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Les Odeurs de Paris

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Extrait : "Paris est un emplacement célèbre, sur lequel se forme une ville encore inachevée. L'on tient que cette ville sera la merveille du monde, le triomphe de la science moderne, matériellement et moralement. Il faut que les habitants y jouissent d'une liberté entière, et demeurent dans le plus grand respect."

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Paris – Rome
Paris – Rome Paris est un emplacement célèbre, sur lequel se forme une ville encore inachevée. L’on tient que cette ville sera la merveille du monde, le triomphe de la science moderne, matériellement et moralement. Il faut que les habitant y jouissent d’une liberté entière, et demeurent dans le plus grand respect. Pour résoudre ce problème de toute bonne police, on a voulu d’un côté favoriser la circulation des idées, de l’autre assurer la circulation des régiments. Un système d’égouts très savant, pourvoit à ce double dessein. Les idées qui se trouveraient embarrassées dans les voies ordinaires, ont les journaux, les théâtres, les cafés, et encore d’autres moyens détournés. Quant aux régiments, si la voie était par hasard coupée, ils manœuvreraient aussi bien sous terre, ce qui assure leur avantage. Car les idées de ce temps-ci ne sont pas faites pour tenir tête aux régiments, surtout lorsqu’elles les rencontrent où elles ne les attendaient pas. Néanmoins, comme il y a aussi beaucoup d’idées dans les égouts, où elles sont attirées par une pente naturelle, et comme rien n’est parfait en ce monde, il ne serait pas impossible, malgré l’abondance des lanternes, qu’un choc eût lieu. L’on pourra voir quelque jour la victoire toute infecte sortir d’un puisard. Les égouts de Paris méritent qu’il s’y passe quelque chose d’illustre. Des personnes qui ont tout vu disent que ces égouts sont peut-être ce qu’il y a de plus beau dans le monde. La lumière y éclate, la fange y entretient une température douce, on s’y promène en barque, on y chasse aux rats, on y organise des entrevues, et déjà plus d’une dot y fut prise. Les rues de Paris sont longues et larges, bordées de maisons immenses. Ces longues rues croissent tous les jours en longueur. Plus elles sont larges, moins on y peut passer. Les voitures encombrent la vaste chaussée, les piétons encombrent les vastes trottoirs. À voir une de ces rues du haut d’une de ces maisons, c’est comme un fleuve débordé qui charrierait les débris d’un monde. Véritablement Paris est une inondation qui a submergé la civilisation française, et l’emporte toute entière en débris. Où l’emporte-t-il ainsi concassée ? Moi, je crois qu’il l’emporte à la préfecture de police, quelque victoire qui surgisse des égouts. Si de tous ces débris la préfecture de police saura faire une autre civilisation, je l’ignore. Ce que sera cette autre civilisation, qui le veut savoir, n’a qu’à lire Tacite et Pétrone. Les constructions du nouveau Paris relèvent de tous les styles ; l’ensemble ne manque pas d’une certaine unité, parce que tous ces styles sont du genre ennuyeux, et du genre ennuyeux le plus ennuyeux, qui est l’emphatique et l’aligné. Alignement ! fixe ! Il semble que l’Amphion de cette ville soit caporal. Voilà un prodige du dix-neuvième siècle, que nul autre siècle peut-être n’a vu : on a rebâti Paris, et quasi la France, sans qu’il se soit révélé un architecte. Jusqu’à Louis XVI, on eût presque une architecture par règne. Il pousse quantité de choses fastueuses, pompeuses, colossales : elles sont ennuyeuses ; il en pousse quantité de fort laides : elles sont ennuyeuses aussi. Ces grandes rues, ces grands quais, ces grands édifices, ces grands égouts, leur physionomie mal copiée ou mal rêvée, garde je ne sais quoi qui sent la fortune soudaine et irrégulière. Ils exhalent l’ennui. On est là-dedans comme chez ces gens d’hier et d’ailleurs, qui vous font bien boire, bien manger, bien asseoir, qui vous chauffent bien, qui allument un luminaire à vous brûler les yeux, mais qui n’ont rien à vous dire, sitôt qu’ils ont achevé de réciter le journal de tout à l’heure. Qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il faille rester dehors, vous voulez sortir. C’est ce qui fait le succès du vaudeville, de Thérésa et de la pipe. Les habitants du Paris complet s’ennuieront comme on ne s’est jamais ennuyé sur la terre. Il n’est rien qu’on ne puisse craindre d’un peuple qui s’ennuie, et rien qu’on ne lui puisse imposer. Or, le peuple de Paris sera le monde, comme a été le peuple de Rome, peuplé qui s’ennuyait. Le Paris nouveau n’aura jamais d’histoire, et il perdra l’histoire de l’ancien Paris. Toute trace en est effacée déjà pour les hommes de trente ans. Les vieux monuments même qui restent debout ne disent plus rien, parce que tout a changé autour d’eux. Notre-Dame et la Tour Saint-Jacques ne sont pas plus à leur place que l’Obélisque, et semblent aussi bien avoir été apportées d’ailleurs comme de vaines curiosités. Où seront les lieux historiques, les demeures illustres, les grands tombeaux ? Les hommes de la Révolution ont eu la rage de faire passer des rues sur les sanctuaires qu’ils avaient démolis. Ils se sont dérangés pour accomplir cette chère besogne, ils ont sacrifié même leur bien-aimée ligne droite. On continue. Dans le Paris nouveau il n’y aura plus de demeure, plus de tombeau, plus même de cimetière. Toute maison ne fera qu’une case de cette formidable auberge où tout le monde a passé et où personne n’a souvenir d’avoir vu personne. Qui habitera la maison paternelle ? Qui priera dans l’église où il a été baptisé ? Qui connaîtra encore la chambre où il entendit un premier cri, où il reçut un dernier soupir ? Qui pourra poser son front sur l’appui d’une fenêtre où jeune il aura fait ces rêves éveillés qui sont la grâce de l’aurore dans le jour long et sombre de la vie ? Ô racines de joie arrachées de l’âme humaine ! Le temps a marché, la tombe s’est ouverte, et le cœur qui battait avec mon cœur s’est endormi jusqu’au réveil éternel. Pourtant quelque chose de mes félicités mortes habitait encore ces humbles lambris, chantait encore à cette fenêtre. J’ai été chassé de là, un autre est venu s’installer là : puis ma maison a été jetée par terre et la terre à tout englouti, et l’ignoble pavé a tout recouvert. Ville sans passé, pleine d’esprits sans souvenirs, de cœurs sans larmes, d’âmes sans amour ! Ville des multitudes déracinées, mobile amas de poussière humaine, tu pourras t’agrandir et devenir la capitale du monde ; tu n’auras jamais de citoyens ! Rousseau avait trouvé ce beau mot de « désert d’hommes » pour peindre Paris, quand Paris, peuplé seulement de six à sept cent mille âmes, n’était qu’une ville de province divisée en une quantité de paroisses où tout le monde se connaissait, où chacun faisait partie d’une corporation, vivait dans son quartier, avait des amis, des patrons, des parents. Et bientôt, qui donc, dans Paris, aura seulement un voisin ? Quel homme y pourra compter sur un autre homme pour une assistance quelconque, pour une résistance à quoi que ce soit d’injuste et d’odieux ? Il y a le sergent de ville, et voilà tout. Le sergent de ville connaît tout le monde, protège tout le monde, ramasse tout le monde. Mais que cet unique protecteur a de droits sur tout le monde, et que ses pupilles ont à observer de règlements ! La vile multitude, ce vieux et hideux personnage historique, n’était à vrai dire, dans la civilisation chrétienne, qu’un fantôme ; une figure de rhétorique comme les Dieux, les Grâces, les Muses et autres legs du grec et du latin. À présent elle existe, Paris l’a créée, et nous en sommes, et il n’y a pas autre chose dans l’enceinte des fortifications. Qui se croit hors de la multitude se trompe. Il en vient, il y rentrera, il n’en est pas sorti. Il n’est que la fraction minime et fatalement obéissante de quelque multitude particulière, elle-même fatalement asservie au mouvement de la multitude générale. Or, le mouvement de la multitude, c’est le vent qui en décide. Le destin de la multitude est de se soulever au vent, de s’éparpiller, d’aveugler, de souiller, de tomber, de laisser la force aller où elle veut. Mais, où qu’elle aille, la force ne trouve jamais que de la poussière et ne peut donner à cette poussière un semblant de consistance qu’en l’arrosant de sang. J’ai fait un livre intitulé le Parfum de Rome. Il m’a donné l’idée de ces Odeurs de Paris. Rome et Paris. Sont les deux têtes du monde, l’une spirituelle, l’autre charnelle. Paris, la tête charnelle, pense que le monde n’a plus besoin : de Rome, et que cette tête spirituelle, déjà supplantée, doit être abolie. Il y a sans doute des contradicteurs. Mais, quand une idée de telle nature possède la majorité, ou ce qui en tient lieu, tout ce que la contradiction peut dire n’est que risible. On jure bien aussi que ce n’est pas Paris, mais Florence qui propose d’abattre Rome Florence n’est pas une tête, pas même un bras. Est-ce que c’est le bourreau qui tue ? Pendant que le parfum de Rome s’exhalait de mon âme embrasée d’admiration, de reconnaissance et d’amour, les odeurs de Paris me poursuivaient, me persécutaient, m’insultaient. Je voyais l’impudence de l’orgueil ignorant et triomphant, j’entendais le ricanement de la sottise, l’emportement plus stupide du blasphème, les odieux balbutiements de l’hypocrisie. Je méditais de mettre en présence la ville de l’esprit qui va périr, et la ville de la chair, qui la tue. Les circonstances m’ont décidé. L’année 1866 est solennelle pour l’Europe ! Elle a déjà apporté ce que l’on n’attendait pas ; si elle apporte encore ce qui est annoncé, elle verra une chose inouïe dans les siècles chrétiens, inouïe dans la suite recommencée des siècles après le déluge. C’est en 1866, c’est tout à l’heure que, par l’abandon, de Rome aux bêtes farouches de l’Italie, lupi rapaces, l’apostasie des nations catholiques, tacitement opérée, sera officiellement proclamée. Un regard sur la capitale de la civilisation charnelle ne saurait être inutile en pareil moment. Ce n’est qu’un regard. Je n’ai pas prétendu écrire un portrait de Rome, tâche au-dessus, de mes forces ; j’entreprendrais bien moins de faire une description de Paris, besogne au-dessous de ma dignité. D’ailleurs Paris à ses peintres spéciaux en grand nombre et de grande audace, que j’aurai l’occasion de citer quelquefois. Ils en diront assez. Si je laisse un voile sur la plaie, on en sentira l’odeur âcre ou fade, toujours morbide. Un jour, à Rome, allant du Pincio, où le hâtif printemps entrouvrait les fleurs, au Vatican, où l’encens brûlait sur l’autel, je lisais dans la Revue des Deux-Mondes que Rome « sent le mort. » Cela m’était dit par M. Taine, tout justement à l’entrée du pont Saint-Ange, devant les statues des apôtres Pierre et Paul, l’un crucifié, l’autre décapité, et qui pourtant ne sont pas morts ; ce qui me persuada que Rome non plus n’est pas morte. Être crucifié ou décapité n’est plus la même chose que mourir. Et je me souvins aussi qu’en France ; moi-même et beaucoup d’autres, nous sommes étrangement tourmentés d’une malsaine odeur de renfermé. Car malgré la libre circulation des idées, entretenue avec tant de largeur et tant de pompe, nous ne laissons pas de connaître des idées qui n’ont nullement la permission de prendre l’omnibus, et M. Taine le sait très bien. Mais M. Taine, essentiellement parisien et essentiellement de l’époque, attaché tout à la fois au recueil de M. Buloz et au char de l’État, peut se trouver dans la même condition que beaucoup de libres penseurs : ils n’ont pas la faculté de croire tout ce qu’ils disent, ni la permission de dire tout ce qu’ils croient. M. Taine croit-il bien que Rome « sent le mort ? » oserait-il avouer que Paris sent le renfermé ? La libre pensée est un renard qui sait toujours parfaitement où et quand il convient d’avoir un rhume de cerveau. Faute de pouvoir ou de vouloir aller chercher à leur source toutes les mauvaises odeurs parisiennes, j’ai donné une grande place aux produits littéraires. Après tout, peu de choses dans Paris et dans le monde, à l’heure qu’il est, sentent plus mauvais que le papier fraîchement imprimé, et contiennent plus de miasmes mortels : Qu’on ne me dise pas, à propos de tel ou tel journal, que j’ai attaqué de minces adversaires : il n’est pas de petit garçon dans ces maisons-là, et Poivreux, et Galapias, et Galvaudin, et vingt autres sont des personnages en comparaison de qui les ducs et pairs de l’ancien régime n’étaient que populace. Ce matin même, Passepartout nous conte qu’une sorcière, sachant qu’elle avait l’honneur de travailler devant lui, fut intimidée au point qu’elle manqua ses tours. Assurément la sorcière eût parfaitement fonctionné devant une commission de députés et de sénateurs, même académiciens. La première chose que fait un ministre retraitant, c’est de donner séance à Passepartout : et comme il s’attife ! et comme il veut que Passepartout lui fasse un bon papier ! Que Passepartout subisse le destin des puissances et souffre le murmure des êtres de néant. Ah ! je viens de faire un dur voyage ! À Rome, dans la belle clarté du jour, nous allions visiter les basiliques de marbre et d’or, toutes pleines de chefs-d’œuvre, de grands souvenirs, de reliques sacrées ; nous vénérions les tombeaux augustes et féconds, les ruines-majestueuses où l’histoire est assise et parle toujours. Quels pèlerinages et quels chemins ! Sur ces chemins nous rencontrions la science, la piété, la pénitence, et toutes avaient des ailes et des sourires, et leurs yeux baignés de lueurs divines se tournaient vers le ciel. L’amitié était là aussi ; et les fleurs dans les herbes recouvraient des débris dont la splendeur abattue n’avait fait que changer de beauté ; et le silence, roi de ces nobles espaces, nous laissait partout entendre les plus douces voix de la vie. Dans Paris, à travers la boue jaillissante, à travers la foule morne, à travers l’infecte nuit, j’allais des fumées de la pipe aux vapeurs du gaz, des cafés aux théâtres. C’est là que le peuple s’amuse, c’est là qu’il s’instruit. J’ai vu, j’ai entendu, j’ai noté la voix des histrions et les mouvements de la foule ; j’ai senti le souffle et la main de la mort : Erant in diebus ante diluvium comedentes et bibentes et nubentes, usque ad eum diem quo intravit Noë in arcam, et non cognoverunt donec venit diluvium, et tulit omnes… J’ai parlé comme j’ai senti. Je ne m’accuse ni ne m’excuse de l’amertume de mon langage. Encore que je n’aime guère le temps où je vis, je reconnais en moi plus d’un trait de son caractère, et notamment celui que je condamne le plus : je méprise. La haine n’est point entrée dans mon cœur, mais le mépris n’en peut sortir. Il est cramponné et vissé là, il est vainqueur quoi que je fasse, il augmente quand je m’étudie à l’étouffer ; il désole mon âme en lui montrant, comme un effet de la perversité humaine, cette universelle conjuration contre le Christ, où l’ignorance a plus de part peut-être que la perversité. Ma raison, non moins révoltée que ma foi, accable ce que je voudrais conserver d’espérance, et me dicte des paroles acérées qu’il me semble que je ne voudrais pas écrire. J’en viens à croire que c’est ma fonction, de faire entendre aux persécuteurs de la vérité quelque chose de cet indomptable mépris par lequel se vengent la conscience et l’intelligence qu’ils écrasent, et de leur montrer dans un avenir prochain l’inexorable fouet qui tombera sur eux. Je suis cet homme qu’une force supérieure à sa volonté faisait courir sur les remparts de Jérusalem investie, mais encore orgueilleuse, criant : Malheur ! malheur ! Malheur à la ville et au temple ! Et le troisième jour il ajouta : Malheur à moi ! Et il tomba mort, atteint d’un trait de l’ennemi. LIVRE PREMIER La grosse presse

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