Hari
Phoebe et moi passons le reste de l'après-midi ensemble à discuter de tout et de rien. Ce n'est qu'aux alentours de six heures qu'elle rassemble ses affaires. Elle et son petit ami Travis ont prévu d'aller à la soirée films organisée à Central Park. Ils n'auraient pas été contre me laisser y aller avec eux, mais je ne me vois pas m'amuser à tenir la chandelle pour toute la soirée. Cela n'a jamais été mon truc et ce n'est pas demain la veille que ça va commencer.
Je la raccompagne donc en bas.
— Tu es vraiment sûr que tu ne veux pas venir ? demande-t-elle tandis que nous sortons de l'ascenseur.
Je soupire, légèrement exaspéré par son insistance.
— Oui Phee. Ne t'en fais pas pour moi. Je suis un grand garçon, je vais bien trouver le moyen de m'occuper.
— Comme tu voudras Mr. Grey.
Je lui réponds d'une grimace tout en la prenant dans une étreinte.
— Salut Mr. Folle Amour de ma part.
— Ne t'en fais pas, lui aussi t'emmerde.
Je lui donne une petite tape dans le dos et me détache d'elle.
— A lundi.
— A lundi.
Elle m'adresse un dernier sourire et sort de l'immeuble. Je la suis du regard jusqu'à ce qu'elle ait disparu au coin de la rue puis regagne mon appartement soudainement bien vide. Entre Owen qui est en repos, Cora qui a fini sa journée et Phoebe partie, mon chez moi me semble bien calme d'un coup. Heureusement pour moi, je n'ai pas le temps de me focaliser sur mon étrange solitude. Les vibrations de mon téléphone posé sur le comptoir de la cuisine attirent mon attention. Je sens mon cœur rater un battement sous l'effet de la surprise alors que le nom de Brianna s'affiche sur l'écran. Je m'empresse de décrocher, curieux de connaître la raison de cet appel.
— Mademoiselle Andrews ?
— Bonsoir Monsieur Stanford.
Des milliers de picotements se font ressentir à travers mon corps à l'entente de sa voix douce et mélodieuse. De simples mots et pourtant mon être entier semble prêt à s'embraser. J'inspire et expire un grand coup. Calme et professionnel, Hari. Calme et professionnel.
— Est-ce qu'il y a un problème ?
— Non, non du tout. C'est juste que...
Elle s'interrompt quelques instants. Un rire nerveux, presque gêné, s'échappe de ses lèvres. Je reste silencieux attendant patiemment qu'elle finisse sa phrase.
— En fait, j'aurais eu un service à vous demander, finit-elle par admettre.
— Je vous écoute.
— Alors voilà. Il y a une soirée films romantiques organisée à Central Park. Je dois m'y rendre avec mon père et ma belle-mère ainsi que quelques amis qui seront tous accompagnés. Je sais que cela va vous paraître culotté de ma part, mais étant donné les événements de ces dernières vingt-quatre heures...
— Vous aimeriez que je vous accompagne.
— Exact. Mais je comprendrais tout à fait...
— A quelle heure faut-il être sur place ? je la coupe.
— Dans deux heures, maximum.
— Parfait. J'y serai.
— Merci Monsieur.
— De rien.
Je prends une inspiration rapide tout en m'humectant les lèvres. Un léger silence s'installe entre nous. Je vérifie rapidement l'écran afin de m'assurer que la ligne n'a pas été interrompue. Non. L'appel est toujours en cours.
— Mademoiselle Andrews ?
— Oui, Monsieur ?
— Appelez-moi Hari.
**
Brianna
Un drôle de frisson me parcourt de la tête aux pieds...Appelez-moi Hari. Bon sang. Je suis sortie de ma rêverie par la voix de mon patron qui résonne à nouveau à travers le téléphone.
— Je dois aller me préparer. Je vous vois tout à l'heure.
— D'accord Mon...Hari.
Un rire discret presque imperceptible s'échappe de ses lèvres.
— A tout à l'heure Brianna.
— A tout à l'heure Hari.
Il raccroche. J'en fais de même glissant mon téléphone dans la poche arrière de mon jean. Un drôle de sentiment s'empare de moi tandis que je me rejoue notre courte conversation téléphonique. Je l'ai invité, il a dit oui. Je l'ai appelé Hari et il m'a appelée Brianna. Tout va bien. Tout va parfaitement bien. Tout à fait normal.
— Bree, on y va !
— J'arrive !
Je récupère quelques affaires à la va vite et rejoins mon père et ma belle-mère dans le hall. J'ai le cœur battant et les joues en feu à l'idée de retrouver mon patron et de passer une partie de la soirée avec lui. Merci à Josh et Fanny de m'avoir prévenue de leur venue, ainsi que de celle de Kylian, l'un des cousins de Josh, sa petite amie Judy et leur b***e d'amis. Je n'aurais jamais osé inviter mon patron autrement. Je sens mes lèvres s'étirer en un sourire malgré moi. Hari et moi allons passer une partie de la soirée ensemble. J'ai hâte.
Mon père, Sonia et moi prenons le chemin de Central Park. Je suis une boule de nerfs et même le trajet et l'air hivernal ne suffisent pas à me calmer. En même temps, quinze minutes de marche ça n'est pas suffisant. Ce n'est qu'une fois réunie avec mon couple d'amis et la petite b***e autour d'eux que je commence à me calmer. Eux et moi nous retrouvons à l'entrée comme prévu. J'envoie un message rapide à Hari afin de lui dire où nous retrouver, puis suit le petit groupe à l'intérieur du parc, jusqu'à notre emplacement. Fanny m'attrape bras-dessus, bras-dessous un grand sourire au coin des lèvres.
— Alors, tu l'as invité ?
J'acquiesce d'un signe de tête enthousiaste tout en rangeant mon téléphone dans ma poche.
— Il ne devrait plus tarder maintenant.
Nous nous asseyons dans l'herbe à côté du reste du groupe qui vient de sortir des gobelets en plastique ainsi que trois bouteilles pleines de punch. Kylian et Josh s'occupent de remplir les gobelets pour nous. J'attrape le premier à portée de main et le bois d'une traite. La caresse de l'alcool me procure une agréable sensation de chaleur le long de l'œsophage.
Josh en profite pour essayer d'en savoir plus quant à savoir où j'étais passée hier soir. Je tente de former une réponse cohérente, une excuse potable, en vain. Des images de mes baisers torrides avec Hari me reviennent en mémoire sans que je ne demande quoi que ce soit, embrasant mon être entier presque instantanément. Je prends sur moi, inspire, expire, cligne des yeux, et range de force ces pensées salaces dans un coin de ma tête. Fanny semble s'apercevoir de ma détresse et, comme toute bonne meilleure amie qui se respecte, décide de venir à ma rescousse. Josh et elle se lance dans une mini chamaillerie dont je ne capte que la fin, l'esprit encore à moitié embrumé par mes souvenirs.
— Chéri arrête de jouer le rabat-joie, intervient-elle.
— C'est toi qui joues la rabat-joie ma puce.
— Je vous ai dit ce matin qu'aussi improbable que cela puisse paraître, Bree avait fini par s'endormir dans la bibliothèque.
— Justement c'est parce que...
— Que pensez-vous de Darcy et Elizabeth ? j'interviens coupant court la conversation.
Les amis de Kylian échangent des petits coups d'œil entre eux. Il ne m'en faut pas plus pour deviner qu'ils n'ont jamais vu le film et probablement jamais lu le livre, hormis lui.
— Je trouve que Lizzie est attirée par ce qu'elle ne peut avoir, mais après ce n'est que mon avis.
Les garçons approuvent d'un signe de tête, tous bien trop occupés à rouler leur cigarette pour faire suffisamment attention à la conversation et se rendre compte qu'ils ne savent pas de quoi nous parlons. Il en va de même pour les filles, à l'exception de Fanny et Judy qui est la première à réagir.
— Désolée bébé, mais je ne suis pas d'accord avec toi.
— Moi non plus, renchérit Fanny.
Kylian lève les yeux au ciel et tire une bouffée sur sa cigarette.
— Et toi Bree ?
Je prends une gorgée de mon deuxième verre et jette un coup d'œil rapide à mon téléphone. Toujours aucune réponse de mon patron. J'active le mode vibreur, mobile en main de peur de rater sa réponse.
— En ce qui me concerne, Elizabeth est une de mes héroïnes préférées. Son caractère et sa fierté ont un côté inébranlable assez impressionnant pour son époque. Quant à Darcy, bien que sa fierté surdimensionnée lui donne un certain côté tête à claque au début du roman, il n'empêche qu'il a un certain charme.
— Un certain charme, tu es vraiment sûre de toi ? me charrie Josh.
J'émets un rire suite à sa question.
— Il est obstiné, tout comme elle. C'est d'ailleurs ce côté obstiné qui les pousse à mettre autant de temps à se rapprocher. Enfin ça et le manque de respect et de tact de la part de Darcy en ce qui concerne Elizabeth et sa famille. Mais malgré ça, malgré les désaccords et les disputes, au final l'amour finit par triompher de la force de caractère. Cela prouve qu'il est tout à fait possible d'aimer une personne avec qui on a des ressemblances et des différences. Le véritable amour n'est pas quelque chose de plat, de tout rose et bleu. C'est celui qui tient face aux épreuves et aux obstacles quels qu'ils soient.
Josh acquiesce d'un signe de tête, tout comme Kylian en train de tirer une autre taffe.
— Un peu fleur bleue comme analyse, mais tout de même intéressant.
— Ce n'est pas...
Je suis interrompue par les vibrations de mon téléphone. Le nom d'Hari s'affiche sur l'écran et il n'en faut pas plus à mon corps pour activer le mode éveil puissance dix. Mon cœur se met à faire des embardées dans ma poitrine tandis que je décroche tout en m'excusant auprès de mes amis. Je m'éloigne, le téléphone contre l'oreille, faisant de mon mieux pour ne pas prêter attention aux sifflements et réflexions déplacées du petit groupe.
— Hari, est-ce que tout va bien ?
— Oui. Je suis à Central Park comme prévu.
— Où êtes-vous ?
— Avancez.
— Vous savez, techniquement le stage n'a pas encore commencé. Il est donc déplacé de votre part d'en profiter pour me donner des ordres, je lui fais remarquer d'une voix joueuse.
Merci aux effets secondaires de l'alcool. Vous me direz aussi quelle idée d'aller boire un lendemain de fête d'anniversaire, mais bon. On est jeune qu'une fois.
— Ah oui, vraiment ?
Je sens ma peau qui se hérisse agréablement à l'entente de sa voix rauque et profonde.
— Oui, vraiment.
Je m'approche d'un petit ensemble d'arbres situés un peu plus loin. Un cri de surprise s'échappe de mes lèvres tandis qu'une main m'attrape par le bras et me tire en arrière. Je me retrouve le dos contre un tronc, un Hari au visage souriant et charmeur en face de moi. Il raccroche et range son téléphone dans la poche de son manteau. Les battements de mon cœur redoublent d'intensité dans ma poitrine. Mes joues et mon ventre s'enflamment. Ma respiration se fait plus rapide. Il colle son front contre le mien tout en appuyant ses bras de chaque côté de ma tête. Ses lèvres douces et tièdes se rapprochent de mon oreille provoquant une décharge électrique dans l'ensemble de mon corps.
— Alors comme ça, je n'ai pas d'ordre à vous donner avant lundi ?
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