar, son verre à la main, Djamel songeait aux propos d'Amir. Certainement qu'il ne pensait pas si bien dire, conclu-t-il. Peut-être qu'il était un bon cheikh, mais en ce qui était du reste, Djamel avait la certitude d'être un échec. Voyant que son interlocuteur ne répondait plus, Amir se leva et vint près de lui. -Et Gaby n'est pas malheureuse elle est juste indisposée pour le moment, corrigea Amir. Ce n'est qu'une enfant, elle s'en remettra. Djamel voyant qu'ils n'arriveraient certainement pas à ce comprendre en ce qui concernait Gaby, décida alors de changer de sujet. Peu importait ce que pensaient les autres, Djamel savait que Gaby était malheureuse et il était décidé à tout faire pour lui redonner le sourire. C'est alors qu'il vint se poser devant l'immense baie vitrée de son bureau, son verre à la main. - Djamel! L'interpella Amir. -Est-ce que tout est prêt Amir? Questionna Djamel. Il me tarde de retourner chez moi. Le vieil homme se retourna, fit quelques pas en direction de la table posée non loin d'eux et ramassa le dossier sur la surface plane en bois. -L'hôtel est tout à toi à présent, répondit Amir. Il ne te reste qu'à signer et nous pouvons rentrer. Djamel porta son verre de nouveau à ses lèvres et bu une gorgé de son liqueur. De là où il se tenait, il avait une belle vue sur la ville de Milan. Ses yeux se posèrent sur une foule rassemblée sous sa baie. Au milieu de la foule se trouvait une jeune femme dont les cheveux battaient l'air frais chaque fois qu'elle tourbillonnait. D'abord surpris de remarquer qu'une femme s'amusait à se donner en spectacle dans les rues froides du mois de décembre et encore à une heure si tardive, il fût tenté de détourner le regard, persuadé qu'il s'agissait d'une femme en quête d'attention. - Que fait-elle là Amir? Questionna Djamel d'une voir pleine d'une colère à peine contenue. Renvoi la tout suite. Amir se rapprocha de la baie et se mit à observer la scène. -En êtes-vous certain monsieur? Elle danse un ballet. -Elle fait quoi? Questionna de nouveau Djamel d'une voix surprise. -C'est une danseuse étoile, comme l'était la petite Gaby. Une danseuse étoile, répéta Djamel en baisant le regard de nouveau sur la foule. La foule s'écarta peu à peu, ce qui permit à Djamel d'apercevoir un tutu rouge sang, qui tourbillonnait sur la neige blanche. Deux bras fins s'élancèrent ensuite dans les airs, formant un arc et soigneusement disposés. Un sentiment étrange naît dans le coeur de Djamel et il crut revoir Gaby enchaîner un ballet. La jeune femme fit un saut dans les airs, ce qui fallu un éclat de joie de la part de ses spectateurs. Les lumières provenant de l'énorme sapin au centre de la foule, offraient au spectacle de la jeune femme, un magnifique jeu de lumière et à une magnifique piste de danse. Debout, les yeux rivés sur la danseuse et son verre à la main, Djamel fut aussitôt illuminé lorsque cette dernière releva la tête vers le ciel. Il n'eut guère la chance d'apercevoir avec précision son visage mais il en vit suffisamment pour décrypter le sourire radieux qui illuminait le visage de cette dernière. Pris d'un élan, Djamel déposa aussitôt son verre sur la table, certain d'avoir trouvé la solution à ses problèmes. -Djamel? Interpella Amir. Dois-je la renvoyer? Quittant sa torpeur, Djamel posa ses yeux sur Amir. Un regard qui en disait long sur la suite de leur séjour ici. -Je viens de trouver, répond Djamel avec enthousiasme. -Je crains de ne pas suivre, dit Amir tout confus. Djamel quitta la baie et rejoignit son bureau. -J'ai trouvé ce qui pourrait redonner le sourire à Gaby. Renseignes-toi sur cette jeune femme, je veux tout savoir sur elle et sur l'homme à ses côtés Amir. -Certainement son manager, dit Amir en balbutiant. Puis-je savoir ... - Je veux le rencontrer pour demain, le coupa Djamel avant de dégainer son téléphone.