POINT DE VUE D'ALEC
C’est le silence. Mes mains jointes devant mon visage, la seule chose que j’entends, c’est le tic-tac de l’horloge. C’est tout ce que je m’autorise à écouter. Si je me concentrais sur ce qui m’entoure, mes oreilles seraient inondées de réalités. Tout ce que je veux, c’est être seul et éviter de penser à toute cette situation.
Je passe mes mains sur mon visage et me frotte les tempes. Ma cravate commence à m’irriter, comme si elle était prête à m’étrangler. D’un geste flou, je la défais et la laisse pendre autour de mon cou. Je prends une profonde inspiration, comme pour me rappeler que rien ne va physiquement de travers chez moi.
La sensation de serrement dans ma gorge persiste pourtant. Une image rapide me traverse l’esprit : celle de moi-même, arrachant ma gorge comme je viens de le faire avec cette cravate.
Je m’allonge sur le canapé et fixe le plafond. Mes pensées fusent, impossibles à calmer. Elles défilent à une vitesse folle, sans que je puisse m’accrocher à une seule. La chemise blanche que je porte colle à ma poitrine, où le sang du vieil homme commence à sécher. Mais je n’y prête pas attention. Cette pensée s’évanouit rapidement, balayée par d’autres, encore plus envahissantes.
Je n’arrive pas à fermer les yeux. Cette incapacité me donne même mal à la tête. Tout mon corps semble vibrer d’une énergie nerveuse, tandis que je reste immobile. Silencieux. Le calme extérieur contraste tellement avec le chaos dans ma tête.
Le temps file. J’ai l’impression que quelques minutes plus tard, le soleil brille déjà sur mon visage. J’étais tellement perdu dans mes pensées que je n’ai même pas vu le temps passer.
On frappe soudain à ma porte, me tirant de mes pensées. Lentement, je me lève et vais ouvrir. Mon frère, DeMalo, est là, et il me regarde de haut en bas.
– Qu’est-ce qui t’est arrivé ? demande-t-il, non pas surpris, mais plutôt curieux.
Il entre déjà dans ma chambre d’hôtel. Je ferme la porte et retourne m’asseoir sur le canapé.
– Rien, marmonné-je en me frottant les yeux.
– Qu’est-ce qui s’est passé hier soir ? Tu as l’air d’une épave, dit-il, alors que je fixe la ville à travers la fenêtre.
Je commence à enlever ma chemise pour en mettre une propre.
– DeMalo ! Je t’ai dit que rien ne s’est passé, lui dis-je en soupirant.
Il hausse un sourcil, me scrutant avec un regard confus. Il avance d’un pas vers moi, m’inspectant de la tête aux pieds, comme s’il essayait de deviner quelque chose.
– Tes yeux sont ailleurs…, murmure-t-il pour lui-même. Comportement agité, tension au maximum, stress évident…
Il s’arrête, se frotte le menton, me fixe encore, puis recule d’un petit pas.
– Tu l’as trouvée, dit-il, sous le choc, avec un sourire narquois en arrivant enfin à sa conclusion.
Je lève les yeux et lui lance un regard noir.
– Non, je ne l’ai pas trouvée, dis-je lentement.
Mais il poursuit, insistant :
– Si elle était blessée, là, maintenant… Que ferais-tu ? demande-t-il de manière inattendue, en s’approchant encore de moi.
Je sens mon pouls s’accélérer à cette idée. Il ricane légèrement, avec cet air arrogant qui ne le quitte jamais. Bien sûr qu’il le sent. Aussi impassible que je tente de paraître, il voit bien combien ses mots me troublent.
– Et si elle était déjà amoureuse de quelqu’un d’autre ? continue-t-il en me narguant.
Ma gorge se resserre à nouveau, et je le fixe sans un mot. Je ne dois pas me laisser affecter. Il cherche seulement à me provoquer, à me faire craquer.
Soudain, il a ce sourire perfide, comme s’il venait d’avoir la meilleure idée du monde.
– Et si je couchais avec elle… ?
À peine a-t-il commencé à prononcer ces mots que je me lève d’un bond et l’attrape par la gorge. Je le plaque contre le mur de l’autre côté de la pièce, serrant ma main autour de son cou. Il tousse un peu, mais garde son air sûr de lui, avec un sourire arrogant.
– Déjà possessif, hein…, tousse-t-il.
Je le relâche et recule de quelques pas. Tout mon corps tremble, et je le fixe avec colère.
– Ferme-la, DeMalo, grogné-je.
Je secoue la tête et me détourne, passant mes mains dans mes cheveux. Je sais qu’il a raison. Dès la seconde où je l’ai vue, ma décision était prise. Pourtant, quelque part, ce n’est pas moi qui ai choisi. C’est comme si une force en moi l’avait fait à ma place, sans que je puisse m’y opposer.
– Quoi ? Elle est canon ou quoi ? demande-t-il d’un ton arrogant.
– Ce n’est pas ça ! hurlé-je de rage.
Il essaie seulement d’aggraver la situation. C’est tout ce qu’il cherche à faire : me provoquer.
Un silence s’installe pendant quelques minutes, jusqu’à ce que j’entende DeMalo se diriger vers la porte. Je me retourne, surpris qu’il abandonne si vite.
– Tu viens ou pas ? demande-t-il en ouvrant la porte et en me regardant.
– Pour quoi faire ? grogné-je en attrapant une autre chemise.
– Qu’est-ce que tu crois, idiot ? dit-il, exaspéré.
Et il prononce alors les mots que je n’aurais jamais voulu entendre :
– On va aller voir ta compagne.