Prologue

1199 Words
Le voile de la nuit venait d’être tiré au-dessus d’un lac aux eaux paisibles. Le temps resta suspendu, figé par les présences divines en ce lieu sacré. Le bruit d’un chariot tiré par deux chevaux d’un blanc argenté fit lever la tête aux deux déesses assises près d’un lac aux eaux translucides. L’une d’entre elles, Artémis à la chevelure rouge, déesse du Croissant de lune, chasseresse farouche armée de son carquois et de son grand arc doré, décroisa enfin les bras de sous sa poitrine. L’autre, Hécate à la chevelure aussi noire que les ténèbres, déesse de la Nouvelle lune à la beauté sans âge, laissait ses doigts parcourir la fourrure d’une chienne et d’un putois. Sur sa robe blanche vaporeuse tournaient les runes vertes et les symboles d’alchimie en continu. La dernière arrivée ôta enfin le grand voile qui masquait son visage. Sélène à la chevelure et aux yeux d’argent, déesse de la pleine lune, s’approcha d’un pas pressé près de ses alliées. La trinité lunaire était ainsi réunie dans le même lieu sacré. Des torches s’allumèrent autour d’elles, apparues comme par magie par la seule volonté de la magicienne, Hécate. « Pourquoi tant d’urgence, ô Sélène ? », questionna Artémis. Hécate garda le silence et se contenta d’écouter. « J’ai besoin de vous », murmura Sélène en prenant place, à son tour, sur l’herbe fraîche et tendre. Une biche aux cornes d’or s’avança pour venir placer sa tête sous la main de la déesse guerrière avant de fermer les yeux. « Une des âmes sœurs que j’ai créée ne cesse d’être occise avant même qu’elle puisse rencontrer sa moitié », commença Sélène. Artémis haussa les épaules avec dédain. « Je m’en moque. Je t’ai aidé, par le passé, à créer ces créatures. Quelle gloire tirerai-je, aujourd'hui, à te venir encore en aide ? » « Miséricorde, Artémis. Il nous a fallu un temps incommensurable pour pouvoir donner le jour à l’âme sœur de Magnus », supplia Sélène. Hécate leva un sourcil en entendant la déclaration de la déesse de la pleine lune. « Magnus. Parles-tu là du fils du loup et de la Tribu du Vent ? » « Celui-là même, ô Hécate. » Artémis se mit à rire avec mépris et se leva aussitôt. Elle épousseta la poussière sur les b****s de cuir composant la jupe de sa tenue de chasse et leur tourna le dos. « Je me moque des âmes sœurs. J’ai fait vœu de chasteté. Il me plait de savoir que les mâles aient besoin de leurs femelles. Il me déplaît que tu les aies faites leur égale en scindant leur âme. Ce combat n’est pas le mien. L’âme qui ne cesse de périr aurait dû être forte, mais tu as fait le choix de lui donner une moitié. » Ainsi disparut dans la pénombre la déesse au carquois. Hécate se mit à rire à son tour, ses yeux verts luisants mystérieusement après la disparition de leur troisième alliée. « Magnus est fils de la tribu du Vent par sa mère. Je t’aiderai, ô Sélène, car dans son sang coule la magie ancienne des peuples premiers. » Sélène hocha la tête avec gratitude, heureuse d’avoir le soutien de la déesse de la nouvelle lune. « Ainsi, loups et sorcières seront unis pour la protéger lors du prochain cycle des renaissances. » « Loups et sorcières sont mortels, quoique l’on en dise », prononça une voix venue de plus haut. Les deux déesses levèrent la tête vers le ciel et virent une forme titanesque, descendre de la voute céleste, enveloppée de gazes noires. Toutes deux inclinèrent la tête devant la présence de la divinité primordiale à la peau noire parsemée d’étoiles. « Nous te saluons, ô Nyx, fille de Chaos, toi qui vis dans l’Inframonde où tout n’est qu’obscurité », saluèrent d’une même voix les déesses. La déesse de la nuit contempla un instant les deux divinités devant elle. « Je suis lasse de ces querelles incessantes, bien que distrayantes. Je suis lasse d’entendre les pleurs et les soupirs emplis de remords et de chagrin pour la même âme. J’ai entendu ton inquiétude, ô Sélène, et ainsi, je mets mes créations au service de cette âme martyr. » « Vampires et loups ne s’entendent pas », grinça entre les dents Hécate. « Nous avons créé les loups pour contenir les fils de la nuit, ô Nyx. Tes créatures étaient bien trop voraces. » « Et les vôtres ont fait bien du mal à mes créations. Elles ne sont que peu aujourd’hui à fouler le domaine des hommes », constata impérialement Nyx. « Que souhaites-tu en échange ? », demanda sur le ton de la méfiance, Hécate. « Plus d’unions. Permettez à mes créatures de se lier aux vôtres. Permettez-leur de croître. Permettez-leur de… » « Tes créatures se repaissent de sang, ô Nyx. La vie et la mort ne peuvent pas s’unir. Les vampires doivent prendre la vie pour former leur moitié, et malheureusement, cela est souvent soldé par un échec », coupa Sélène. « Mes créatures ont changé au fil des siècles, ô déesses lunaires. Elles sont plus nobles aujourd’hui, plus grandes d’âmes qu’elles ne l’ont jamais été. Permettez aux plus méritantes de trouver leur bien-aimé parmi les vôtres. Je couvrirai ainsi d’un voile de nuit l’âme qui ne cesse de périr jusqu’à ce qu’elle soit enfin prête à recevoir sa moitié d’âme. » Hécate et Sélène gardèrent le silence. Elles savaient, toutes les deux, que Magnus avait bien trop attendu et que la folie lunaire le rongeait chaque jour, un peu plus, séparé de son âme sœur. Sélène leva la tête vers la déesse de la nuit, faisant ainsi onduler gracieusement, ses longs cheveux d’argent. « Je le permets », dit-elle d’un ton ferme. « Puisse le monde avoir la bonté d’âme d’accueillir ces enfants aux sangs ennemis », répondit Hécate en inclinant la tête. Nyx fixa de son regard abyssal la Déesse de l’Ombre et des morts. Hécate ouvrit la paume de sa main, faisant scintiller ses yeux d’un halo vert mystérieux. Une flamme y apparut aussitôt. « Cette enfant n’aurait jamais dû périr. Ainsi donc, voici l’âme responsable des plaintes des Moires », dit Nyx en fronçant les sourcils. Elle tendit à son tour la main en avant pour que la flamme vienne s’y glisser. « Nous te ferons naître dans le domaine des hommes, cette fois-ci. La nuit te couvrira d’un voile, la nuit guidera tes pas vers ton promis, les enfants de la nuit veilleront sur toi jusqu’à ce que l’heure vienne pour toi de reprendre ta forme. » « Les servantes d’Hécate l’appuieront quand l’heure sera venue. Mes deux plus belles et plus puissantes fidèles croiseront sa route au carrefour (Crossroad) des chemins », déclara à son tour, la déesse de la nouvelle lune. « Nous te nommons, Blanche, afin que la lumière continue d’éclairer ta route dans les ténèbres de la nuit. Et, je gracie l'enfant de la nuit qui te gardera d'une moitié d'âme parmi mes propres créatures. Puisse le monde avoir la bonté d'âme d'accueillir ces enfants aux sangs ennemis », murmura Sélène, en répétant les dernières paroles d'Hécate, avant de fermer les yeux.
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