Hari
De retour dans mon appartement, j'envoie un message à ma meilleure amie d'enfance Phoebe pour lui proposer de venir déjeuner avec moi. Dix minutes plus tard, elle sonne à l'interphone. Du Phoebe tout craché. Pas besoin de réponse. Quand on lui demande si elle peut venir et qu'elle est libre, elle vient. Je suis content de déjeuner avec elle. Depuis le temps, cela ne nous fera pas de mal de passer un moment ensemble. D'autant plus qu'elle est comme une sœur pour moi et de ce fait, j'aimerais lui parler de Brianna. La connaissant, elle saura me donner un avis plus constructif que l'idée d'un simple pari.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrent et ma meilleure amie d'enfance en sort, sacs de nourriture en main. Comme à son habitude, elle m'offre une étreinte rapide avant d'aller poser ses achats sur le comptoir de la cuisine.
— Repas chinois, m'annonce-t-elle.
— Merci Phee.
Elle m'adresse un grand sourire chaleureux et lumineux tout en commençant à déballer les plats. Je m'occupe de sortir assiettes, couverts, verres et bouteille de vin. Je lui explique toute la situation de ma rencontre avec Brianna jusqu'au moment où je l'ai raccompagnée chez son père ce matin, sans oublier la soirée d'hier. Elle m'écoute avec grande attention se contentant de hocher la tête par-ci par-là.
— Le problème c'est que je me suis une fois de plus laissé avoir par un pari débile avec Gabi.
— Oh non, Haz...
— Ce n'est pas de ma faute, je me défends d'une voix calme.
— Non, bien sûr que non. C'est celle du Pape.
J'émets un rire franc manquant de m'étouffer avec ma gorgée de vin. J'attrape une serviette à la va vite et la place devant ma bouche juste à temps. Je m'essuie rapidement le coin des lèvres et abandonne le tissu sur le rebord du comptoir auquel nous nous sommes installés pour manger.
— Phee, tu sais que Gabi adore mettre les gens au défi.
— Et que tu es bien trop fier pour ne pas te laisser avoir, oui ne t'en fais pas je le sais.
Elle pousse un soupir et attrape mon paquet de cigarettes duquel elle en extirpe une. Je la regarde allumer le bâtonnet et le placer entre ses lèvres pour en prendre une grande bouffée.
— Enfin après tout, tu n'auras peut-être pas besoin de cette histoire de pari avec Gabi pour rapidement compliquer les choses entre elle et toi, ajoute-t-elle.
— Comment ça ?
— Eh bien...Pour commencer lui as-tu parlé du contrat qu'elle devra signer si jamais votre relation aboutit à quelque chose ?
— Non, pas encore. Mais je prévois de lui en parler mardi soir quand je l'emmènerai dîner.
— Très bien... Et qu'en est-il de la pression médiatique ? De Hayden et de Gwenaëlle ?
Je sens mes muscles se crisper et mon sang se geler dans mes veines à la mention de mon fils et de mon ex-femme.
— Gwenaëlle et elle se ressemblent d'après la description que tu m'en as fait.
Une ressemblance entre Gwenaëlle et Brianna ? N'importe quoi. Je reconnais qu'en y réfléchissant il peut y avoir une ressemblance physique et encore. Ce serait bien tout.
— Gwenaëlle était une s****e, ce qui n'est pas le cas de Brianna, je dis d'une voix acerbe.
J'attrape une cigarette, mon verre de vin et vais me placer près de la grande baie vitrée qui offre une vue panoramique sur la ville.
— Comme tu le sais Gwen n'en avait qu'après la gloire et l'argent, ainsi qu'après les hommes une fois Hayden né. Résultat, j'ai obtenu la garde exclusive de mon fils et lui ai trouvé une famille d'accueil provisoire le temps que les choses se calment un peu et de pouvoir l'installer ici. Quant à Gwen, cela fait un moment qu'elle est hospitalisée en unité psychiatrique.
— Folle comme elle est, ce n'est pas plus mal, remarque-t-elle.
J'acquiesce tout en tirant une bouffée.
— Brianna n'est pas folle. C'est une jeune fille modeste, ambitieuse, gentille qui aime les gens pour qui ils sont et non pas pour ce qu'ils sont. Elle n'a que faire du statut social des uns et des autres.
— Et c'est pour ça que tu te sens intéressé par elle ?
— En partie. Bien évidemment je la trouve attirante, ça joue aussi. Après, tout dépendra de la façon dont elle réagit à la discussion que nous allons avoir mardi soir. Il est encore trop tôt pour conclure quoi que ce soit.
— Je suis contente Mr. Grey, me dit-elle d'une voix taquine.
Je lui réponds d'un grognement réprobateur tout en levant les yeux au ciel.
— Arrête de me surnommer Mr. Grey, je n'ai absolument rien à voir avec lui.
Phoebe m'adresse un regard innocent. Elle a choisi son moment pour être d'humeur joueuse. Enfin. Au moins cela permet de détendre l'atmosphère après la discussion que nous venons d'avoir.
— Je te rappelle que ma vision des choses quant aux relations amoureuses et sexuelle n'est pas aussi tordue que la sienne, j'ajoute.
— Peut-être mais en attendant tu es tout aussi jaloux, dominant et possessif que lui quand une fille te tape dans l'œil. Puis tu as tout de même certaines des manies qu'il a.
— Phoebe...
Je finis ma cigarette et mon verre de vin, puis commence à débarrasser le comptoir. Un drôle de silence s'installe entre nous tandis que mon amie, dont le visage affiche une expression soudainement plus grave et plus sérieuse qu'il y a encore quelques minutes, suit le mouvement. Je m'occupe de remplir le lave-vaisselle pendant qu'elle jette les déchets et range les restes dans le frigo. Le tout rangé, je récupère l'éponge pour passer un coup rapide sur le comptoir. Phoebe s'approche de moi et me la prend des mains, son regard ancré au mien.
— J'espère juste qu'après tout ce que tu as enduré tu auras toi aussi le droit à ta Anna.
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Brianna
Sonia et moi courons d'une boutique à l'autre. Vêtements, chaussures, magasins de cosmétiques, parfumeries, tout y passe. Ma belle-mère ne cesse de me faire essayer tenue sur tenue, paire de chaussures sur paire de chaussures, produits de beauté sur produits de beauté, le tout sans faire de pause hormis pour acheter le cadeau de Noël pour mon père, soit son eau de toilette favorite avec un pull de Noël.
— Comme ça, je n'aurai plus qu'à trouver ton cadeau, celui pour Bobby et ta mère, et compléter les cadeaux de Sam.
— Honnêtement, avec toutes les tenues que tu m'as offertes aujourd'hui, tu m'as déjà suffisamment gâtée comme ça jusqu'à l'année prochaine.
— Ne fais pas de compte d'apothicaire, veux-tu ?
Elle m'attrape par le bras tandis que nous avançons au milieu des clients du centre commercial venus commencer leurs achats de Noël.
— Ce n'est pas l'argent qui manque. Certes nous ne sommes pas aussi riches ni même aussi célèbres que Monsieur Stanford, mais cela ne compte pas. D'ailleurs en parlant de lui, tu te dois d'être bien habillée. Non seulement pour ton stage mais aussi parce que d'après ce que tu m'as dit et ce qu'il a laissé paraître, il s'intéresse à toi.
Je pousse un soupir discret et lève les yeux au ciel. Elle a raison. Il est vrai que nous nous sommes un peu emportés depuis hier. Beaucoup même. Et si je m'en fie à notre dernier b****r de tout à l'heure, cela est bien parti pour continuer ainsi.
— Pause-déjeuner ?
— Bonne idée, je meurs de faim.
— Moi aussi.
Nous quittons le centre commercial et allons nous installer au Starbucks du coin. Cette fois-ci, c'est moi qui paye. Sonia tente de me devancer mais je ne lui en laisse pas l'occasion. Avec tout ce qu'elle vient de m'offrir, je lui dois bien ça. Nous commandons deux Macchiato et deux sandwichs. Il y a tellement peu de monde qu'en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, nous nous asseyons, notre déjeuner en main. A croire que le Karma est avec nous aujourd'hui. D'habitude ce Starbucks est l'un des plus fréquentés de la ville.
Enfin. Ce n'est pas plus mal. Personne pour entendre la question très directe de ma belle-mère, quant à savoir si Mr. Stanford et moi nous sommes protégés. Il s'en faut de peu pour que je ne recrache ma gorgée de café.
— Nous n'en sommes pas...arrivés là.
— Qui sait ? Peut-être que si vous aviez eu deux trois verres de plus dans l'organisme, ça aurait été le cas.
Pas faux. Quoique quand je pense à la façon dont la soirée s'est finie pour moi, je préfère ne pas imaginer ce que cela aurait donné si j'avais bu les deux trois verres de trop. Je me racle la gorge et prends une longue gorgée de café que j'avale lentement. A mon plus grand soulagement, nous sommes interrompues par un appel de mon père. Sonia lui répond me laissant ainsi quelques minutes de répit, que j'utilise pour jeter un œil à mon téléphone. J'ai beau être soulagée, je ne peux m'empêcher de faire la moue en voyant que je n'ai aucun nouvel appel ni aucun nouveau message.
— Oui, d'accord. Je vais lui dire mon chéri. Oui. On déjeune et on rentre. Parfait. A tout à l'heure.
Je remets rapidement mon téléphone en place et me concentre à nouveau sur ma belle-mère qui vient tout juste de raccrocher. Elle remet son téléphone en place et attrape son café, le regard rivé sur moi, un sourire au coin des lèvres.
— J'espère que tu n'avais rien prévu pour ce soir.
— Pourquoi ?
— Sam va dormir chez un copain. Quant à ton père, toi et moi nous avons une soirée films romantiques à Central Park.
— Jusqu'à quelle heure ?
— Toute la nuit. Ton père s'est occupé d'acheter les places et de réserver la tente.
— Quels sont les films ?
— Les Hauts de Hurlevent, Orgueil et Préjugés, N'oublie Jamais et le Temps d'un Automne.
— Yes ! Trop bien.
— Je sais que j'ai dit à ton père que nous rentrions après le déjeuner, mais je viens de me rappeler qu'il y a une case importante que nous avons oubliée au cours de cette séance shopping.
Je lui adresse un regard confus tout en finissant mon Macchiato. A en juger par l'expression de son visage, elle doit avoir une idée bien précise derrière la tête. Une idée bien précise qui ne va pas forcément me plaire mais face à laquelle je ne vais pas avoir le choix.
— Les pyjamas et les sous-vêtements.
Cette fois-ci je recrache véritablement ma gorgée malgré moi.
— Sonia...
— Fais-moi confiance, me coupe-t-elle, je ne pense pas exagérer en disant que tu vas en avoir besoin.
— Sonia...
— Oh aller Bree ! On ne sait jamais ce qui peut se passer.
— Si par-là tu fais référence aux jeunes qui ont des rapports à la pause déjeuner dans les toilettes du lycée, voire même dans celles du bureau, ce n'est pas et ne sera pas mon cas.
— Pour le moment.
— Non tout court, je lui assure catégorique.
Sonia émet un rire franc.
— Il n'y aurait rien de honteux à ce que quelque chose se passe entre vous. Ce ne serait pas une mauvaise chose. En tant que femme je peux t'assurer qu'une première fois avec un séduisant jeune homme qui a de l'expérience vaut mieux qu'une première fois désagréable avec un jeune homme qui n'en a aucune, remarque-t-elle.
— C'était ton cas ?
Une étrange lueur parcourt son regard tandis que ses traits s'étirent en une expression nostalgique.
— Je n'ai eu que trois hommes dans ma vie. Nate, avec qui je suis restée six ans jusqu'à ce que nous prenions des chemins différents. Lui s'est spécialisé dans le sport et moi dans les affaires avant de me lancer en tant qu'organisatrice de mariage. Ensuite il y a eu Dorian, qui a fini par rencontrer quelqu'un d'autre, et enfin ton père.
Que trois hommes ? Woaw. Quand je pense qu'il y a des filles de mon âge qui en ont déjà eu le double, si ce n'est plus, je dois reconnaître que cela me rassure un peu.
— Peut-être que tu as du mal à me croire, mais aussi simple que soit mon expérience, je le sens plutôt bien pour toi et ton séduisant patron. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne se passe réellement quelque chose entre vous. J'en suis certaine.
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