Brianna
Un quart d'heure plus tard nous arrivons devant un petit café très agréable près de la mer. Tout est encore calme à cette heure-ci. La plupart des personnes qui habitent ici ont probablement dû faire la fête toute la nuit. Mr. Stanford m'ouvre la portière et m'aide à descendre. L'air frais vient caresser ma peau me faisant frissonner. Je ferme les yeux le temps de prendre une grande inspiration. L'odeur familière de l'eau de mer qui m'avait tant manquée envahit tous mes sens.
-Tenez.
Je rouvre les yeux. Mr. Stanford me passe une écharpe sortie de la poche de son manteau autour du cou.
-Voilà, vous aurez moins froid ainsi.
-Merci.
Son regard croise le mien. Il glisse sa main dans la mienne et entrelace nos doigts ensemble. Je le laisse faire, le cœur battant, un sourire au coin des lèvres. Nous regagnons l'intérieur où il demande à la serveuse de nous installer à une table au calme, près de la baie vitrée entrouverte. Excellent choix. De là où nous sommes, je peux profiter de la vue qui s'offre à moi. Les couleurs pâles du ciel s'étendent au loin jusqu'à ne faire plus qu'un avec le bleu de l'océan. Le mélange est vraiment magnifique. Un peu comme dans un rêve.
Je suis interrompue dans ma contemplation par la serveuse qui dépose un plateau sur lequel se trouvent deux muffins au chocolat et deux cafés que je reconnais comme étant des Macchiato.
-Merci, je dis tout en attrapant ma tasse entre mes mains.
-De rien Mademoiselle.
Elle m'adresse un petit sourire et jette un coup d'œil rapide en direction de Mr. Stanford avant de se retirer. Mon patron attrape un paquet de cigarettes qu'il extirpe de la poche de son manteau et en allume une. Il tire quelques lattes, son regard pensif rivé sur moi. Je me contente de siroter tranquillement mon café attendant patiemment qu'il prenne la parole.
-Aimez-vous voyager, Brianna? finit-il par me demander.
J'acquiesce d'un signe de tête tout en reposant ma tasse sur la table.
-Oui beaucoup. Même si cela fait quelques temps que je n'en ai pas eu l'occasion.
-Je vois. Dans ce cas cela tombe bien.
Mon myocarde se met à faire de vives embardées tandis qu'il se penche vers moi, me regardant droit dans les yeux.
-Je dois dire que ça m'était sorti de la tête mais l'un de mes amis proches, Louis Deakin, m'a gentiment rappelé ce matin que nous devions bientôt nous rendre en Europe, sa fiancée, lui et moi. Il s'avère que le voyage tombe pile pendant la deuxième semaine de votre stage et je me demandais si cela vous ferait plaisir de nous accompagner.
Je le regarde quelques minutes en silence, surprise. Mr. Stanford qui me propose de partir en voyage avec lui. Suis-je en train de rêver? Je prends une nouvelle gorgée de ma boisson en profitant pour me pincer discrètement la paume de la main. Non. Je ne rêve pas.
-Êtes-vous bien sûr de votre proposition? je lui demande calmement.
Un rire silencieux s'échappe de ses lèvres tandis qu'il expire une dernière bouffée et écrase son mégot dans le cendrier.
-Oui Brianna, j'en suis sûr. Cela me ferait vraiment plaisir. Et puis, je suis persuadé que vous vous entendriez à merveille avec Eleanor, la fiancée de mon ami.
Je vois. S'il le dit c'est qu'il a sans doute raison.
-Dans ce cas-là, j'accepte volontiers, mais je vais tout de même devoir en parler avec mes parents avant de pouvoir vous donner une vraie réponse.
-Ne vous en faîtes pas, vous avez encore un peu de temps devant vous. J'en parlerai moi-même avec eux si besoin.
Je lui adresse un hochement de tête approbatif. Il m'explique que la semaine consistera en un peu de détente, mais principalement des défilés ainsi que d'autres événements divers et variés dont des galas de charité, de la paperasse pour lui et des devoirs pour moi. Il en profite également pour m'en dire plus sur ses investissements, en dehors de son entreprise.
-Investissez-vous un peu dans le domaine musical?
-Non car ce domaine m'intéresse moins. Néanmoins j'y ai quelques connaissances si cela vous intéresse pour plus tard.
Je lui adresse un regard à la fois surpris et confus.
-Monsieur Paine m'a dit que vous faisiez partie des élèves qui ont choisi de suivre les cours de musique et que vous excelliez en la matière, m'explique-t-il.
Ah oui. J'oubliais qu'il connaît mon professeur de littérature.
-Cela fait des années que nous sommes bons amis lui et moi.
Bons amis depuis des années. Intéressant à savoir...Mon patron attrape son téléphone dans la poche arrière de son jean et y jette un coup d’œil rapide.
-Il va être l'heure de prendre la route pour New York.
Il enfile son manteau, remet son téléphone en place et regagne la caisse tandis que je finis mon café et mon muffin. J'en profite pour reposer les tasses ainsi que les assiettes sur le plateau que je ramène à la serveuse.
-J'ai payé pour nous deux, m'annonce-t-il alors que je m'apprête à sortir ma carte.
-Mon...
-Ne râlez pas, me coupe-t-il, vous aurez tout le temps de me remercier lundi en mettant toute votre énergie dans votre première journée de stage. En attendant, je dois vous ramener chez vous.
Sur ce il attrape ma main dans la sienne et entrelace une fois de plus ses doigts aux miens. Nous saluons la serveuse et sortons côte à côte, direction la voiture.
**
Le trajet jusqu'à New York se fait dans un silence agréable. Je me laisse bercer par le doux vrombissement du moteur tout en regardant l'extérieur défilé à toute vitesse par la fenêtre. Mr. Stanford met de la musique classique en fond et allume le chauffage afin de s'assurer à ce que je n'ai pas froid. La circulation n'étant pas encore trop dense, il ne nous faut pas longtemps pour arriver devant l'immeuble de mon père, dont j'ai rentré l'adresse dans le GPS pendant que nous quittions les Hamptons.
Nous descendons de voiture. Comme à son habitude, il se comporte en parfait gentleman et s'occupe de récupérer mes affaires avant de verrouiller la voiture. Je fais une tentative pour attraper ma valise mais il m'assène une petite tape sur la main. Je recommence, lui aussi. Je finis par céder dans un soupir tout en levant les yeux au ciel. Bon sang. A ce rythme-là je vais finir par rejoindre Brit et Fanny sur le podium des Drama Queen.
Nous franchissons les portes en verre du hall d'entrée. Une odeur de produits ménagés s'empare de mes sens, signe que le gardien est déjà passé par là. Nous montons dans l'ascenseur. J'appuie sur le bouton du dixième étage et me laisse aller contre le mur du fond. Je me sens déjà mieux que tout à l'heure, mais ma tête continue de tambouriner encore un peu.
-Dans quel domaine travaille votre père?
J'émets un rire discret. Dans quel domaine travail mon père...Très longue histoire. Plus qu'à faire court pour éviter qu'il ne s'endorme debout.
-Il a commencé dans la restauration en ouvrant un petit bistrot. Il y a travailler plusieurs années le temps de mettre de l'argent de côté, puis il l'a vendu et a créé sa propre entreprise avec l'aide de deux de ses meilleurs amis.
-Toujours dans la restauration?
-Oui. Ils investissent dans des petits restaurants peu connus aux États-Unis, au Canada et dans certains pays européens.
Il acquiesce d'un signe de tête.
-Admirable de leur part. Surtout dans une société où le chacun pour soi a tendance à facilement prendre le dessus.
-Mon père m'a toujours appris que ça n'est pas parce que certaines personnes fonctionnent d'une manière différente de la nôtre, que cela veut dire que nous devons en faire de même. C'est en restant fidèle à qui l'on est que l'on réussi à se démarquer d'elles. Et lui a décidé de le faire en tendant la main aux autres dans le domaine qui l'a toujours passionné. Disons qu'il a opté pour la solidarité, j'ajoute en haussant les épaules.
-Et il a parfaitement raison.
-Oui.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrent devant nous. Je récupère mes clés tandis que nous sortons dans le couloir. Mon patron me laisse passer devant. Je me dépêche d'ouvrir la porte et me pousse un peu afin de le laisser entrer.
-Je suis rentrée! j'annonce d'une voix forte.
Pas de réponse. Je referme la porte derrière nous et retire blouson et écharpe. Je me tourne vers mon patron afin de la lui rendre, mais ce dernier insiste quant au fait que rien ne presse et que je peux la garder. Bon. Dans ce cas, je le prends au mot. Je pose les affaires dans un coin et me tourne juste à temps pour voir mon petit frère débouler dans le couloir. Il se jette dans mes bras tout en criant mon prénom d'une voix enthousiaste.
J'émets un rire amusé.
- Woaw! Je t'ai tant manqué que ça? je le taquine.
- Oui! C'est plus amusant quand tu es là.
Je le repose à terre et m'agenouille en face de lui.
-Eh bien, je vais être là pendant un petit moment pour le stage et pendant les vacances. Nous allons avoir du temps pour regarder des dessins animés et faire des activités ensemble.
- Cool!
Un grand sourire vient étirer ses lèvres jusqu'à ce qu'il s'aperçoive de la présence de mon patron rester un peu à l'écart. Un «Bonjour Monsieur» presque inaudible s'échappe de ses lèvres. Son regard interrogateur se pose sur moi. Il se met à se dandiner sur place, timide.
-Où sont papa et ta maman? je lui demande d'une voix douce.
-Ici!
Ma belle-mère nous rejoint. Elle me prend dans ses bras, prête à discuter de la soirée mais se ravise en voyant Mr. Stanford. Je me racle rapidement la gorge et m'occupe de faire les présentations. Ils échangent une poignée de main formelle. Sam en profite pour retourner dans sa chambre aussi vite que ce qu'il en est sorti.
-Veuillez l'excuser, il est très réservé et timide pour son âge, je ris gênée.
-Ce n'est rien. A son âge je passais la plus grande partie de mon temps à jouer ou alors le nez dans mes livres.
-Exactement comme Brianna et Sam, intervient mon père se joignant à nous.
Il dépose un b****r sur mon front et échange une poignée de main avec mon patron.
-Max Andrews.
-Hari Stanford.
-Le fameux patron de stage.
-C'est exact.
-Ma fille m'a beaucoup parlé de vous et de votre entreprise. Elle est vraiment ravie d'avoir la possibilité de faire un stage chez vous.
-Papa, je souffle.
Décidément, toujours là pour me mettre mal à l'aise.
-Tout le plaisir est pour moi. Votre fille a tout à fait le profil que nous recherchons chez nos stagiaires. D'ailleurs cela me fait penser qu'il y a deux choses dont j'aimerais parler avec vous.
-Je vous écoute.
-Eh bien, je pense que Brianna vous en a déjà parlé mais il est prévu que nous ayons deux dîners ensemble la semaine qui vient.
Sonia me jette un coup d'œil plein de sous-entendus, un grand sourire au coin des lèvres. Je lui répond d'un simple regard. "On va avoir une discussion toi et moi" me mime-t-elle du bout des lèvres. Je lève les yeux au ciel et secoue discrètement la tête.
-Je vois...Et quelle est la deuxième chose?
-J'aimerais savoir si vous accepteriez qu'elle m'accompagne en Europe durant la deuxième semaine de stage.
Mon père m'adresse un petit regard suspicieux auquel je réponds d'un sourire hésitant, les joues légèrement en feu. Je ne m'attendais pas à ce que Mr. Stanford me devance et évoque la chose de manière aussi directe, avant même que je ne le fasse.
-Pour les deux repas vous avez mon accord. Quant à la semaine en Europe je n'y vois aucun inconvénient mais il faudra aussi demander l'autorisation à sa mère.
-D'accord. Merci Monsieur.
Mon patron se tourne vers moi, une lueur mélange de complicité et de malice dans le regard.
-Il va falloir que j'y aille.
J'acquiesce d'un signe de tête. Mon père et Sonia se retirent discrètement, me laissant seuls. Je le raccompagne jusqu'à l'ascenseur dans l'espoir de pouvoir profiter de quelques instants de tranquillité rien que tous les deux.
-Je vous enverrai vos horaires officiels pour votre première journée demain soir.
-Parfait. J'ai vraiment hâte de commencer.
Un sourire presque imperceptible se dessine sur son visage tandis qu'il appuie sur le bouton de l'ascenseur tout en se tournant vers moi. Je me rapproche de lui. Il attrape mon visage entre ses mains et se penche un peu. Ses lèvres rencontrent les miennes. Un doux frisson me parcourt le long de l'échine. Sa langue vient caresser la mienne tandis que je glisse mes mains derrière sa nuque. Il m'attrape par la taille et me colle contre lui faisant augmenter la sensation de chaleur dans le bas de mon ventre. Nous restons ainsi, enlacés l'un à l'autre pendant de longues et délicieuses secondes, jusqu'à ce que l'ascenseur arrive.
Lorsque nous nous détachons l'un de l'autre, j'ai le souffle court, la tête qui tourne et le corps en feu, légèrement déboussolée.
-Vivement lundi que je puisse vous avoir rien que pour moi pendant deux semaines, souffle-t-il d'une voix rauque.
Dernier b****r furtif et hop! Dans l'ascenseur. Mon myocarde cogne de plus belle. Le temps que mon cerveau revienne à la réalité et réussisse à former une réponse cohérente, il est déjà parti. Les portes de l'ascenseur se referment derrière lui alors que je reste là, comme statufiée. J'émets un rire silencieux, le regard rivé sur les portes de fer en face de moi. Parti sans me laisser le temps de dire quoi que ce soit.
-Enfoiré, je souffle en levant les yeux au ciel un sourire discret au coin des lèvres.
Je secoue la tête et regagne l'intérieur où ma belle-mère m'attend déjà dans le couloir.
Je ferme la porte, m'adosse dessus, l'esprit à moitié présent et à moitié ailleurs.
-Alors?
Je tourne la tête vers elle. Elle me regarde le sourcil haussé, un sourire taquin au coin des lèvres. Je me redresse.
-Alors quoi? je demande feignant l'indifférence.
-Eh bien je veux tout savoir! A commencer par la soirée, sans oublier comment tu en es arrivée à te retrouver à prendre le petit-déjeuner avec ton patron. Tu m'as promis des explications et j'ai bien l'intention de les obtenir!
J'émets un rire discret. Je dépose un b****r sur sa joue et lui passe devant, direction ma chambre.
-Bree!
-Je vais t'expliquer, ne t'en fais pas, je lui promets, juste le temps de récupérer quelques affaires pour notre séance shopping et je suis à toi.
-D'accord. Je te laisse dix minutes, pas plus!
J'acquiesce d'un signe de tête et me précipite dans la cage d'escaliers, fatiguée, mais tout de même enthousiaste. Enthousiaste à l'idée de la soirée passée, de l'après-midi à venir et plus que tout, enthousiaste à l'idée tous les moments que Hari Stanford et moi allons passer ensemble dans les jours à venir.
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